Les dix ans d’une Politique nationale en itinérance
Le 27 février 2014, la ministre déléguée aux Services sociaux, Véronique Hivon, lançait la Politique nationale de lutte à l’itinérance. Si la teneur des problèmes actuels et les manchettes quotidiennes concernant le phénomène pourraient nous faire croire que celle-ci n’a rien donné, il faut plutôt remettre en cause l’occasion manquée de maintenir le consensus initial autour de cet outil et l’instrumentalisation malsaine dont il a fait l’objet par nos gouvernements. Le naturel et ses besoins spécifiques sont donc revenus au galop après l’adoption de la Politique, nous faisant oublier des principes, des droits et des personnes.
La Politique permet d’enchâsser des principes structurants pour assurer la compréhension de l’itinérance et une meilleure cohérence entre les actions souvent éparses qui sont menées pour y faire face. Elle doit donner une dimension structurelle à un phénomène qu’on a trop souvent tendance à individualiser, affirmer la nécessité d’une responsabilité collective à son égard et reconnaître la personne en situation d’itinérance comme citoyenne à part entière. Elle doit donner des armes aux organismes d’aide, leur permettant d’invoquer, au besoin, la Politique lorsque nos paliers de gouvernement sont sur le point de faire de mauvais choix.
La Politique est née d’un combat amorcé en 2004 par le milieu communautaire sous la bannière du Réseau solidarité itinérance du Québec. Elle s’appuie sur une prémisse en apparence fort simple, à savoir que la situation d’itinérance se compose d’un ensemble de droits bafoués ou niés et que c’est la réintégration de ces droits qui peut permettre d’avoir gain de cause sur les racines du phénomène. On parle ici du droit de cité, à un logement, à un revenu décent, à la santé, à l’éducation ainsi qu’à un réseau d’aide et de solidarité.
La ministre Hivon affirmait, en plus de « Mourir dans la dignité », vouloir accomplir un autre projet avec la Politique en itinérance, soit celui de « Vivre dans la dignité ». Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il convient comme société de prendre un peu de recul et, pour un temps du moins, de cesser de gérer avec précipitation et amateurisme un phénomène qui renvoie à quelque chose d’aussi complexe que des droits. Profitons de ce 10e anniversaire pour se rasseoir et faire collectivement le bilan qui s’impose de cet outil phare qui, rappelons-le, a été scellé dans un beau moment de solidarité.