Écho de la mer (V.O., s.-t.f. de Seagrass)
Drame psychologique de Meredith Hama-Brown. Scénario de Meredith Hama-Brown. Avec Ally Maki, Luke Roberts, Nyha Huang Breitkreuz, Remy Marthaller, Chris Pang, Sarah Gadon. Canada, 2023, minutes. En salle.
Dérive en mère
Avec Seagrass, Meredith HamaBrown offre un premier film à la fois incisif et poétique sur les frustrations liées au couple, à la parentalité, ainsi qu’à l’enfance (on songe parfois au film Les démons, de Philippe Lesage). Le prétexte ? La nécessité pour deux conjoints de régler les problèmes qui plombent leur mariage. La toile de fond ? Une retraite insulaire entourée d’une mer surplombée de falaises escarpées. La réalisatrice et scénariste utilise avec intelligence et raffinement ce décor naturel impressionnant. En effet, l’incessant mouvement de flux et de reflux des vagues renvoie aux tensions qui reviennent sans cesse entre Judith (Ally Maki) et Steve (Luke Roberts), les époux en question. Tensions qui découlent beaucoup de leurs bagages contrastés : elle est d’héritage canadojaponais et issue d’une famille pauvre et nombreuse, tandis que lui est blanc et a grandi dans un milieu aisé. Quant au paysage maritime dur et tranchant, il est à l’image des sentiments que réprime Judith, tout spécialement. Tour à tour spectatrices et victimes collatérales du désamour ambiant, les deux filles du couple, l’aînée Stephanie (Nyha Huang Breitkreuz) et la cadette Emmy (Remy Marthaller), font face à un désarroi bien à elles. Avide d’appartenance et d’approbation, la première repousse la seconde, qui en retour se retranche dans son imaginaire. L’oeil de la cinéaste pour les compositions évocatrices n’a d’égal que son sens de l’observation en matière de comportements. Gestes, regards et silences parlent haut et fort alors que les personnages font tout leur possible pour taire et dissimuler, à eux-mêmes autant qu’à autrui, leurs sentiments réels. Cela, jusqu’à l’inévitable implosion. La réflexion de Meredith Hama-Brown s’avère profonde et courageuse tout du long, surtout dans son approche frontale du tabou que constitue le regret, pérenne ou intermittent, d’avoir eu des enfants. Une oeuvre belle et douloureuse.