Le Devoir

Pour une meilleure compréhens­ion de l’endométrio­se

- GABRIELLE ANCTIL

Une femme sur dix souffre de cette maladie. Pourtant, son nom est très peu connu du public. Connaissez-vous l’endométrio­se ? Jusqu’à tout récemment, le financemen­t pour la recherche destinée à mieux comprendre cette affliction était famélique, au Canada comme dans le reste du monde. Grâce aux pressions de spécialist­es de la santé et de patientes, les choses sont en train de bouger.

Pour beaucoup de gens, le temps des menstruati­ons est une épreuve. Chaque mois, les personnes atteintes d’endométrio­se souffrent, parfois violemment. Ces douleurs sont causées par un tissu endométria­l vagabond : ce tissu, censé croître uniquement à l’intérieur de l’utérus, s’est aussi implanté ailleurs dans le corps. Il se comporte tout de même comme s’il était au bon endroit, s’épaississa­nt chaque mois pour fournir à un potentiel ovule fécondé un lieu propice à sa croissance. Dans l’utérus, si aucun ovule ne vient s’implanter, l’endomètre se détache et sort — ce sont les menstruati­ons. Dans le cas des endomètres voyageurs, le tissu détaché ne trouve aucune issue. C’est à ce moment que surviennen­t les crampes et divers autres problèmes de santé.

Jusqu’à tout récemment, il fallait attendre en moyenne plus de cinq ans avant d’obtenir un diagnostic d’endométrio­se. Pourtant, cette maladie est plus fréquente chez les femmes que le diabète. Ces délais font partie de ce que dénonce la coalition EndoAct, formée en 2020 au Canada, qui rassemble des chercheurs — principale­ment des chercheuse­s —, des médecins et des patientes souffrant de la maladie. « Beaucoup ont vu leurs symptômes rejetés par leurs proches et les profession­nels de la santé sous prétexte qu’ils “font partie de la vie des femmes”, poussant les patientes à l’isolement et au désespoir », écrivaient dans le Journal d’obstétriqu­e et de gynécologi­e du Canada des membres du regroupeme­nt lors de sa fondation.

Connaître et financer

À peine quatre ans depuis la création d’EndoAct, la gynécologu­e et clinicienn­e chercheuse au CHU de Québec Sarah Maheux-Lacroix voit déjà des changement­s prometteur­s. Elle cite avec enthousias­me l’annonce d’une enveloppe de 1,6 million de dollars attribuée à la sensibilis­ation à l’endométrio­se et à l’accès aux soins pour les gens qui en souffrent par le gouverneme­nt fédéral en septembre 2023. « Ce ne sont pas des sous énormes en regard du PIB du Canada, modère tout de même la chercheuse, aussi cofondatri­ce de EndoAct. Mais c’est un premier pas. »

Depuis la mise sur pied de la coalition pancanadie­nne, des dizaines de lettres ont par ailleurs été envoyées aux députés et ministres canadiens afin d’attirer leur attention non seulement sur la maladie en ellemême, mais aussi sur les difficulté­s auxquelles les chercheurs travaillan­t à son éradicatio­n font face. « Nous voulions dénoncer le sous-financemen­t chronique de la recherche sur l’endométrio­se et, plus largement, les problèmes de santé touchant les femmes », résume Sarah Maheux-Lacroix.

Leurs efforts semblent porter des fruits : depuis 2023, une nouvelle catégorie de financemen­t a été ajoutée par le gouverneme­nt fédéral. « Avant, je ne savais jamais où soumettre mes projets, parce que la catégorie qui s’y rapprochai­t le plus était liée à la santé de la mère et de son enfant, souligne la chercheuse. Mais je travaille avec des femmes non enceintes, qui n’ont pas nécessaire­ment envie de tomber enceintes. Il n’y avait pas de place où soumettre des projets qui s’intéressen­t à la santé des femmes globalemen­t. »

Cette nouvelle offre de financemen­t répond à l’un des défis de Sarah Maheux-Lacroix, également professeur­e à l’Université Laval. « Le soutien est offert pour les problèmes de santé des femmes de façon large, se réjouit la chercheuse. L’endométrio­se est même la première mentionnée dans la liste des maladies d’intérêt. »

« Nous voulions dénoncer le sousfinanc­ement chronique de la recherche sur l’endométrio­se et, plus largement, les problèmes de santé touchant les femmes »

Mouvement mondial

Quand on se compare, on ne se console cependant pas. Sarah MaheuxLacr­oix se désole de voir que le Canada est en queue de peloton pour la sensibilis­ation et le financemen­t de la recherche sur l’endométrio­se. Il est vrai qu’en Australie, en 2017, le ministre de la Santé a offert des excuses publiques pour la « négligence historique » de la maladie et offert un plan d’action visant à corriger ce tort. En France, le président Emmanuel Macron a annoncé en 2022 la mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre l’endométrio­se. D’autres pays comme le Royaume-Uni et l’Allemagne ont similairem­ent ajusté le tir.

« Ici, ça devient tranquille­ment une priorité, conclut Sarah MaheuxLacr­oix. Pendant des années, on n’a pas prêté attention à ce type de problème. Il est temps de renverser la vapeur. »

 ?? GETTY IMAGES ?? En septembre dernier, le gouverneme­nt fédéral a octroyé un financemen­t de 1,6 million de dollars pour la sensibilis­ation à l’endométrio­se et l’accès aux soins pour les gens qui en souffrent.
GETTY IMAGES En septembre dernier, le gouverneme­nt fédéral a octroyé un financemen­t de 1,6 million de dollars pour la sensibilis­ation à l’endométrio­se et l’accès aux soins pour les gens qui en souffrent.

Newspapers in French

Newspapers from Canada