Pousser les entreprises à l’action
Amener les organisations à s’engager pour embaucher des personnes immigrantes, les intégrer et veiller à leur progression professionnelle, c’est l’objectif d’une initiative portée par HEC Montréal, la Ville de Montréal et la province de Québec : un pacte pour l’inclusion auquel se sont associés, pour la troisième année d’affilée, des organismes de tous les secteurs.
Cette année, 17 organisations montréalaises ont pris part au Pacte pour l’inclusion au travail des personnes immigrantes, qui s’est déroulé de septembre dernier à février. Au total, 32 gestionnaires et employés ont participé à des séances de sensibilisation, de coaching, de partage ainsi qu’à des expérimentations autour d’un des quatre volets de l’inclusion au travail : l’attraction, l’embauche, l’intégration et la progression des talents. Un programme d’accompagnement sur mesure qui leur a été offert par le Pôle IDEOS HEC Montréal, en collaboration avec la Ville de Montréal, le Bureau d’intégration des nouveaux arrivants à Montréal, et avec le soutien provincial.
Selon les estimations du Pôle, l’édition précédente avait permis de toucher plus de 3700 personnes en matière d’inclusion au travail, du fait de la participation et des engagements pris par les entreprises participantes. Mais ce chiffre varie d’une année à l’autre, selon la composition des cohortes. « Si elles comprennent de grandes entreprises comme Airbus, cela peut avoir un impact de l’ordre de milliers de personnes. Si l’on travaille davantage avec de petites entreprises, l’effet est moindre au niveau des chiffres, mais peut être très significatif d’un point de vue qualitatif », souligne Luciano Barin Cruz, directeur et cofondateur du Pôle IDEOS et professeur titulaire au Département de management à HEC Montréal.
Diversité des participants
Si aucune cohorte ne se ressemble, c’est en raison des aléas des inscriptions, mais aussi du processus de sélection qui favorise la diversité de taille, de secteur et d’expérience des organisations participantes. « Cette approche est gagnante parce qu’elle expose les participants à d’autres réalités et pratiques ou à des entreprises ne présentant pas le même état de maturité que la leur. Ça stimule l’inspiration et ça apporte la connaissance de ce qu’il est possible de faire », soutient le professeur.
« La communauté de partage est extraordinaire », témoigne dans le même sens Patricia Muanda Tsimba. Avec le soutien de sa directrice, cette conseillère en ressources humaines et développement organisationnel chez Bixi a sauté sur l’occasion de s’inscrire au programme du Pacte. « Nous estimons qu’offrir un bon accueil et veiller à l’intégration des employés relève du bon sens. Mais nous voulions mettre en place un parcours plus précis pour accueillir les personnes immigrantes, car elles ont des besoins spécifiques. »
Immigrante elle-même, Patricia Muanda Tsimba se rappelle avoir accepté un premier emploi à Montréal qui ne la valorisait pas, afin de pouvoir nourrir sa famille. « Au sein de mon entreprise aujourd’hui, on essaie de cibler les personnes sur la base de leurs compétences plutôt que de leur expérience québécoise. »
Un programme pensé pour l’action
« On les incite à tester leurs solutions à petite échelle afin qu’ils se donnent le droit de se tromper, de corriger le tir et de faire des changements jusqu’à ce qu’ils obtiennent des résultats concluants »
Pour soutenir ce type d’engagement, le pôle IDEOS de HEC Montréal a conçu le programme d’accompagnement selon une méthodologie qui se déploie en 26 heures d’activités en groupe et individualisées.
Le parcours s’ouvre d’abord sur une série d’ateliers de sensibilisation au sein desquels la cohorte s’instruit sur des sujets tels que la condition des personnes immigrantes, la discrimination systémique, les préjugés inconscients, mais également le changement organisationnel et le design thinking, énumère Luciano Barin Cruz. « Cet atelier d’idéation permet aux participants de générer des idées pour faire face aux défis auxquels ils veulent s’attaquer. »
Vient ensuite une phase d’action à travers des séances personnalisées de coaching dans lesquelles les participants sont invités à mener une microexpérimentation au sein de leur organisation. « On les incite à tester leurs solutions à petite échelle afin qu’ils se donnent le droit de se tromper, de corriger le tir et de faire des changements jusqu’à ce qu’ils obtiennent des résultats concluants », explique Sébastien Arcand, directeur du Département de management à HEC Montréal et coach au sein du Pacte.
Ces expérimentations font finalement l’objet d’un partage en groupe avant que les participants ne prennent un engagement formel en matière d’inclusion des personnes immigrantes : un pacte qu’ils signent lors de la cérémonie de clôture du programme. « La solennité est très stimulante pour soutenir l’engagement. Ça change des formations qui se concluent sur des recommandations ou des rapports qui dorment dans des tiroirs », indique Patricia Muanda Tsimba, dont l’entreprise s’est engagée à confier un projet stimulant à un employé immigrant.
Afin de soutenir un peu plus le passage à l’action, tous les engagements pris par les organisations participantes feront l’objet d’un suivi après 6 et 12 mois par les encadrants du programme. « Cela nous permet aussi d’évaluer son effet à moyen et long terme », indique Luciano Barin Cruz, qui espère voir la formule s’améliorer d’année en année grâce au soutien de HEC et de ses alliés. « C’est un des rôles des universités, de nous faire mettre au travail sur les grands enjeux de société. Et ce type de projet n’est possible que grâce au soutien d’un écosystème d’acteurs et des entreprises qui ont le courage d’embarquer. »
Un projet d’autant plus nécessaire que les droits des personnes immigrantes ne sont jamais tout à fait acquis, souligne Sébastien Arcand. « Souvent, les gens pensent que la société y est sensibilisée, qu’il n’y a plus de discrimination, mais la conjoncture économique est hyper importante et la courbe de progression n’est pas toujours ascendante. »