L’accès des femmes au sport, une « course à obstacles »
Les femmes et les filles font face à des discriminations systémiques dans la pratique d’activités physiques et sportives, conclut le Conseil des Montréalaises (CM) dans un mémoire déposé au conseil municipal en décembre dernier. L’organisme y liste ses recommandations pour aider la Ville à renverser la vapeur.
« Le sport et l’égalité de genre ne font pas bon ménage », peut-on lire en page d’introduction du mémoire Femmes et sports. Une course à obstacles que le CM a déposé à la Ville le 19 décembre. La lecture du document donne raison à cette prémisse.
C’est à la demande de la Commission sur la culture, le patrimoine et les sports de la Ville de Montréal que l’organisme consultatif composé de 15 bénévoles s’est penché sur la question de l’inclusivité dans l’accès à l’offre sportive à Montréal. « On a travaillé avec une chercheuse qui a réalisé une revue de littérature et s’est également basée sur un avis que nous avions déposé à ce sujet en 2012 », indique Amélie Boudot, membre du CM et corédactrice du mémoire.
Le premier constat émane de la consultation des statistiques québécoises : les femmes pratiquent moins d’activités physiques que les hommes. Et cela s’observe dès l’enfance. Selon une enquête menée en 2018-2019 par l’Institut de la statistique du Québec, 51 % des filles d’âge scolaire (6 à 11 ans) sont actives à moyennement actives, contre 61 % des garçons. De l’autre côté du spectre, 39 % d’entre elles sont très peu à pas du tout actives, contre 31 % des garçons.
Et l’écart se creuse à l’âge du secondaire (12-17 ans), au cours duquel 45 % des jeunes filles ne pratiquent presque pas de sport, contre 32 % des garçons. « Chez les femmes, la pratique de sport diminue avec l’âge, avec une descente drastique à l’adolescence », commente Amélie Boudot. En 2021, 49 % des femmes adultes ont déclaré pratiquer une activité physique d’au moins 150 minutes par semaine, contre 55 % des hommes, selon Statistique Canada. Le mémoire souligne par ailleurs que la pratique sportive est inégale entre les femmes elles-mêmes.
Entraves à la pratique sportive
Le conseil a recensé plusieurs obstacles pour expliquer ces disparités, à commencer par les normes sociales et le sexisme ordinaire qui peuvent mener les femmes à douter de leurs habiletés sportives ou à ressentir une pression à se conformer aux normes de beauté féminine.
La difficulté à dégager du temps hors des tâches domestiques et de soins aux enfants (ou parfois aux aînés) est également un frein à la pratique sportive, tout comme l’insécurité que les femmes peuvent ressentir dans les espaces qui y sont consacrés. « Il y a du harcèlement dans les centres sportifs comme dans les espaces publics. Une femme qui court sur la piste cyclable peut subir du harcèlement de rue et se sentir en insécurité s’il fait noir », souligne Amélie Boudot.
Des difficultés auxquelles s’ajoutent des inégalités d’accès aux infrastructures ainsi que des facteurs socioculturels tels que l’âge, le revenu ou l’appartenance à une minorité ethnoculturelle. « On est très conscients de ces facteurs-là », affirme Caroline Bourgeois, vice-présidente du comité exécutif de la Ville et responsable des sports et loisirs, d’Espace pour la vie, de la langue française et de l’Est de Montréal.
L’élue évoque notamment l’analyse différenciée selon les sexes (ADS+) que la municipalité intègre aux décisions liées à la pratique sportive depuis quelques années. « Ça a une influence sur l’octroi des subventions. On soutient, par exemple, un projet de développement et de promotion du soccer féminin et, prochainement, un projet de rabais pour l’inscription des femmes entraîneuses à la formation au patinage de vitesse. On s’assure aussi qu’on puisse retrouver [dans les programmes] les disciplines sportives qui ont une prédominance féminine. »
Recommandations
Parce qu’il estime que Montréal a un rôle majeur à jouer dans l’accès égalitaire au sport, le CM inclut dans son mémoire une série de bonnes pratiques et de recommandations sur lesquelles la Ville peut agir. Principalement en améliorant la diversité de l’offre d’activités et leur coût, la proximité des installations et la flexibilité des horaires. « Développer, par exemple, une offre de services sportifs que les mamans pourraient suivre en même temps que leurs enfants », énonce Amélie Boudot.
Il s’agit aussi d’améliorer le sentiment de sécurité des femmes et des filles, notamment dans l’aménagement des parcs et des espaces publics où elles sont plus à même de faire du sport. « Lorsqu’on parle d’éclairage, d’aménager de nouveaux parcs, des pistes cyclables ou des sentiers multifonctionnels, se faire rappeler ce type de recommandations nous aide énormément dans notre travail », soutient Caroline Bourgeois.
Le CM préconise également la réalisation d’un budget sensible au genre pour s’assurer d’une répartition équitable des dépenses.
Autre point, celui d’élaborer un guide à destination des arrondissements pour harmoniser les bonnes pratiques. « Il y a peu de cohérence de l’un à l’autre. C’est pour ça qu’on veut inciter le leadership de la ville centre, y compris pour s’assurer de compter plus de femmes parmi ses cadres », explique Amélie Boudot. « À la direction des sports de Montréal, on atteint la zone paritaire, mais c’est important de pouvoir nous assurer que les directions des 19 arrondissements soient sensibilisées, qu’on ait toutes cette perspectivelà », assure Caroline Bourgeois.
Si la vice-présidente du comité exécutif ne peut préciser quand une réponse officielle sera rendue au Conseil des Montréalaises, elle prend acte des conclusions du mémoire. « Il existe de belles initiatives, mais on peut toujours faire mieux, bonifier nos pratiques, mais aussi faire connaître davantage les services offerts. C’est un travail en continu dont les changements se font voir sur le long terme », souligne l’élue, qui dit s’y atteler en favorisant la concertation et le travail de terrain avec les acteurs locaux.
« Chez les femmes, la pratique de sport diminue avec l’âge, avec une descente drastique à l’adolescence »