Surmonter les défis pour redonner à sa communauté
Mélanie Courtois réalise son rêve de devenir infirmière, avec l’objectif de contribuer au mieux-être de la population, de redonner aux communautés autochtones et de peaufiner l’accès aux soins chez les Premières Nations en prônant la sécurisation culturelle. Elle veut inculquer à sa famille des apprentissages précieux de vaillance, de détermination, de persévérance. Et aussi inciter les femmes à croire en elles et à oser rêver.
« Je souhaite démontrer aux gens que, peu importe la voie qu’on choisit, on peut tous sortir de sa zone de confort. On a tous un pouvoir d’agir, malgré les défis qu’on peut rencontrer, et qu’on doit garder en tête nos objectifs. Il ne faut pas baisser les bras. La vie est parfois parsemée de beaux moments, parfois d’épreuves ; il faut arriver à prendre le temps et les moyens pour les surmonter », explique la diplômée en entrevue.
Un diplôme, un bébé
Maman d’une grande famille de cinq enfants et kukum (grand-maman) d’une fillette de huit ans ainsi que d’un autre chérubin devant se pointer cette année, Mélanie Courtois fait honneur aux valeurs familiales très ancrées de sa communauté innue de Mashteuiatsh, au Saguenay–LacSaint-Jean. Son évolution personnelle s’est ainsi entremêlée à son cheminement professionnel, créant devant elle une route ponctuée de défis qu’elle a courageusement surmontés.
Mme Courtois avait 16 ans et fréquentait l’école secondaire quand son premier bébé a vu le jour, complétait sa formation technique en soins infirmiers au cégep de St-Félicien quand elle a accueilli son deuxième, et deux autres poupons ont agrandi sa maisonnée pendant son certificat en santé communautaire et son baccalauréat en sciences infirmières à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). L’UQAC saluait d’ailleurs publiquement l’aplomb et la réussite de Mélanie Courtois dans le cadre des Journées de la persévérance scolaire, à la mi-février.
La femme de 43 ans résume sa situation en précisant avec humour, une fierté perceptible dans la voix, qu’elle a donné naissance à chacun de ses nouveaux diplômes, ou presque. Son curriculum vitae s’est par la suite étoffé d’autres réalisations, soit un certificat en gestion des ressources humaines à l’Université TELUQ, un diplôme d’études supérieures spécialisées en sciences infirmières et une maîtrise en sciences infirmières (IPSPL — infirmière praticienne spécialisée en soins de première ligne) terminée à l’automne 2023.
Elle est actuellement en attente de son permis de candidate à l’exercice de la profession d’infirmière, et souhaite éventuellement exercer son savoir-faire à Mashteuiatsh, auprès des siens. Et sa marmaille s’est enrichie d’un cinquième bout de chou en marge de ce dur labeur !
« Mon parcours n’est pas nécessairement atypique. [Mais] il ne correspond peut-être pas au système québécois, avec nos choix de vie. Nous, on considère que la famille est super importante, et les projets professionnels vont se placer à travers la vie de famille. Ça amène des défis importants parce que le système n’est pas fait en conséquence », précise Mélanie Courtois, qui, très humble, a hésité un brin à l’idée que Le Devoir trace son portrait.
À deux reprises, son inscription à la maîtrise a été refusée. « Parce que je ne répondais pas aux critères », mentionne-t-elle, citant la famille et le travail comme raisons de ces revers. « Quand j’ai fait mon bac, je ne me souciais pas d’avoir les meilleures notes. L’important pour moi était de réussir, mais je n’avais pas la cote demandée. »
Quand des places réservées aux personnes autochtones se sont libérées, Mélanie Courtois s’y est jetée avec toute sa passion, ramant fort pour maintenir la moyenne universitaire exigée.
Le TDA, une simple différence
La spécialiste a de surcroît dû composer avec une difficulté supplémentaire en classe : le TDA (trouble déficitaire de l’attention). « La maîtrise, c’est beaucoup de lecture, beaucoup de recherches. Ça demande énormément de concentration, alors c’est plus difficile. Ç’a été un défi, mais je l’ai relevé ! J’ai appris avec le temps que ce n’est pas parce que je suis moins intelligente ; c’est plutôt que j’apprends autrement. Je ne “fitte” pas dans le système éducatif, mais on trouve des stratégies ! (rires) »
Aujourd’hui, Mélanie Courtois s’enthousiasme de l’implication concrète que lui permettra son titre d’IPSPL dans les communautés autochtones en manque de ressources. « Ce qui est intéressant avec cette pratique, c’est qu’elle permet de diagnostiquer, de prescrire. On peut offrir des techniques invasives, comme installer des points de suture ou un stérilet. La pratique en soi offre plus de possibilités en termes de continuité de soins, d’accès aux soins en communauté. »
« Étant moi-même Autochtone, étant sensibilisée à la sécurisation autochtone, ayant vécu de la discrimination, je trouvais important de pouvoir redonner à ma communauté, de travailler à ce que les soins deviennent plus équitables. Plus on est formé, mieux c’est pour la population », affirme celle qui, au cours de ses études, a offert des ateliers et des conférences, a été cheffe d’équipe, conseillère clinique et coordonnatrice en développement social.
« Mon parcours n’est pas nécessairement atypique. [Mais] il ne correspond peut-être pas au système québécois, avec nos choix de vie. »