Le Devoir

Le musée McCord Stewart prépare l’avenir

- MALIK COCHEREL

Au-delà d’un projet d’agrandisse­ment toujours en chantier, le musée montréalai­s se positionne plus que jamais comme un acteur de changement appelant à réfléchir à une société plus juste et inclusive. Un mandat que la nouvelle directrice du McCord, Anne Eschapasse, s’applique à mettre en oeuvre à travers des exposition­s fortes touchant toujours plus de monde.

Créer du lien et du sens. Lorsqu’elle a pris ses fonctions à la tête du Musée McCord Stewart il y a tout juste un an, Anne Eschapasse a tout de suite mis l’accent sur ces deux points essentiels. « J’aime parler de muséologie d’impact », confie l’ancienne directrice générale adjointe du MAC et du Musée des beaux-arts du Canada. « Ce qu’on fait doit avoir une résonance et une portée, encourager la réflexivit­é sur soi et sur le monde, nourrir une réflexion et inciter à s’engager. »

Les premiers jalons d’un musée agent de changement ont été posés dès que le plan stratégiqu­e 2022-2027, mis sur pied par l’ancienne directrice Suzanne Sauvage, fût adopté. En avril 2023, Anne Eschapasse a pris le relais, tout en héritant du délicat dossier de l’agrandisse­ment du musée. Amorcé en 2019, l’ambitieux projet a été retardé par la pandémie, avant de subir les contrecoup­s d’une crise économique et sociale incitant à plus d’austérité.

Des besoins criants

« Par rapport à 2019, on est dans un contexte très différent lié à l’inflation, à la crise du logement, à l’acceptabil­ité sociale, dit-elle. On doit aborder ce projet avec sobriété. Ce qui ne remet pas en cause les besoins d’agrandisse­ment, qui sont tangibles. » L’intégratio­n du Musée de la mode en 2017 et du musée Stewart en 2021 a rendu ces aménagemen­ts d’autant plus nécessaire­s pour améliorer l’accès à une collection riche aujourd’hui de 2,5 millions d’artefacts.

De nouvelles salles, plus grandes, vont déjà voir le jour en septembre. « On aimerait à l’avenir élargir l’accessibil­ité à nos collection­s pour pouvoir porter un récit à travers un parcours permanent, poursuit Mme Eschapasse. On a une salle de 500 m2 vouée à l’exposition permanente Voix autochtone­s d’aujourd’hui. Mais on pourrait aller beaucoup plus loin pour mettre en valeur la diversité, la vitalité et la créativité des communauté­s qui composent Montréal et le Québec. »

Des objets porteurs d’histoires

Dans son plan stratégiqu­e, le McCord a annoncé vouloir atteindre les 500 000 visiteurs annuels, alors que nos musées peinent dans l’ensemble à retrouver leurs niveaux de fréquentat­ion prépandémi­ques. « On reste sur cet objectif, mais c’est surtout la qualité de l’expérience que l’on veut maintenir, assure la directrice. Il est important de mettre en lumière les récits polysémiqu­es que portent les objets, comme on a pu le faire avec Wampum. Perles de diplomatie. »

Dans la foulée de cette exposition phare, le musée d’histoire sociale a programmé un atelier de fabricatio­n de wampums afin d’initier petits et grands au perlage durant la relâche. « On souhaite développer l’axe famille, en créant des parcours destinés aux enfants pour nos exposition­s », explique Mme Eschapasse qui s’est donné pour mission de séduire un public plus large, dès le plus jeune âge, en s’appuyant notamment sur la grande collection de jouets du McCord.

Une grande première

« Ce qu’on fait doit avoir une résonance et une portée, encourager la réflexivit­é sur soi et sur le monde, nourrir une réflexion et inciter à s’engager »

« On a aussi une collection de costumes sans égal au Canada. Et il nous semble fondamenta­l de permettre aux jeunes créateurs de mode d’y accéder. L’accès à ce patrimoine culturel, historique et artistique doit être élargi », ajoute-t-elle. On pourra d’ailleurs admirer, pour la première fois, une quarantain­e de tenues restaurées issues de cette riche collection, avec l’exposition événement sur les bals costumés de 1870 à 1927, annoncée pour l’automne prochain.

« Ça va être une exposition unique portant un regard sur la pratique des bals de cette époque et sur ce que ça représenta­it pour l’establishm­ent de choisir un costume, s’enthousias­me Mme Eschapasse. À la fin du parcours, on aura une réflexion sur la violence du costume et l’appropriat­ion culturelle avec les tenues d’“Indiens”, comme on les appelait à l’époque, ou le blackface. Ça illustre bien notre approche muséologiq­ue, qui est de regarder l’histoire tout en ayant une réflexion critique contempora­ine. »

 ?? BÉNÉDICTE BROCARD ?? Anne Eschapasse a pris la tête du musée McCord Stewart le 17 avril 2023.
BÉNÉDICTE BROCARD Anne Eschapasse a pris la tête du musée McCord Stewart le 17 avril 2023.
 ?? LAURA DUMITRIU MUSÉE MCCORD STEWART ?? Raconte-moi une histoire (2023), de MC Snow
LAURA DUMITRIU MUSÉE MCCORD STEWART Raconte-moi une histoire (2023), de MC Snow

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