Des batteries québécoises plus vertes
Québec ambitionne de devenir un acteur important de la filière batterie. Le professeur de l’Université Concordia Karim Zaghib, une sommité des batteries lithium-ion, y travaille depuis plusieurs années, en collaboration avec des entreprises comme Nouveau Monde Graphite (NMG).
NMG développe au Québec une source intégrée de matériaux de batteries. Le 15 février dernier, elle annonçait que GM et Panasonic (qui fabrique des batteries pour Tesla) s’engageaient à acheter 85 % de la production de son usine de Bécancour. Panasonic investira en outre 25 millions $US pour soutenir sa croissance.
L’entreprise a commencé à collaborer avec Karim Zaghib en 2018, à l’époque où il travaillait pour HydroQuébec. Cette dernière avait signé avec NMG un contrat de licence et une entente de recherche et développement permettant à cette société d’exploiter des technologies brevetées par Hydro-Québec. Et ce, aux fins de la transformation du graphite en vue de son utilisation dans les batteries lithium-ion.
Le partenariat avec Karim Zaghib, aujourd’hui professeur en génie chimique et des matériaux à l’Université Concordia, n’a jamais vraiment cessé. Et il porte ses fruits. « Notre collaboration avec Karim Zaghib a aidé à conclure l’accord avec Panasonic, reconnaît le fondateur et p.-d.g. Éric Desaulniers. Leur directeur des technologies le connaît depuis les années 1990 et sait que la présence de Karim dans nos projets est un gage de crédibilité. »
Il rappelle que Karim Zaghib a consacré sa vie au travail sur les matériaux de batterie, notamment le graphite. Il a d’ailleurs été le premier à introduire le graphite naturel et le nanotitane dans les batteries lithium-ion à base de fer phosphate. Cela a permis de mettre au point une technologie à recharge rapide très sécuritaire, qui a été utilisée dans les véhicules électriques et le stockage d’énergie. « On entend souvent dire qu’il est une sommité dans son domaine, mais nous avons la chance d’en être témoins directement », souligne Éric Desaulniers.
Les atouts du Québec
Le professeur Zaghib n’en démord pas : « le Québec possède un écosystème unique pour se distinguer dans le marché de la conception de batteries lithium-ion », assure-t-il. Ce marché est actuellement dominé par la Chine, la Corée du Sud et le Japon. Il rappelle que le Québec produit tous les matériaux utilisés dans la batterie (cuivre, silicium, graphite, lithium, aluminium, etc.). Seule exception : le manganèse, que l’on trouve juste à côté, au Nouveau-Brunswick.
Les fabricants asiatiques doivent importer leurs minerais des quatre coins du monde. Ce type d’approvisionnement exige beaucoup de déplacements, ce qui va à l’encontre des objectifs de décarbonation de l’électrification des transports. Il menace aussi les droits de la personne dans certains pays où l’extraction des minerais repose en partie sur le travail des enfants et engendre des conflits armés et des déplacements forcés de populations.
« De plus, nous transformons ces matériaux locaux avec de l’hydroélectricité et non avec de l’énergie provenant de centrales au charbon, comme c’est souvent le cas dans d’autres pays producteurs, dit le professeur. Nous créons donc des matériaux de batterie beaucoup plus verts. »
Certifier nos produits
Ces atouts correspondent à des attentes sur le marché. De plus en plus conscients des conséquences des changements climatiques, les consommateurs réclament des véhicules électriques vraiment écologiques. Cela pousse certains fabricants à choisir des fournisseurs capables de répondre à cette demande.
Récemment, les recherches du professeur Zaghib ont porté sur la certification des matériaux de batteries lithium-ion construites avec les minéraux critiques du Québec, de la mine au recyclage, et sur la traçabilité. Dans certains cas, cela signifie aussi de mettre au point de nouveaux procédés de transformation qui ne génèrent pas de déchets et ont moins de répercussions environnementales. « Nous voulons élaborer des certifications qui prouvent que les batteries issues de l’écosystème québécois sont vertes », résume-t-il.
Il collabore avec NMG sur ce plan. L’entreprise est l’une des premières à miser entièrement sur un équipement électrique dans sa mine de Saint-Michel-des-Saints. Des étudiants de l’équipe de Karim Zaghib observent cette approche en vue de l’inclure dans les certifications.
L’équipe se penche aussi sur un autre défi. Certaines particules de graphite générées par NMG sont trop petites pour être employées dans les batteries à lithium-ion. « Nous considérons de nouvelles applications dans le stockage d’énergie pour ces résidus, afin d’éliminer tout déchet dans la production », explique le professeur.
De son côté, Éric Desaulniers rappelle que son entreprise a une quinzaine de collaborations avec des chercheurs universitaires. « C’est essentiel pour développer des projets à plus long terme, qui visent à augmenter notre productivité et à réduire notre empreinte carbone, souligne-t-il. Sans cela, nous stagnerons. »
« Le Québec possède un écosystème unique pour se distinguer dans le marché de la conception de batteries lithium-ion »