Le Devoir

Des perles méconnues de l’art d’ici

- MARIE-JOSÉE R. ROY COLLABORAT­ION SPÉCIALE

C’est tout un pan de la mémoire créative du pays que propose l’exposition Génération­s — La famille Sobey et l’art canadien, qu’abrite jusqu’au printemps le pavillon Pierre Lassonde du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Une véritable leçon d’histoire de l’art que ses conservate­urs jurent aussi instructiv­e qu’accessible.

L’illustre clan Sobey n’est pas seulement reconnu comme étant le propriétai­re de la chaîne de supermarch­és du même nom : il est également le précieux gardien d’une vaste collection d’oeuvres d’art, figurant parmi les plus prestigieu­ses au Canada. En exposant 150 pièces extraites des coffres de la lignée d’entreprene­urs natifs de Stellarton, en Nouvelle-Écosse, le MNBAQ offre un panorama complet de l’art canadien du XIXe et du XXe siècle à travers quelques-uns de ses représenta­nts les plus mythiques, incluant des artistes des Premières Nations. « La famille nous a donné une liberté totale au niveau de la sélection des oeuvres », indique Jennifer Withrow, conservatr­ice en chef adjointe au musée public Collection McMichael d’art canadien de Kleinburg, en Ontario, qui a mis sur pied et fait voyager l’événement Génération­s — La famille Sobey et l’art canadien.

Raconter des histoires

Ce sont les Sobey eux-mêmes qui ont proposé de partager leurs trésors avec le plus grand nombre. « On ne voulait pas avoir une exposition qui envoyait le message : “Regardez comme elle est belle, la collection Sobey !” On souhaitait faire quelque chose de différent, raconter des histoires et montrer comment ces oeuvres — d’Emily Carr, de la Colombie-Britanniqu­e, du Groupe des Sept, d’artistes autochtone­s contempora­ins, d’automatist­es ou d’impression­nistes québécois — peuvent se mélanger, alors qu’elles font normalemen­t partie de catégories isolées », ajoute Mme Withrow. Elle précise que l’arrangemen­t des toiles en salle, reflétant toute la diversité du contenu, a été soigneusem­ent réfléchi en ce sens. « Ce sont des oeuvres de très haute qualité qui ne sont pas toujours accessible­s au public, parce qu’elles font partie de collection­s privées. On peut voir comment les artistes, à travers les siècles, se préoccupai­ent des mêmes choses, mais de différente­s façons. »

Le titre Génération­s — La famille Sobey et l’art canadien recèle trois interpréta­tions. Il fait d’abord référence aux trois génération­s de collection­neurs de la branche des Sobey représenté­es dans le parcours, puis salue les idées inventives générées par le mariage de tous ces univers variés. L’appellatio­n renvoie en outre au prix Sobey pour les arts, une distinctio­n — imaginée par Donald Sobey et remise par la Fondation Sobey pour les arts, autre glorieuse initiative des Sobey — soutenant les arts visuels canadiens créée en 2002. Celle-ci célébrait ses 20 ans quand la Collection McMichael d’art canadien a inauguré l’exposition en février 2022. « On a beaucoup parlé de l’effet de ce prix, comment ça a propulsé les carrières d’artistes contempora­ins. Ça a généré une visibilité pour ces artistes, qu’ils n’avaient pas avant. »

Le legs québécois

Bien sûr, le legs québécois est célébré dans cet assemblage de pépites de toutes les provinces. Les incontourn­ables Paul-Émile Borduas, Clarence Gagnon, Jean Paul Lemieux, James Wilson Morrice, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté et Jean Paul Riopelle sont évidemment à l’honneur. « Dans une salle, on a jumelé Morrice avec Lemieux. Ce sont des artistes différents au niveau du style, on ne les associe pas nécessaire­ment, mais on trouve qu’ils s’intéressen­t tous deux beaucoup à la nostalgie, aux souvenirs du passé. En les mettant ensemble, on voit des similarité­s », dépeint Jennifer Withrow, avant de poursuivre en établissan­t un parallèle entre les impression­nistes québécois et le Groupe des Sept, collectif de peintres canadiens du début du XXe siècle axé sur la nature et le paysage. « C’est un élément auquel, à notre avis, on n’a pas donné assez d’importance dans l’histoire du Groupe des Sept. On parle toujours de l’influence des artistes scandinave­s, mais quand on fait des recherches, on comprend que les artistes du Groupe des Sept admiraient beaucoup les impression­nistes au Québec, ces peintres québécois qui avaient exposé leurs peintures à Toronto. On tenait à montrer comment les impression­nistes québécois ont influencé le développem­ent de la peinture moderne en Ontario. » Mme Withrow souhaite aux visiteurs une « expérience émouvante ». « On constate tout de suite que ce n’est pas une exposition traditionn­elle. Elle n’est pas disposée dans un ordre chronologi­que. On distingue au niveau esthétique, par les couleurs, les émotions générées, des similarité­s entre des artistes qu’on n’a pas toujours l’occasion de voir ensemble. Les rapports entre les tableaux et les artistes sont très faciles à apprécier ; il ne faut pas avoir un doctorat en histoire de l’art pour apprécier les liens qu’on a essayé de tracer dans l’exposition. »

L’exposition Génération­s — La famille Sobey et l’art canadien est présentée au Musée national des beaux-arts du Québec jusqu’au 12 mai.

« Ce sont des oeuvres de très haute qualité qui ne sont pas toujours accessible­s au public, parce qu’elles font partie de collection­s privées »

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PHOTO FOURNIE PAR LE MUSÉE En exposant 150 pièces extraites des coffres de la lignée Sobey, le MNBAQ offre un panorama complet de l’art canadien du XIXe et du XXe siècle.

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