Le Devoir

Denis Villeneuve, du désert au tapis d’or

Le cinéaste a été accueilli en véritable rock star (même sans sa star) à la première montréalai­se de son film Dune, deuxième partie, mercredi

- FRANÇOIS LÉVESQUE LE DEVOIR

Il y avait foule devant le cinéma Banque Scotia de Montréal, mercredi en fin de journée. Et pour cause : c’était soir de première pour le très attendu Dune: Part Two (Dune, deuxième partie), de Denis Villeneuve. Plusieurs personnes faisaient le pied de grue depuis 7 h du matin, en dépit d’une météo capricieus­e. Lorsqu’il s’est présenté sur le tapis non pas rouge, mais doré et scintillan­t comme l’Épice qui affleure à la surface du désert d’Arrakis dans son film, le cinéaste québécois a été accueilli comme une véritable rock star.

S’il est vrai qu’une partie de la foule s’était initialeme­nt déplacée dans l’espoir d’acclamer et de photograph­ier la vedette du film, Timothée Chalamet, qui a dû se faire porter pâle à la dernière minute, la frénésie ambiante attestait d’une chose : pour ce public-ci, la star, c’était Denis Villeneuve. Il fallait entendre le public scander « Denis ! Denis ! Denis ! ».

Le cinéaste tenait à cette projection spéciale à Montréal : la seule au pays pour la superprodu­ction de sciencefic­tion.

« J’ai dit à Warner Bros. : je veux absolument une projection à Montréal, révèle Denis Villeneuve. Le studio a donc décidé de tenir la première [canadienne] à Montréal. Venir présenter mon film devant mes proches, devant mes chums… devant les Québécois, en somme, qui sont des gens directs, honnêtes, francs… C’est toujours l’ultime test. Ça m’est arrivé de ne pas pouvoir avoir une telle projection ici, et ça m’a toujours fait ressentir un manque. C’est pour ça que j’ai insisté. Parce que c’était important pour moi. »

Il n’est en l’occurrence pas étonnant que Warner Bros. ait acquiescé à la requête du réalisateu­r. De fait, le studio est manifestem­ent ravi du film. En fait foi une campagne promotionn­elle d’une ampleur comme on en voit peu, accompagné­e de ce marathon de premières aux quatre coins du globe, organisées à grands frais : Londres, Paris, Séoul, New York…

« Warner adore le film et y croit beaucoup », confirme Denis Villeneuve.

Ce battage publicitai­re, la productric­e Tanya Lapointe admet le trouver fort impression­nant.

« On a travaillé avec les mêmes équipes que pour le précédent film, explique-t-elle. Donc, au-delà du marketing, on retrouvait des gens avec qui on avait déjà tissé des liens, des gens en qui on avait confiance, et qui croyaient au film. Ça s’est traduit par cette campagne absolument… hors norme. À Londres, tout Leicester Square était envahi par les fans, avec une expérience visuelle à 360 degrés… Denis et moi, on se pinçait. La vérité, c’est que tout ça nous dépasse. Mais on est heureux ! »

Un buzz très fort

Le soutien du studio est d’autant plus réjouissan­t qu’à l’époque de Dune: Part One (Dune), le réalisateu­r d’Arrival (L’arrivée) et de Blade Runner 2049 n’avait aucune garantie qu’un deuxième serait financé, malgré le « Part One » dans le titre. On connaît la suite : six Oscar sur un total de dix nomination­s, dont une pour le meilleur film. Le directeur artistique Patrice Vermette, présent lui aussi à la première, était reparti victorieux dans sa catégorie.

« Je suis quelqu’un qui carbure aux défis, je veux toujours me dépasser, confie ce dernier. Je voulais amener ce film-ci ailleurs, visuelleme­nt, mais tout en respectant le langage visuel qu’on a établi dans le premier. »

De poursuivre Patrice Vermette : il commençait à élaborer l’univers de Dune: Part Two lorsqu’il a appris sa nomination pour Dune: Part One.

Toujours au sujet de cet opus originel, malgré l’imposition d’une sortie simultanée en salle et sur la plateforme HBO Max en contexte pandémique, le film a engrangé plus de 430 millions de dollars américains, pour un budget de 165 millions. Le second volet, qui a coûté 190 millions de dollars américains, devrait aisément faire mieux.

Du côté des publicatio­ns spécialisé­es comme Variety et Deadline, on prévoit des recettes mondiales d’environ 170 millions de dollars américains rien que pour la première fin de semaine en salle. Certes, cela relève du commerce bien plus que de l’art, mais le fait est que Denis Villeneuve n’a pas le choix de s’intéresser aux chiffres, ne serait-ce que s’il espère adapter le troisième tome de la saga de Frank Herbert, Dune Messiah (Le messie de Dune).

« Ce sont des films qui coûtent cher, et qui sont conçus pour rejoindre un public large — le plus large possible, explique le cinéaste. Le buzz autour de ce film-ci est très, très fort […] Un film existe quand il est vu. On fait des films pour qu’ils soient vus : ce serait mentir que de prétendre le contraire. »

« Vu », Dune: Part Two devrait l’être : une bonne nouvelle pour Hollywood. Malmené par la grève des scénariste­s et des acteurs et actrices, le box-office nord-américain traîne en effet toujours de la patte par rapport aux années passées. Selon les pronostics, Dune: Part Two pourrait contribuer à une salutaire remontée.

« Peu importe la somme finale, Dune: Part Two donnera un électrocho­c massif et nécessaire aux salles de cinéma […] Aujourd’hui, l’industrie vit une période difficile, ses revenus étant en baisse d’environ 18 % par rapport à 2023 », écrivait-on mardi dans Variety.

C’est beaucoup de pression pour un seul film. Mais justement, il s’agit d’une oeuvre d’exception.

Le film Dune: Part Two prend l’affiche le 1er mars.

 ?? ADIL BOUKIND LE DEVOIR ?? Le cinéaste cinéphile était accompagné à la première canadienne de son film par sa productric­e, Tanya Lapointe, et de son directeur artistique, Patrice Vermette. Au grand dam de ses fans, Timothée Chalamet était absent de l’événement, trop affaibli d’un virus pour y participer.
ADIL BOUKIND LE DEVOIR Le cinéaste cinéphile était accompagné à la première canadienne de son film par sa productric­e, Tanya Lapointe, et de son directeur artistique, Patrice Vermette. Au grand dam de ses fans, Timothée Chalamet était absent de l’événement, trop affaibli d’un virus pour y participer.

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