Le leadership féminin est-il si différent du masculin?
Le leadership fait appel à plusieurs qualités : de l’écoute, de l’empathie, la capacité à aider autrui à développer ses compétences et à performer dans un climat de confiance. Pendant longtemps, le leadership a été dominé par une vision masculine et, depuis quelques années, le terme « leadership féminin » s’est frayé une place pour soutenir la présence des femmes dans des postes de direction. Mais y a-t-il des différences fondamentales entre ces deux types de leadership, et n’est-il pas plutôt clivant de séparer ces deux modèles ? Deux experts partagent leurs réflexions.
« À la base, on a commencé à parler de leadership féminin parce que, pendant longtemps, on a eu un seul modèle de leadership, largement dominé par les hommes, donc masculin », rappelle Isabelle Marquis, directrice générale de l’Effet A, une entreprise qui accompagne depuis près de dix ans les grandes organisations qui souhaitent soutenir le développement du talent féminin. Les femmes se sont toutefois frayé un chemin vers des postes de direction au fil des années, apportant des qualités essentielles à un bon leadership : « l’idée qu’elles sont plus à l’écoute et ont une approche plus collaborative, notamment », souligne Mme Marquis.
Le président et cofondateur de l’Institut de leadership en gestion, Éric Paquette, abonde dans le même sens. « Les femmes vont avoir tendance à davantage consulter leurs équipes et leurs pairs avant de prendre des décisions », explique-t-il. Les hommes leaders sont parfois perçus comme étant plus directifs et axés sur la performance et les résultats. Mais, au bout du compte, dit M. Paquette, tous ces traits de caractère sont importants pour un leader. « Le courage de décider, l’écoute, la compréhension des autres et des besoins ; on parle de communication et d’empathie », énumère-t-il. Pour lui, ce n’est donc pas tant une affaire de genre que de personnalité.
Des qualités à partager
Isabelle Marquis remarque aussi que l’arrivée des femmes leaders fait du bien aux hommes. Petit à petit, des qualités comme celles de l’écoute, de la communication et de l’empathie, plus souvent associées aux femmes, ont été plus visibles chez les hommes. « Il y a une évolution, une prise de conscience importante, beaucoup d’hommes incarnent aussi ces qualités d’écoute et d’empathie, mais n’osaient pas forcément les mettre de l’avant », souligne-t-elle. Selon Mme Marquis, des hommes plus introvertis et bienveillants ont ainsi pu trouver leur place comme leaders.
Un récent sondage du cabinet de recrutement montréalais Russell Reynolds Associates s’est notamment penché sur les écarts de représentation des femmes et des hommes sur le plan de la direction. « C’est intéressant, il y a une seule différence marquante, c’est la capacité des femmes à coacher leurs équipes. Elles surpassent les hommes dans ce domaine, pour aider les autres à se développer », relève Isabelle Marquis. Un atout important, pense-t-elle, pour la future génération qui a soif d’apprendre.
« Beaucoup d’hommes incarnent aussi ces qualités d’écoute et d’empathie, mais n’osaient pas forcément les mettre de l’avant »
Des efforts à continuer
Sur une affiche accrochée au mur de M. Paquette, les visages de leaders influents sourient aux visiteurs. Il y a autant d’hommes que de femmes. « Depuis une dizaine d’années, on remarque davantage de femmes leaders », note-t-il. L’ancienne première ministre québécoise Pauline Marois fait partie des personnalités publiques qui participent à des formations de l’Institut. « Avant, elle comptait toujours le nombre de femmes et me disait qu’il n’y en avait pas assez. Maintenant, elle a arrêté de le faire parce qu’on en voit plus. C’est visible à l’oeil nu », se réjouit-il. Malgré tout, force est de constater que, dans les faits, cela évolue lentement. « Un tiers des postes de haute direction sont occupés par des femmes. Cela veut dire qu’encore deux tiers sont des hommes et, malgré un boom à un moment donné, ça stagne beaucoup et ça progresse lentement vers une plus grande parité », indique-t-il. Raison pour laquelle l’Institut a lancé un programme « femmes leaders » s’adressant spécifiquement à celles qui travaillent dans des postes de gestion.
Isabelle Marquis fait toutefois remarquer que la génération Z bouleverse aussi le rapport au travail. « Quant à moi, ça va être de moins en moins pertinent d’appeler le leadership féminin ou masculin, même s’il reste des nuances. Au fond, un bon leader est quelqu’un qui génère un climat de confiance, aide à faire grandir l’autre, à performer », estime-t-elle. Éric Paquette assure, de son côté, que le leadership demeure une affaire de personnalité avant tout. « Pour moi, il n’y a pas une manière de diriger pour les femmes et une pour les hommes : il faut les deux forces pour être un bon leader », conclut-il.