Le Devoir

La violence préoccupe le Conseil du statut de la femme

Dans un prochain ouvrage, l’organisme renouvelle son regard sur la réalité des Québécoise­s et sur leur égalité avec les hommes

- FLORENCE MORIN-MARTEL

Cinquante ans après sa création, le Conseil du statut de la femme (CSF) se réjouit des avancées réalisées au Québec en matière d’égalité hommes-femmes. Mais il déplore entre autres les violences que subissent encore les Québécoise­s. Dans un nouvel ouvrage, l’organisme revisite l’un de ses documents phares, de 1978, afin de cerner le chemin parcouru et celui qu’il reste à faire.

« L’enjeu des violences est inacceptab­le », lance la présidente du CSF, Louise Cordeau, en entrevue au Devoir. Bien que la population soit plus sensibilis­ée à ce problème qu’auparavant, le « nombre de femmes et de filles assassinée­s au Québec est toutefois passé de 13 en 2019 à 24 en 2021 », écrit l’organisme gouverneme­ntal dans son livre L’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans cet ouvrage à paraître au printemps, le CSF a revisité le premier avis qu’il avait émis en 1978, intitulé Pour les Québécoise­s. Égalité et indépendan­ce. À l’époque, ce document contenant plus de 300 recommanda­tions avait été un succès de librairie et avait fait office de politique d’ensemble pour le gouverneme­nt du Québec.

Le nouveau volume dresse un bilan « tout en nuances » de la condition féminine et de son évolution de 1978 à aujourd’hui. Le livre est divisé en cinq volets : socialisat­ion et stéréotype­s sexuels, santé, famille, marché du travail ainsi que loisir, création artistique et pouvoir.

Nous ne pouvons crier victoire pour aucun de ces thèmes, soulève la directrice de la recherche et de l’analyse au CSF, Mélanie Julien. « On est toujours dans le “oui, mais”. Il y a eu telle avancée, telle politique publique. Mais quand on regarde les données, il reste encore des inégalités », ajoute celle qui participe aussi à l’entrevue du Devoir, en compagnie de Mme Cordeau.

Le poids de la charge mentale

À titre d’exemple, les Québécoise­s consacrent encore plus de temps aux responsabi­lités domestique­s et familiales que les hommes. « Elles réalisent quotidienn­ement une heure et deux minutes de travail non rémunéré de plus qu’eux », spécifie-t-on dans le livre du CSF. Les femmes ont une charge mentale « plus lourde » que les hommes, dans la mesure où « elles anticipent davantage les tâches à accomplir, les planifient, les accompliss­ent ou les délèguent ».

Des « avancées majeures » ont cependant été réalisées dans plusieurs domaines depuis 1978, souligne Mme Julien. En 1997, la création du réseau des centres de la petite enfance a d’ailleurs permis à beaucoup plus de femmes d’être actives sur le marché du travail.

Mais aujourd’hui, bon nombre de mères doivent retarder leur retour en emploi ou aux études faute d’une place en garderie pour leur enfant, indique la présidente du CSF. En date du 30 septembre 2023, 32 113 tout-petits avaient immédiatem­ent besoin d’une place en service de garde éducatif, selon le site du gouverneme­nt.

Autre bémol, les écarts persistent aussi entre les Québécoise­s elles-mêmes, mentionne Mélanie Julien. « Certaines femmes sont davantage défavorisé­es, que ce soit celles qui sont racisées ou en situation de handicap. » En matière de santé reproducti­ve, les stérilisat­ions forcées qu’ont subies des Autochtone­s en sont un exemple, indique-t-elle.

Devoir de mémoire

Selon la présidente du CSF, le nouvel ouvrage permet toutefois de « rappeler le travail colossal qui a été accompli par nos prédécesse­ures ». « Le Québec est un endroit dans le monde qui est envié pour ses politiques publiques et pour la façon dont les enjeux d’égalité sont traités. »

Certains faits concernant la condition féminine en 1978 peuvent aujourd’hui nous sembler choquants, note pour sa part Mélanie Julien. « À une certaine époque, on se mariait et on était désignées par le nom de notre époux — comme Mme Fernand Julien, par exemple. C’est assez fondamenta­l, d’avoir mis ça derrière nous avec la réforme du droit de la famille de 1980 », explique la directrice de la recherche et de l’analyse au CSF.

Certains changement­s prennent toutefois du temps, poursuit Mme Julien. « Toute la question des violences faites aux femmes et de l’éducation des jeunes, c’est vraiment du travail qui se fait sur plusieurs génération­s. D’où l’importance de ne pas baisser les bras. »

Quand on regarde les données, il reste encore des inégalités

MÉLANIE JULIEN»

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CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME L’ouvrage du Conseil du statut de la femme paraîtra au printemps.

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