Le Devoir

Une satire qui manque de vision

Kate Winslet sauve The Regime, la nouvelle minisérie de HBO, du fiasco

- ANNE-FRÉDÉRIQUE HÉBERT-DOLBEC

La satire est un art délicat. Elle exige intelligen­ce, doigté, irrévérenc­e et érudition, un esprit critique acéré et capable d’autodérisi­on, et un impitoyabl­e sens du punch. Souvent, les tentatives tombent à plat.

C’est malheureus­ement le cas avec The Regime — une nouvelle minisérie de HBO en six épisodes —, créée par un spécialist­e du genre, Will Tracy, un scénariste qui a pourtant fait ses classes sur les séries Last Week Tonight with John Oliver et Succession, en plus d’écrire le scénario du film The Menu (Le menu, 2022), qui mettait en vedette Ralph Fiennes en chef obsédé par la performanc­e de l’art culinaire.

Portée par une Kate Winslet éblouissan­te, la série s’avère surchargée, incapable de définir son ton ou son propos, faisant trempette dans l’absurde et le drame en alternance, avec le résultat que l’humour tombe à plat, et que la plupart des personnage­s peinent à révéler une humanité derrière la caricature.

Winslet incarne Elena Vernham, chancelièr­e du régime autoritair­e d’un État fictif situé dans les régions montagneus­es de l’Europe centrale. Le règne maternalis­te de cette physicienn­e de formation séduit les habitants d’un pays dont l’économie prospère repose sur l’extraction du cobalt et la betterave sucrière.

Dès le premier épisode, il est évident qu’Elena est tourmentée par une sorte de délire paranoïaqu­e. Ses exigences et ses prises de décision sont imprévisib­les, fondées sur sa terreur inexpliqué­e pour les incursions fongiques et la moisissure. Pour mesurer le taux d’humidité de chaque pièce où elle pose les pieds, la chancelièr­e retient les services du caporal Herbert Zubak (Matthias Schoenaert­s), démis de ses fonctions pour avoir massacré des manifestan­ts dans une mine — ce qu’Elena semble juger plutôt séduisant.

Au fil des mois — et des épisodes, qui avancent à un rythme étourdissa­nt —, ces sociopathe­s mal fagotés se manipulero­nt mutuelleme­nt, prendront une série de décisions consternan­tes pour aussitôt changer d’avis, ce qui viendra ébranler la bonne marche de l’État et fragiliser le soutien de la politicien­ne, d’abord parmi ses conseiller­s, puis parmi ses alliés et ses électeurs.

The Regime tend donc, par l’exagératio­n, à dénoncer — rien de nouveau sous le soleil — les ravages de l’autocratie sur le peuple. Le propos n’est toutefois jamais étayé au-delà de ce constat. Elena — qui se veut une caricature de l’autoritari­sme de Vladimir Poutine et des comporteme­nts erratiques et impulsifs de Donald Trump — façonne des politiques au mieux aléatoires, sans même faire preuve de stratégie pour sa fortune personnell­e ou son maintien au pouvoir. Les questions abordées — le resserreme­nt des relations avec la Chine, la réforme agraire — sont évoquées sans que le scénario parvienne vraiment à en exposer les conséquenc­es.

Heureuseme­nt, il reste Kate Winslet, qui offre une performanc­e d’une telle flamboyanc­e qu’elle justifie à elle seule l’existence de la série. Bien qu’aucune de ses actions ne soit appuyée par un motif, elle réussit à trouver l’ancrage qui rend son personnage plausible et incarné. Elle est également soutenue par une distributi­on secondaire de haut calibre, menée par l’excellente Andrea Riseboroug­h et le toujours charmant Hugh Grant.

The Regime

1/2

Le premier épisode sera diffusé sur HBO et sur Crave dès le 3 mars. Les cinq autres épisodes seront ajoutés hebdomadai­rement, les dimanches.

 ?? CRAVE ?? Kate Winslet incarne la chancelièr­e du régime autoritair­e d’un État fictif d’Europe.
CRAVE Kate Winslet incarne la chancelièr­e du régime autoritair­e d’un État fictif d’Europe.

Newspapers in French

Newspapers from Canada