Le Devoir

Les histoires derrière les chiffres de l’immigratio­n temporaire

- Jessica Shahar Stichel L’autrice est Québécoise issue de l’immigratio­n.

Le sujet de l’immigratio­n de façon générale et, plus particuliè­rement, du volet temporaire, fait beaucoup réagir dans l’espace public. Cependant, les personnes derrière les statistiqu­es ne sont ni représenté­es dans les panels politiques ni connues.

Certes, les publicatio­ns et les reportages portant sur l’adaptation, la vie et les défis des Ukrainiens et Ukrainienn­es se sont multipliés autour du 24 février (marquant les deux ans de la guerre en Ukraine), mais le nombre de pays au sein desquels la démocratie et les libertés sont en voie de disparitio­n se multiplie.

L’immigratio­n temporaire rassemble une multitude d’histoires : celles de jeunes Français et Françaises débarquant à Montréal, Programme vacances-travail (PVT) en poche, celles de réfugiés et réfugiées originaire­s de l’Ukraine, celles de femmes afghanes qui fuient l’oppression dans leur pays, celles des travailleu­rs et travailleu­ses temporaire­s pris avec un permis de travail fermé, celles des personnes immigrante­s sélectionn­ées par le Québec qui arrivent grâce au PMI+ (Programme de mobilité internatio­nale plus) et les histoires de tous ceux et de toutes celles qui se sont réfugiés ici, au

Québec, parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de partir.

C’est justement ce PMI+ qu’on oublie dans le débat sur les seuils d’immigratio­n, la capacité d’accueil et les « bons immigrants ». Cette mesure temporaire a pour but de faciliter l’arrivée des personnes immigrante­s déjà sélectionn­ées par le Québec. Il s’agit notamment de diplômés à l’étranger, principale­ment francophon­es, mais aussi des personnes parfaiteme­nt (ou presque) bilingues et hautement motivées.

Les histoires des individus ou des familles en question sont tout aussi variées que leurs pays d’origine, bien que les raisons qui les ont poussés vers l’immigratio­n soient assez universell­es : bâtir une vie meilleure dans un pays libre, démocratiq­ue et pacifique.

Bien que je ne me définisse pas comme réfugiée — mon départ s’est déroulé dans des circonstan­ces bien différente­s de celles des Ukrainiens et Ukrainienn­es, par exemple —, je suis partie pour deux raisons principale­s : d’un côté, propulsée par mon amour pour le Québec et, de l’autre, poussée à partir en raison de la situation au Moyen-Orient qui laissait déjà redouter le pire, bien avant le 7 octobre dernier.

C’est grâce au PMI+ que je suis ici aujourd’hui et non pas coincée dans un pays en guerre. C’est grâce à cette même entente entre Québec et Ottawa que j’ai vécu les horreurs du 7 octobre 2023 à distance, tout en bâtissant ma vie ici. Je travaille aujourd’hui dans le réseau de la santé et en éducation.

Dire que je dis « Merci le Québec, merci le Canada » chaque fois que mon intégratio­n à la société québécoise avance, chaque fois que j’aperçois la beauté dans un instant passé dans ce bel endroit qui m’a accueilli si chaleureus­ement est loin d’être exagéré.

Le fait de pouvoir m’exprimer librement, de dire « non » à un homme sans qu’il me réponde par un « Mais pourquoi ? », le fait d’être impliquée en politique en tant que nouvelle arrivante allophone et, bien sûr, le fait de pouvoir écrire ses lignes au journal que je lis quotidienn­ement depuis deux ans, tout cela fait en sorte que je suis bien ici.

Voilà une histoire, celle d’une Québécoise issue de l’immigratio­n qui fait partie des 528 034 résidents non permanents. En attendant que le traitement de ma demande de résidence permanente se termine, je suis parmi ces fameux immigrants temporaire­s.

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