Épauler les femmes immigrantes dans leur intégration
Depuis près de 29 ans, Nahid Aboumansour aide les femmes immigrantes à sortir de leur isolement et à atteindre une autonomie financière. Au fil des ans, elle a su se tisser une expertise en sortant des sentiers battus pour offrir à ses consoeurs des solutions concrètes avec son organisme PetitesMains, devenu une entreprise d’insertion sociale.
En 2022, elle a reçu un doctorat honoris causa de la part de l’Université TELUQ pour son « dévouement exceptionnel ». En 2020, elle a reçu la Croix du service méritoire de la part de la Gouverneure générale. Elle est aussi chevalière de l’Ordre de Montréal et de l’Ordre national du Québec. Pourtant, lorsque Nahid Aboumansour est arrivée au Québec, en 1989, le chemin était loin d’être tracé d’avance.
Alors qu’elle était architecte au Liban, son pays d’origine, qu’elle a fui en raison de la guerre civile, Nahid Aboumansour, comme tant d’autres immigrants qualifiés, s’est heurtée au problème de reconnaissance des diplômes en posant le pied ici. Mais pas question de rester les bras croisés chez elle.
Peinant à trouver un emploi, Mme Aboumansour s’est mise à visiter bénévolement des femmes âgées isolées pour pratiquer son français et en apprendre plus sur la société québécoise. Après la fermeture d’une banque alimentaire dans le quartier Côte-des-Neiges, elle se rend chez les femmes qui la fréquentaient pour mieux comprendre leurs besoins. C’est de cette initiative que naîtra PetitesMains, qu’elle fondera en 1995 avec soeur Denise Archambault : un organisme offrant des cours de couture aux femmes immigrantes qui veulent intégrer le marché du travail.
Son désir est avant tout d’aider les femmes à atteindre une certaine autonomie financière et à acquérir une liberté. Mais aussi de permettre un meilleur avenir à toutes ces familles. « Moi aussi, je suis une mère de famille, j’ai quatre enfants, précise-t-elle. Et je pense qu’un bon modèle parental, c’est extrêmement important dans une cellule familiale. »
Mme Aboumansour a d’ailleurs mis beaucoup d’énergie sur le dossier de la reconnaissance de diplômes étrangers au Québec depuis près de trente ans. Mais elle constate malheureusement que les choses n’ont pas beaucoup évolué de ce côté.
« Je ne voulais absolument pas transmettre cette déception à mes enfants, raconte-t-elle. Je me disais : je dois prendre mon avenir en main, je dois faire quelque chose d’important. C’était primordial pour moi d’être un bon exemple. »
Les premiers pas
Après une étude de marché (« on est allées frapper à la porte de chaque grande entreprise à Montréal — certaines ne voulaient pas ouvrir la porte, d’autres oui — pour leur demander : “De quoi avez-vous besoin comme maind’oeuvre ?” »), Petites-Mains a commencé à mettre sur pied des partenariats avec des entreprises privées et des formations pour répondre exactement à ces besoins, c’est-à-dire la couture industrielle. La première cohorte comportait six femmes, et quatre d’entre elles ont trouvé un emploi en couture industrielle, relate Mme Aboumansour, qui a profité de ces bons résultats pour demander du financement au gouvernement du Québec.
Depuis, les choses ont beaucoup évolué. Si Petites-Mains employait au départ trois ou quatre personnes, l’entreprise d’insertion a maintenant 35 employés permanents. Environ 2000 personnes bénéficient chaque année des services de première ligne de l’organisme et près de 200 personnes provenant d’une centaine de pays y suivent chaque année une formation.
En plus des cours de couture industrielle, les femmes qui fréquentent Petites-Mains peuvent aussi choisir une formation rémunérée d’une durée de 26 semaines dans le but de devenir aides-cuisinières ou commis de bureau.
En 2000, l’organisme a obtenu son accréditation d’entreprise d’insertion, ce qui veut dire qu’elle offre des contrats (de confection de vêtements ou d’articles promotionnels, par exemple), pour financer ses activités.
Maîtriser le français, une des clés du succès
L’année suivante, l’entreprise a pu lancer ses premiers cours de français. « Je me souviens avoir vu une femme anglophone avec le bulletin de son enfant demander à une autre qui était bilingue de le lui traduire parce qu’elle ne parlait pas français, raconte Mme Aboumansour. Je lui ai dit : “Qui va aller parler au professeur si ton enfant a des problèmes à l’école ?” Pour moi, c’était inconcevable. La langue, c’est la base de la communication. »
Mais le processus s’est avéré complexe, se souvient Nahid Aboumansour, puisque le ministère de l’Immigration préférait que ces femmes suivent des cours de français dans des organismes qui offraient déjà cette option. Cela aura finalement pris deux ans d’efforts acharnés. Aujourd’hui, ce sont 300 personnes qui suivent ce cours de francisation chaque année.
« Une chose qui m’a aidée, c’est de ne pas voir les choses dans une boîte. Parce que souvent, les organismes fonctionnent de cette façon : chacun a sa petite case. Mais pour moi, ce n’est pas comme ça. On a tellement de partenariats ! »
Devant tout ce chemin parcouru, Nahid Aboumansour est fière, bien sûr. Mais sa véritable récompense, c’est surtout de constater que tous ses efforts réussissent à amener les femmes qu’elle accompagne plus loin. « Étant donné que nos projets sont une réponse à un vrai besoin, c’est viable. Ça continue. Et les clientèles sont là. On ne crée pas des besoins ! »