La mort annoncée du civisme
Depuis l’arrivée de l’ère numérique dans nos vies, nous faisons face à l’extinction progressive du civisme, au point que les incivilités sont devenues la norme sur les réseaux sociaux.
Impolitesses, insultes, menaces, la plupart du temps anonymes, sont monnaie courante de nos jours, sur le Web ; un véritable contexte de violence et de diarrhée verbales.
Il faut dire qu’une même vague d’incivilités touche le monde politique et les relations avec les citoyens.
La qualité des rapports humains en a pris pour son rhume depuis l’invention d’Internet, cette prétendue autoroute de l’information, dont une large part du contenu s’apparente davantage finalement à de la désinformation plutôt qu’à de l’information crédible et vérifiable.
Sous le couvert de l’anonymat
L’apparition d’Internet dans les années 1980-1990 a été saluée comme une innovation quasi prodigieuse dans le domaine des technologies de l’information. Du coup, les communications entre humains s’accéléraient et se mondialisaient. Il devenait désormais possible de communiquer rapidement partout sur la planète. Joie sans pareille, pouvait-on s’exclamer !
Mais cette joie serait éphémère, car cette innovation technologique s’avérait porteuse d’un sérieux revers, soit l’anonymat de nos correspondants. N’importe qui pouvait désormais cacher son identité sur les réseaux sociaux, ouvrant ainsi la porte aux mensonges, à la petitesse, à l’escroquerie, aux prédateurs — une odeur nauséabonde de lâcheté.
Quel bel outil de communication l’humanité avait-elle inventé en créant Internet ! Pour favoriser l’émergence de relations humaines harmonieuses, on aurait certes pu faire mieux ; elles se sont au contraire détériorées en entrant dans l’univers du toutnumérique.
Qui dit civisme dit civilisation
L’ex-président américain — et actuel meneur dans la présente course à l’investiture républicaine — Donald Trump est à lui seul la parfaite illustration de l’incivilité et de l’absence totale d’éthique chez un politicien. Voilà un homme qui ment comme il respire, qui insulte sans vergogne ses adversaires politiques ou tous ceux ou celles qui osent diverger d’opinion avec lui.
Plus près de nous, au Québec, la classe politique fait heureusement — et généralement — preuve d’un plus grand sens éthique. Il lui arrive de faire face à la déferlante des réseaux sociaux, comme ce fut tout récemment le cas pour la mairesse de Gatineau, France Bélisle, qui en a fait l’une des principales causes de sa démission, affirme-t-elle. Et
Mme Bélisle est loin d’être la seule élue municipale à être tombée au champ d’honneur. Elles — et ils — sont, semble-t-il, légion. Depuis les élections municipales de septembre 2021, près d’un élu sur dix a quitté son poste, selon Élections Québec.
D’un autre côté, le milieu politique n’est pas pour autant exempt d’incivilités, comme on peut le voir dans les débats à l’Assemblée nationale ou à la Chambre des communes, des débats qui manquent souvent d’un minimum de hauteur.
Les fondements mêmes de la civilisation sont mis à mal quand le respect de l’autre est absent des débats publics, quand les débats sont aussi vivement polarisés.
L’emprise du numérique a favorisé la montée de l’individualisme, au détriment de communautés humaines qui savent l’importance d’entretenir un sain dialogue pour favoriser leur épanouissement collectif.
Le civisme n’est-il pas l’essence même de la civilisation ?