Le Devoir

Un accueil partagé pour la Loi sur les préjudices en ligne

Les partis d’opposition ont émis quelques réserves sur la lourdeur bureaucrat­ique du projet de loi

- SANDRINE VIEIRA À OTTAWA LE DEVOIR Avec Boris Proulx et La Presse canadienne

Le projet de loi du gouverneme­nt Trudeau sur les méfaits en ligne a été généraleme­nt bien accueilli par les partis d’opposition à Ottawa, malgré quelques nuances qu’ils jugent nécessaire­s.

Le chef conservate­ur, Pierre Poilievre, qui a longtemps critiqué le projet de loi en question, s’est finalement dit favorable au principe de « criminalis­er et faire appliquer les lois » contre la victimisat­ion sexuelle d’un enfant, l’intimidati­on d’un enfant en ligne ou encore l’incitation à la violence.

Ce dernier croit toutefois que la protection des enfants en ligne devrait relever de la compétence de la police, plutôt que des nouvelles institutio­ns prévues par le projet de loi libéral.

« Nous pensons que ces actes graves doivent être criminalis­és, faire l’objet d’une enquête de police, être jugés par un tribunal et punis par une peine d’emprisonne­ment, et non être confiés à une nouvelle bureaucrat­ie qui ne fait rien pour prévenir les crimes et ne rend pas justice aux victimes », a dénoncé le chef de l’opposition mardi.

Le ministre de la Justice, Arif Virani, a présenté lundi son projet de loi sur les préjudices en ligne (C-63), qui vise à « protéger les enfants » en ligne. Selon ce qu’Ottawa propose, les plateforme­s de réseaux sociaux devront retirer dans les 24 heures toute publicatio­n signalée comme « représenta­nt de la victimisat­ion sexuelle d’enfants » ou des images intimes partagées de façon non consensuel­le.

Les plaintes concernant le partage non consensuel d’images intimes ainsi que l’exploitati­on sexuelle devront être faites à une nouvelle entité, la Commission sur la sécurité numérique. Il reviendrai­t alors à ce groupe d’exiger, lorsqu’il le juge justifié, un retrait de contenu dans les 24 heures.

Le chef du Bloc québécois, YvesFranço­is Blanchet, s’est aussi dit en faveur du principe du projet de loi, mais a émis des réserves sur sa « lourdeur » bureaucrat­ique.

« Sur la création de plusieurs institutio­ns, sur le temps que ça pourra prendre, sur ce qui fait figure de dérives idéologiqu­es à certains égards, nous avons des doutes qui devront être discutés en comité », a-t-il fait valoir mardi à Ottawa.

Incitation à la haine

Les partis d’opposition jugent aussi que le projet de loi devrait aller plus loin en ce qui a trait aux discours haineux. Dans sa mouture actuelle, le projet de loi C-63 ne prévoit pas de retrait rapide pour ces formes de contenu préjudicia­ble en ligne — comme le voulait une propositio­n mise de l’avant par les libéraux avant la campagne électorale de 2021.

Les signalemen­ts de contenus incitant à la haine, à la violence ou au terrorisme pourront être faits, mais les Canadiens devront porter plainte auprès du Tribunal canadien des droits de la personne et non à la plateforme en ligne.

Selon une enquête de Statistiqu­e Canada parue mardi, 71 % des jeunes Canadiens ont déclaré avoir vu du contenu haineux en ligne au cours des 12 mois précédents, un taux bien supérieur à la moyenne nationale de 49 %. Plus du tiers (36 %) des victimes de cybercrime­s haineux étaient âgées de moins de 25 ans.

Le projet de loi libéral maintient également l’exception religieuse inscrite au chapitre du Code criminel sur le discours haineux.

« Ce projet de loi dit que si vous incitez à la violence ou au génocide, vous êtes passible de prison à perpétuité. Mais si vous dites que c’est par conviction religieuse, vous pouvez très bien aller faire vos courses au dépanneur. Ça n’a absolument aucun sens », a ironisé le chef Yves-François Blanchet.

Le Bloc québécois a déjà déposé deux projets de loi à cet effet.

« À première vue, il n’y a pas de dispositio­n là-dessus et ça me déçoit. Je pense qu’on aurait pu intégrer tout de suite l’éliminatio­n de cette défense-là », a commenté le député bloquiste Rhéal Fortin en entrevue au Devoir peu après le dépôt du projet de loi lundi soir.

Le ministre Virani n’a pas voulu expliquer pourquoi il ne s’est pas penché sur cette exception lundi.

Le leader parlementa­ire des néodémocra­tes, Peter Julian, s’est réjoui que le projet de loi soit « enfin déposé », après plusieurs années d’attente. Il estime que le projet de loi comporte « plusieurs aspects positifs », mais ne prévoit pas assez de mesures exigeant des plateforme­s qu’elles soient transparen­tes sur leurs algorithme­s.

Après sa réélection pour un troisième mandat, le gouverneme­nt libéral devait déposer un projet de loi en la matière dans les 100 premiers jours afin de respecter un engagement électoral, ce qui n’a pas été fait.

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