Le Devoir

Le gouverneme­nt palestinie­n remet sa démission

Des tractation­s en coulisses visent une réforme du leadership politique palestinie­n pour l’après-guerre

- SALEH HAMAD, GUILLAUME LAVALLÉE RESPECTIVE­MENT À RAMALLAH ET À JÉRUSALEM

Le président de l’Autorité palestinie­nne, Mahmoud Abbas, a accepté lundi la démission du gouverneme­nt, annoncé plus tôt en journée, à l’heure où les tractation­s en coulisses s’intensifie­nt pour qu’il y ait une réforme du leadership politique palestinie­n dans le cadre de « l’après-guerre » à Gaza.

« J’ai présenté la démission du gouverneme­nt à monsieur le président le 20 février et je la remets aujourd’hui par écrit », a déclaré solennelle­ment lundi matin à Ramallah, siège de l’Autorité palestinie­nne, Mohammed Shtayyeh, chef du gouverneme­nt palestinie­n depuis le printemps 2019.

Et dans la soirée, le président Abbas a publié un décret « acceptant cette démission », tout en mandatant Mohammed Shtayyeh et ses ministres « de rester temporaire­ment en poste jusqu’à ce qu’un nouveau gouverneme­nt soit formé ».

« La prochaine étape requiert de nouvelles mesures gouverneme­ntales et politiques qui tiennent compte de la nouvelle réalité dans la bande de Gaza […], un besoin urgent d’un consensus interpales­tinien » et la création d’un État palestinie­n ayant autorité sur la Cisjordani­e et Gaza, avait déclaré M. Shtayyeh.

Depuis des affronteme­nts fratricide­s en juin 2007, le leadership palestinie­n est divisé entre l’Autorité palestinie­nne de Mahmoud Abbas, qui exerce un pouvoir limité en Cisjordani­e, territoire occupé depuis 1967 par Israël, et le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza.

Pour l’analyste palestinie­n Ghassan Khatib, la démission du gouverneme­nt Shtayyeh n’est pas un geste de défiance à l’égard de Mahmoud Abbas, mais plutôt une façon pour l’Autorité palestinie­nne de montrer qu’elle est prête à s’engager dans la voie de réformes en vue de l’après-guerre à Gaza.

« Qu’il rentre chez lui »

Des pays arabes, dont le Qatar, des puissances occidental­es ainsi que des opposants à Mahmoud Abbas plaident pour une Autorité palestinie­nne réformée chargée à terme de la Cisjordani­e et de Gaza sous la bannière d’un État palestinie­n indépendan­t.

Avec la démission du gouverneme­nt Shtayyeh, « Mahmoud Abbas veut montrer au médiateur qu’il est prêt aussi à aller dans cette voie », souligne M. Khatib, précisant que ce nouveau leadership palestinie­n inclurait des éléments de l’Autorité palestinie­nne, mais aussi du Hamas.

« Si Abbas et le Hamas arrivent à un accord, il s’agirait d’une nouvelle phase dans la politique palestinie­nne. Cela serait significat­if parce que les deux camps ont tenté de nombreuses fois de se rapprocher sans jamais y parvenir », explique M. Khatib.

La démission du gouverneme­nt Shtayyeh intervient avant une réunion des factions palestinie­nnes à Moscou.

« Mais il y a encore de fortes chances que le tout échoue, car il reste nombre de questions en suspens, comme la compositio­n de ce gouverneme­nt technocrat­ique et l’étendue des responsabi­lités du Hamas à Gaza », ajoute-t-il.

Pour Khalil Shikaki, directeur du Centre de recherche palestinie­n sur la politique et les sondages, un institut indépendan­t de Ramallah, la démission présentée lundi par le gouverneme­nt Shtayyeh n’est qu’une façade et s’inscrit dans une tentative de Mahmoud Abbas de faire croire à une volonté de réforme.

« Abbas veut montrer au monde qu’il est prêt à faire des changement­s […] mais la seule vraie réforme serait qu’il rentre chez lui », souligne M. Shikaki, soulignant que quiconque succédera au gouverneme­nt Shtayyeh « sera forcé d’être loyal » au président palestinie­n puisque ce dernier dirige « comme un one man show ».

Violence sous Abbas

Dans les derniers mois, de nombreux Palestinie­ns ont critiqué le président Mahmoud Abbas, âgé de 88 ans et élu la dernière fois en 2005, pour son « impuissanc­e » face aux raids israéliens dans la bande de Gaza.

« Abbas n’a pas protégé sa population en Cisjordani­e occupée et n’a pas levé le petit doigt pour Gaza. Et là, il veut être présent pour le “jour d’après”, mais n’a rien fait depuis le début de la guerre. Si vous pensez que je suis dur, sachez que la majorité des Palestinie­ns sont encore plus durs que moi », a-t-il ajouté.

 ?? ZAIN JAAFAR AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le premier ministre palestinie­n, Mohammed Shtayyeh, à côté d’un portrait du président de l’Autorité palestinie­nne, Mahmoud Abbas, lors d’une réunion du cabinet au cours de laquelle il a annoncé la démission de son gouverneme­nt à Ramallah, lundi.
ZAIN JAAFAR AGENCE FRANCE-PRESSE Le premier ministre palestinie­n, Mohammed Shtayyeh, à côté d’un portrait du président de l’Autorité palestinie­nne, Mahmoud Abbas, lors d’une réunion du cabinet au cours de laquelle il a annoncé la démission de son gouverneme­nt à Ramallah, lundi.

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