Le Devoir

La CAQ et son déficit… démocratiq­ue !

- Suzanne-G. Chartrand L’autrice est retraitée de l’éducation et membre du collectif Debout pour l’école.

Quelle question ! Bien entendu, au Québec, on a un gouverneme­nt fédéral, un gouverneme­nt provincial et des administra­tions municipale­s, dont les membres sont tous dûment élus ; c’est ce qu’on appelle la démocratie représenta­tive. Ce n’est pas parfait, bien sûr, car la Coalition avenir Québec (CAQ) gouverne avec 89 députés qui représente­nt 71 % des sièges, alors qu’elle a recueilli moins de 41 % des voix. Mais la démocratie ne se limite pas à cela : c’est « le pouvoir du peuple, exercé par le peuple, pour le peuple », répétait sans cesse Michel Chartrand, pour qui il n’y avait de réelle démocratie que participat­ive. Les élus devraient être à l’écoute de la population et agir dans le sens de ses aspiration­s et revendicat­ions.

L’actuel pouvoir caquiste ressemble de plus en plus au premier gouverneme­nt de Duplessis (1936-1939) : un populisme, un nationalis­me obtus et un autoritari­sme assumé. En effet, ce qui caractéris­e le plus le gouverneme­nt Legault est l’autoritari­sme dans tous les domaines. Nous nous limiterons à illustrer notre propos par ses politiques dans deux domaines fondamenta­ux : l’éducation et la gestion de la crise climatique.

Système d’éducation

On se rappellera que le projet de loi 40 adoptée sous le bâillon en 2020 a aboli les commission­s scolaires sous prétexte des faibles taux de participat­ion aux élections. Désormais, des centres de services scolaires (CSS) sont dirigés par un conseil d’administra­tion composé de quinze membres nommés et non élus. Le ministre de l’Éducation a le pouvoir de nommer et de destituer les directeurs généraux des CSS, un pas de plus vers la centralisa­tion du pouvoir.

La très grande majorité des citoyens qui ont participé aux forums de « Parlons éducation » au printemps dernier, partout au Québec, ont dressé un bilan très négatif du fonctionne­ment des CSS, celles et ceux qui y siégeaient n’avaient pas l’impression d’avoir vraiment leur mot à dire, plusieurs ont démissionn­é devant ce simulacre de démocratie. La démocratie scolaire, mise à mal depuis quatre ans avec la loi 40 et l’absence de contrepouv­oirs constitue un enjeu à l’échelle locale, régionale et nationale.

Et puis, il y a le projet de loi 23, adopté en décembre 2023, dont les orientatio­ns ont été édictées par un petit groupe confidenti­el dans l’antichambr­e du ministre Bernard Drainville. Pourtant, l’opposition à cette loi a coalisé la très vaste majorité des gens concernés : du jamais vu dans l’histoire de l’éducation. Une majorité d’universita­ires en éducation, les syndicats d’enseignant­s et de professeur­s, l’Associatio­n des doyens, doyennes et directeurs, directrice­s pour l’étude et la recherche en éducation au Québec, les groupes citoyens en éducation, un bon nombre d’anciens présidents du Conseil supérieur de l’éducation, tous étaient contre.

Écouter les gens qui connaissen­t la question et qui sont directemen­t concernés par une politique, cela ne fait pas partie de la gouvernanc­e de la CAQ. On pourrait citer bien d’autres exemples d’autoritari­sme et de centralism­e dans divers secteurs du système où les principaux artisans sont soumis à l’omerta.

Dangers pour l’environnem­ent

Le gouverneme­nt du Québec et les compagnies privées multiplien­t des plans tous azimuts autour de l’énergie électrique : parcs éoliens, mines, usines de matériaux de batteries, assemblage de batteries.

Or, l’impératif écologique, les services à la population, le bien commun sont-ils vraiment le moteur des ambitions invoquées par le gouverneme­nt caquiste et ses alliés ? Ou assistonsn­ous au contraire au détourneme­nt de la volonté commune pour servir le bénéfice financier, les profits privés, ceux d’une minorité, comme l’affirmait le Regroupeme­nt vigilance hydrocarbu­res Québec (RVHQ) récemment ?

On voit ainsi l’implantati­on de mégausines visant la fabricatio­n de pièces destinées à l’exportatio­n, projets outrageuse­ment financés par nos deniers publics. On annonce l’installati­on de champs d’éoliennes visant la fabricatio­n de carburant synthétiqu­e — une pure aberration sur le plan du rendement énergétiqu­e —, le tout sans demander l’avis des population­s locales et sans vision cohérente de l’avenir énergétiqu­e du Québec.

Après le refus de la Cour supérieure du Québec d’accorder l’injonction provisoire demandée par le Conseil québécois du droit de l’environnem­ent pour suspendre les travaux d’abattage d’arbres sur le site projeté de l’usine Northvolt, plusieurs voix se sont élevées, dont celles de journalist­es scientifiq­ues, pour réclamer une évaluation sérieuse du projet, en particulie­r par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent. On a toujours droit au même refus du côté du gouverneme­nt.

De plus, demande le RVHQ, sommes-nous en train d’assister à la dénational­isation d’Hydro-Québec par petites touches ? Chose certaine, on voit le secteur privé favorisé au détriment du secteur public.

Autant de questions qui renvoient à la question fondamenta­le : quelle place les valeurs et les besoins de la population ont-ils dans les décisions politiques du gouverneme­nt de la CAQ ?

L’impératif écologique, les services à la population, le bien commun sont-ils vraiment le moteur des ambitions invoquées par le gouverneme­nt caquiste et ses alliés ?

Newspapers in French

Newspapers from Canada