CDPQ Infra est-elle libre de ses choix à Québec ?
Le 20 novembre dernier, le gouvernement Legault a mandaté CDPQ Infra pour « améliorer la mobilité et la fluidité dans la communauté métropolitaine de Québec, notamment entre les deux rives ». Or, le même jour, la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, à l’instar de François Legault, a ellemême indiqué dans les médias que la construction d’un troisième lien autoroutier répondrait au premier volet de ce mandat. Voilà où pourrait s’arrêter la liberté de choix de CDPQ Infra ! Cette dernière arrivera-t-elle à mener une réflexion indépendante sur une telle commande politique ?
De nombreuses enquêtes origine-destination l’ont déjà montré : 85 % des automobilistes qui traversent l’un des deux ponts existants aux heures de pointe partent de l’ouest de Lévis pour aller travailler ou étudier dans le secteur ouest de Québec. La majeure partie de l’important développement immobilier actuel et prévu concourt au maintien de cet état de fait. Le maire de Lévis n’a jamais valorisé l’idée de densifier l’est de sa ville, où on bute par ailleurs rapidement sur des terres agricoles. Le problème est bien circonscrit à l’ouest, et une variable comme le télétravail n’y changera rien à long terme. C’est dans l’ouest qu’il faut faire des correctifs.
Si l’on veut vraiment améliorer la mobilité des personnes plutôt que celle des véhicules, pourquoi ne pas réserver une voie du pont Pierre-Laporte au covoiturage, pratiqué par à peine 12 % des gens, selon le ministère des Transports et de la Mobilité durable ? Pourquoi ne pas transformer une des neuf voies automobiles actuelles des deux ponts en une voie réservée au transport collectif, par exemple sur le pont de Québec ? Comme CDPQ Infra le constatera, la nouvelle ligne de Métrobus de la Rive-Sud se termine près du pont de Québec et une nouvelle voie réservée à ces Métrobus est en construction à la sortie nord du pont, en direction du pôle d’échanges Laurier du tramway.
Enfin, pourquoi ne pas considérer la possibilité de construire tout de suite une extension de la ligne de tramway sur le pont de Québec en direction de deux stationnements incitatifs sur la Rive-Sud, l’un à l’ouest, l’autre à l’est ? Un passage rapide et aisé au-dessus du fleuve est une condition incontournable pour engendrer un transfert modal important de l’auto individuelle vers le transport collectif et ainsi libérer de l’espace pour le transport lourd.
Le collectif ou l’individuel ?
Quant au second volet du mandat de CDPQ Infra, soit « améliorer le transport en commun pour la ville de Québec », le mandataire n’aura pas besoin de six mois pour comprendre que la grande majorité des nombreuses études existantes arrivent à la même conclusion et au projet en cours : un mode tramway circulant dans l’axe urbain le plus densément peuplé et le plus attractif en raison de ses nombreux lieux de travail, d’études et de loisirs de masse. CDPQ Infra pourrait bonifier ce projet en revenant, par exemple, à l’option du tunnel long en haute-ville. Elle pourrait ensuite aussi confirmer et bonifier les composantes d’un nouveau réseau structurant de transport collectif à Québec qui s’étend dans toutes les directions géographiques et qui se rabat vers des stationnements incitatifs aux extrémités de l’axe du tramway et à des pôles d’échanges déjà stratégiquement choisis et situés à même son axe central.
L’exercice de planification de CDPQ Infra la mène au choix suivant : miser sur le développement d’un véritable réseau de transport structurant sur chaque rive assorti d’une jonction fluviale ou continuer d’accroître un réseau routier déjà trop dominant, encombrant et voué à une perpétuelle saturation. C’est presque un choix de valeurs : le collectif ou l’individuel ?
CDPQ Infra osera-t-elle aller à l’encontre de la vision de la Coalition avenir Québec (CAQ), encline depuis toujours à prioriser la deuxième option à Québec pour s’assurer l’acceptation de sa base électorale des banlieues, connue pour sa résistance à concéder des voies automobiles au transport collectif ?