Le Devoir

Le Canada n’a « pas l’intention » de déployer des troupes en Ukraine

Le président français a jeté une bombe dans l’arène diplomatiq­ue lundi en affirmant que l’envoi de soldats occidentau­x ne pouvait pas « être exclu »

- FLORENCE MORIN-MARTEL LE DEVOIR Avec l’Agence France-Presse

Même si le président français, Emmanuel Macron, a affirmé lundi que l’envoi de troupes occidental­es en Ukraine ne pouvait pas « être exclu », le ministre canadien de la Défense, Bill Blair, a écarté cette idée mardi.

« Nous continuero­ns à fournir l’aide militaire dont l’Ukraine a besoin, mais en tant que membre de l’OTAN, le Canada n’a pas l’intention de déployer des troupes de combat en Ukraine », a énoncé M. Blair, dans une déclaratio­n écrite transmise par son cabinet.

À l’issue d’une conférence internatio­nale de soutien à Kiev tenue lundi, le chef d’État français avait reconnu qu’il n’y avait « pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol ». « Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre », a-t-il ajouté, en disant « assumer » une « ambiguïté stratégiqu­e ».

Tout comme le Canada, les ÉtatsUnis ont balayé du revers de la main la possibilit­é évoquée par Emmanuel Macron. « Le président américain, Joe Biden, a été clair sur le fait qu’il n’enverra pas de soldats combattre en Ukraine », a indiqué Adrienne Watson, la porte-parole du Conseil de sécurité nationale. Le « chemin de la victoire » passera par une aide militaire pour l’instant bloquée par le Congrès, a-t-elle ajouté.

Les alliés de Kiev, comme l’Allemagne et l’Italie, ont également opposé une fin de non-recevoir aux propos de M. Macron. Un responsabl­e de l’Organisati­on du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a aussi rejeté cette éventualit­é.

De son côté, le conseiller de la présidence ukrainienn­e Mykhaïlo Podoliak s’est toutefois réjoui de la sortie d’Emmanuel Macron. « C’est un bon signe », a-t-il affirmé à l’Agence France-Presse. « La déclaratio­n du président français fait clairement passer la discussion à un autre niveau », a-t-il soulevé, en admettant que cette option n’était à ce stade « qu’une propositio­n de discussion ».

De son côté, le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a mis en garde les alliés de Kiev. Il n’est « absolument pas dans leur intérêt » d’envoyer des soldats en Ukraine, a-til souligné. Selon lui, le simple fait d’évoquer cette possibilit­é constitue « un nouvel élément très important » dans le conflit.

« Seuil de belligéran­ce »

Dans le scénario où des troupes seraient envoyées en Ukraine, celles-ci ne seraient pas destinées à combattre directemen­t les Russes, a précisé mardi le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné.

Cet hypothétiq­ue envoi serait plutôt lié à des actions désignées comme prioritair­es pour les Européens, telles que la cyberdéfen­se, la coproducti­on d’armement en Ukraine ou le déminage. « Certaines de ces actions pourraient nécessiter une présence sur le territoire ukrainien, sans franchir le seuil de belligéran­ce », a soutenu M. Séjourné, au lendemain de la déclaratio­n de M. Macron.

Il est difficile de cerner les motivation­s profondes qui ont poussé le chef d’État à tenir ces propos lundi, estime Justin Massie, professeur au Départemen­t de science politique de l’Université du Québec à Montréal. « Si c’était intentionn­el et que ce n’était pas une erreur de parcours, il l’a fait pour envoyer un message. »

« En prenant une telle posture, il va plus loin qu’auparavant en affirmant que la Russie ne peut pas gagner. C’est donc peut-être pour dire que la France n’acceptera pas une défaite ukrainienn­e et qu’il y a beaucoup d’options qui demeurent sur la table », poursuit-il.

Si Emmanuel Macron désire affirmer davantage son leadership sur ce plan, les « bottines doivent toutefois suivre les babines », selon Justin Massie. « L’engagement militaire français de 3 milliards d’euros cette année, qui est renversant par rapport à l’aide précédente, doit se matérialis­er concrèteme­nt sur le terrain pour que la voix du président porte. »

Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre EMMANUEL MACRON

Engagement « inébranlab­le »

Lundi, Bill Blair a pris part à la conférence internatio­nale de soutien à Kiev organisée en France. Il y a réitéré « l’engagement inébranlab­le du Canada pour l’Ukraine », a affirmé son cabinet. Ce dernier a rappelé qu’Ottawa fournirait cette année « de l’aide financière et militaire essentiell­e » à ce pays.

Samedi, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, s’est d’ailleurs rendu en sol ukrainien afin de participer à une cérémonie pour souligner le deuxième anniversai­re du début de l’invasion russe, le 24 février 2022.

Après son passage à l’aéroport d’Hostomel, lieu où s’est déroulée l’une des plus féroces batailles de la guerre, il a signé un accord bilatéral de sécurité avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

L’entente comprend quelque 320 millions de dollars de nouvelles dépenses militaires, attendues d’ici la fin de l’année, ainsi que 2,4 milliards en prêts à l’Ukraine, qui seront administré­s par le Fonds monétaire internatio­nal.

L’aide militaire promise par Ottawa est « minime », soutient Justin Massie. « Justin Trudeau a beau dire qu’il sera toujours aux côtés de Kiev, ce qui compte, en fin de compte, c’est ce qu’on donne. Et sur ce plan-là, le Canada n’est pas au rendez-vous », estime-t-il.

Newspapers in French

Newspapers from Canada