Pour une meilleure compréhension de l’endométriose
Une femme sur dix souffre de cette maladie. Pourtant, son nom est très peu connu du public. Connaissez-vous l’endométriose ? Jusqu’à tout récemment, le financement pour la recherche destinée à mieux comprendre cette affliction était famélique, au Canada comme dans le reste du monde. Grâce aux pressions de spécialistes de la santé et de patientes, les choses sont en train de bouger.
Pour beaucoup de gens, le temps des menstruations est une épreuve. Chaque mois, les personnes atteintes d’endométriose souffrent, parfois violemment. Ces douleurs sont causées par un tissu endométrial vagabond : ce tissu, censé croître uniquement à l’intérieur de l’utérus, s’est aussi implanté ailleurs dans le corps. Il se comporte tout de même comme s’il était au bon endroit, s’épaississant chaque mois pour fournir à un potentiel ovule fécondé un lieu propice à sa croissance. Dans l’utérus, si aucun ovule ne vient s’implanter, l’endomètre se détache et sort — ce sont les menstruations. Dans le cas des endomètres voyageurs, le tissu détaché ne trouve aucune issue. C’est à ce moment que surviennent les crampes et divers autres problèmes de santé.
Jusqu’à tout récemment, il fallait attendre en moyenne plus de cinq ans avant d’obtenir un diagnostic d’endométriose. Pourtant, cette maladie est plus fréquente chez les femmes que le diabète. Ces délais font partie de ce que dénonce la coalition EndoAct, formée en 2020 au Canada, qui rassemble des chercheurs — principalement des chercheuses —, des médecins et des patientes souffrant de la maladie. « Beaucoup ont vu leurs symptômes rejetés par leurs proches et les professionnels de la santé sous prétexte qu’ils “font partie de la vie des femmes”, poussant les patientes à l’isolement et au désespoir », écrivaient dans le Journal d’obstétrique et de gynécologie du Canada des membres du regroupement lors de sa fondation.
Connaître et financer
À peine quatre ans depuis la création d’EndoAct, la gynécologue et clinicienne chercheuse au CHU de Québec Sarah Maheux-Lacroix voit déjà des changements prometteurs. Elle cite avec enthousiasme l’annonce d’une enveloppe de 1,6 million de dollars attribuée à la sensibilisation à l’endométriose et à l’accès aux soins pour les gens qui en souffrent par le gouvernement fédéral en septembre 2023. « Ce ne sont pas des sous énormes en regard du PIB du Canada, modère tout de même la chercheuse, aussi cofondatrice de EndoAct. Mais c’est un premier pas. »
Depuis la mise sur pied de la coalition pancanadienne, des dizaines de lettres ont par ailleurs été envoyées aux députés et ministres canadiens afin d’attirer leur attention non seulement sur la maladie en ellemême, mais aussi sur les difficultés auxquelles les chercheurs travaillant à son éradication font face. « Nous voulions dénoncer le sous-financement chronique de la recherche sur l’endométriose et, plus largement, les problèmes de santé touchant les femmes », résume Sarah Maheux-Lacroix.
Leurs efforts semblent porter des fruits : depuis 2023, une nouvelle catégorie de financement a été ajoutée par le gouvernement fédéral. « Avant, je ne savais jamais où soumettre mes projets, parce que la catégorie qui s’y rapprochait le plus était liée à la santé de la mère et de son enfant, souligne la chercheuse. Mais je travaille avec des femmes non enceintes, qui n’ont pas nécessairement envie de tomber enceintes. Il n’y avait pas de place où soumettre des projets qui s’intéressent à la santé des femmes globalement. »
Cette nouvelle offre de financement répond à l’un des défis de Sarah Maheux-Lacroix, également professeure à l’Université Laval. « Le soutien est offert pour les problèmes de santé des femmes de façon large, se réjouit la chercheuse. L’endométriose est même la première mentionnée dans la liste des maladies d’intérêt. »
« Nous voulions dénoncer le sousfinancement chronique de la recherche sur l’endométriose et, plus largement, les problèmes de santé touchant les femmes »
Mouvement mondial
Quand on se compare, on ne se console cependant pas. Sarah MaheuxLacroix se désole de voir que le Canada est en queue de peloton pour la sensibilisation et le financement de la recherche sur l’endométriose. Il est vrai qu’en Australie, en 2017, le ministre de la Santé a offert des excuses publiques pour la « négligence historique » de la maladie et offert un plan d’action visant à corriger ce tort. En France, le président Emmanuel Macron a annoncé en 2022 la mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose. D’autres pays comme le Royaume-Uni et l’Allemagne ont similairement ajusté le tir.
« Ici, ça devient tranquillement une priorité, conclut Sarah MaheuxLacroix. Pendant des années, on n’a pas prêté attention à ce type de problème. Il est temps de renverser la vapeur. »