Aux quatre coins du monde… et de l’espace
Le réalisateur Patrick Boivin revient sur le tournage du film Écho à Delta, présenté en ouverture du Festival international du film pour enfants
Du 2 au 10 mars, le Festival international du film pour enfants de Montréal proposera des escales dans une quinzaine de pays, avec une programmation éclectique qui promet de faire voyager les familles restées au Québec pendant la relâche scolaire.
En tout, sept longs métrages de fiction se disputeront les honneurs de la compétition officielle, tandis que huit courts métrages concourront en compétition canadienne et neuf autres, en compétition internationale.
Le film québécois Écho à Delta, sélectionné pour ouvrir le festival, lancera en grand le bal des festivités.
Proposition éclatée, audacieuse et profondément touchante, l’oeuvre aborde avec doigté et originalité la délicate question du deuil, offrant matière à des discussions certes difficiles, mais essentielles.
« On ose rarement parler de la mort avec nos enfants, pourtant, c’est quelque chose avec quoi ils devront nécessairement apprendre à composer, soulève le réalisateur, Patrick Boivin. Avec ce film, j’ai essayé de montrer à la fois les conséquences du silence et le pouvoir de l’imaginaire. J’espère que ça suscitera de belles réflexions. »
Différentes lectures
Écho à Delta, qui a déjà séduit le public dans des festivals internationaux en Allemagne, aux Pays-Bas et en Estonie, raconte l’histoire d’Étienne, un garçon de 10 ans à l’imagination fertile qui entretient, avec son petit frère David, une passion presque obsessionnelle pour les extraterrestres.
Par une soirée orageuse, alors que les deux gamins entreprennent de communiquer avec les habitants de l’espace, un accident se produit. Quand Étienne reprend connaissance, son père lui explique que son frère est parti. Convaincu que ce dernier a été enlevé par les extraterrestres, l’aîné, aidé de ses amis, fera tout en son pouvoir pour le retrouver.
Si les spectateurs adultes saisissent vite que le petit David ne réapparaîtra pas à bord d’un vaisseau spatial — apportez vos mouchoirs ! —, Patrick Boivin offre aux plus jeunes membres du public une enquête passionnante pleine de rebondissements, de grands questionnements, de mystères et d’apprentissages.
« Quand j’étais petit, l’ami de mon père a perdu l’un de ses enfants. Je me souviens d’être allé au salon funéraire et d’avoir vécu le tout avec un mélange d’incompréhension et de légèreté, se souvient le cinéaste. Je savais que les frères et soeurs du défunt étaient tristes, mais je ne parvenais pas à partager cette peine, je la vivais avec une distance, même avec une espèce de magie. Il y avait là un potentiel créatif incroyable pour composer un récit comprenant différents niveaux de lecture. »
Une mise en scène audacieuse
Bien qu’il s’adresse pour la première fois à un public jeunesse, Patrick Boivin, qui se dit inspiré par le cinéma de Robert Morin, n’hésite pas à avoir recours à des procédés qui ont fait sa marque — tant dans ses courts métrages que dans les sketches diffusés sur son populaire compte YouTube —, procédés qui servent admirablement son propos.
La mise en scène, qui repose majoritairement sur des prises de vues réelles, est donc dynamisée par des animations, des effets spéciaux et des éléments bédéesques et ludiques qui donnent à l’oeuvre un aspect onirique et transposent à merveille les modes de pensée de l’enfance.
« Le scénariste, Jean-Daniel Desroches, m’a approché notamment parce qu’il avait des ambitions de magie avec ce projet. J’aime la poésie, les allégories à l’écran. Je trouve qu’on peut en dire beaucoup sans prononcer un mot. On a développé l’histoire en considérant les forces que j’avais, sans se poser de limites. Nous avons tout fait nous-mêmes. »
En véritable homme-orchestre, Patrick Boivin porte donc, en plus de celui de réalisateur, les chapeaux d’animateur, de concepteur d’effets spéciaux et de directeur photo. « Quand les tournages ont repris
après la COVID, on a perdu notre directeur photo, qui est allé travailler sur un autre projet. J’aurais préféré ne pas jouer ce rôle, même si je savais que je pouvais le faire. Finalement, je suis fier du résultat, mais ça aurait pu être encore plus beau. »
Pourtant, le film ne manque pas de panoramas spectaculaires et de scènes aussi touchantes qu’amusantes, où des figurines en origami prennent vie et où des faisceaux de lumière font voir la réalité sous un jour nouveau.
Ces aspects féeriques permettent également au cinéaste de prendre quelques libertés sur le plan narratif, de créer des personnages et des situations qui, dans le monde réel, soulèveraient des questionnements, laissant ainsi aux enfants présentés à l’écran une latitude et une autonomie qui rendent l’histoire crédible. « On a pris des risques, mais on voulait vraiment adopter le point de vue d’Étienne, sans penser au réalisme de la chose. Pour mettre en scène ses apprentissages, ses émotions, l’isolement qu’il ressent, on a plongé à fond dans l’allégorie en souhaitant que les gens embarquent. »
Écho à Delta
Film jeunesse de Patrick Boivin. Avec Isak Guinard Butt, Elliot Cormier, Maxim Gaudette et Catherine De Léan. Canada, 2023, 91 minutes. En salle