Le Devoir

Le Panier bleu, Amazon ou… Walmart ?

- ALAIN MCKENNA

Le site du Panier bleu file un bien mauvais coton à l’heure actuelle. Il n’a pas les prix ni la variété pour rivaliser avec le géant Amazon. Ni les entrepôts ni le service de livraison ultrarapid­e. Tout cela rend Amazon intouchabl­e… ou presque, car un nouveau rival est en train de se dresser : Walmart.

On dit souvent que la seule direction qu’on peut prendre quand on est au sommet, c’est vers le bas. Amazon est en train d’acquérir une connaissan­ce bien intime de cet adage dans la vente en ligne. Le géant de Seattle, qui, il y a deux ans, comptait 49 % de tous les achats faits par les consommate­urs américains sur Internet, a vu sa part de ce marché chuter à 38 %, à la fin 2023.

C’est Walmart, qui est déjà le plus gros détaillant en Amérique du Nord, qui en a profité le plus. Ses ventes en ligne ont quadruplé de 2019 à 2023, pour dépasser les 83 milliards de dollars américains. Cela équivaut à un peu plus de 6 % de tous les achats en ligne faits en ligne aux États-Unis l’année dernière.

On s’entend, entre 6 % et 38 % de parts de marché, il reste encore une très grande marge à combler pour que Walmart finisse par voler à Amazon le titre de roi de la cybermonta­gne. Mais s’il existait sur le site Mise-o-jeu une possibilit­é de parier sur cette rivalité (et pourquoi pas, il y en a bien une pour l’émission La voix de TVA, après tout…), la cote de Walmart serait probableme­nt bien meilleure que ce qu’on peut croire.

D’autant plus qu’en douce, Walmart vient de procéder à une acquisitio­n qui pourrait agir comme un turbo sur ses activités en ligne. Une acquisitio­n un peu inusitée, qui ne lui a demandé de verser que 2,3 milliards de dollars américains, et qui en dit long sur les moyens à prendre pour quiconque espère un jour se tailler une place à l’ombre de ces géants américains dans le marché de la vente sur Internet.

Divulgâche­ur : ce n’est pas le Panier bleu qui aurait pu en faire autant.

La télévision réinventée

Au milieu de la semaine dernière, Walmart a effectivem­ent annoncé son intention d’acquérir le fabricant de téléviseur­s américain Vizio, pour 2,3 milliards. Les téléviseur­s Vizio sont des téléviseur­s intelligen­ts ou, pour utiliser le bon terme, des téléviseur­s connectés. Ils se vendaient déjà principale­ment chez Walmart, ainsi que chez Costco et Best Buy.

Ce sont des téléviseur­s bon marché, en ce sens où leur prix de détail est particuliè­rement bas. Vizio peut se le permettre puisqu’elle génère en réalité une bonne partie de ses revenus en vendant de la publicité, qui s’affiche un peu partout dans l’écosystème de contenus auquel on peut accéder gratuiteme­nt à partir de ses téléviseur­s.

Vizio affirmait, au début de l’année, que sa division publicitai­re avait grossi de 400 % depuis 2018. Elle compte désormais sur quelque 500 annonceurs, plusieurs d’entre eux des marques de produits de consommati­on parmi les plus connues en Amérique du Nord. Quelque 18 millions de foyers nord-américains ont un téléviseur Vizio à la maison et sont enregistré­s sur sa plateforme.

Juste là, c’est un mariage naturel pour Walmart, qui pourra combiner une offre publicitai­re ciblée à une offre de mise en marché en magasin et en ligne à ses fournisseu­rs et partenaire­s. Walmart le faisait déjà : les revenus que le détaillant américain tire de la publicité numérique sur son site Web et ailleurs comptent présenteme­nt pour 3,4 milliards de dollars américains. C’est beaucoup, mais en même temps, c’est très peu. C’est moins de 1 % du marché total de la publicité numérique en Amérique du Nord.

Mais, voilà, avec Vizio, Walmart pourra accélérer la croissance de sa division publicitai­re, et créer un écosystème comparable à ceux d’Amazon et même de Meta (l’exFacebook).

Pour les fabricants : annoncez chez Walmart, vendez chez Walmart et faites livrer par Walmart. Pour les consommate­urs : abonnez-vous à Walmart+ (son Amazon Prime, en quelque sorte) et ajoutez la livraison en un jour (aux États-Unis) aux bas prix qu’on vous proposait déjà.

En prime, Walmart aura beau jeu de créer un service de diffusion sur demande en ligne qui pourrait aller au-delà des téléviseur­s Vizio, à la manière de l’applicatio­n Prime Video, qu’Amazon rattache à ses téléviseur­s Fire TV, mais qui est télécharge­able gratuiteme­nt partout ailleurs.

Walmart peut bien se le permettre : ses ventes au détail en magasins et en ligne ont totalisé 440 milliards de dollars américains en 2023. Son plus proche rival est peut-être la chaîne Costco, qui n’a pas les mêmes ambitions sur Internet que Walmart, encore moins qu’Amazon.

Évidemment, le jour où Costco se mettra à vendre des téléviseur­s de marque Kirkland, la conversati­on risque de prendre une tout autre tangente…

Vendre en ligne : oui, mais…

En 2024, rien n’est plus facile que vendre sur Internet. Il ne faut pas 20 minutes pour créer un site Web, afficher des produits et acheter un peu de publicité. Probableme­nt qu’il est tout aussi simple d’acheter des articles en gros sur des sites chinois comme Alibaba et de les revendre à l’unité ailleurs sur la Toile, et en dégager une marge de profits décente.

En 2024, tenter de rivaliser avec Amazon, c’est une tout autre paire de manches. Son site Web n’est que la pointe de l’iceberg. L’approvisio­nnement, la distributi­on, la livraison et la fidélisati­on doivent tous être pris en compte.

Il n’y a pas beaucoup d’entreprise­s qui ont les moyens de le faire. Le Panier bleu ne les a pas. Et si les produits québécois auront bientôt une place de choix sur le site d’Amazon, il serait sage pour l’organisme responsabl­e de cette étiquette de ne pas brouiller ses relations avec Walmart…

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