Québec doit modifier son approche pour réduire son endettement
Il faudrait que le prochain plan budgétaire quinquennal soit formellement inséré dans un plan budgétaire à long terme
Dans sa lettre du 26 février dernier, publiée dans Le Devoir, Luc Godbout incitait le gouvernement à planifier un retour à l’équilibre budgétaire dans un avenir pas trop éloigné et à bien expliquer au public les bienfaits de suivre un tel plan, même si cela impliquait le respect de certaines contraintes sur le plan de l’offre de services à la population. Pour ma part, je souhaite qu’avant de définir un tel plan, on fasse une évaluation beaucoup plus en profondeur des bons et des moins bons côtés de cette approche utilisée ces dix dernières années pour définir les cibles de réduction de l’endettement gouvernemental et pour atteindre ces cibles.
La principale cible que le gouvernement désire atteindre est formulée selon le ratio de la nette au PIB. La dette nette est formée de deux composantes : la dette liée aux actifs immobiliers (aux infrastructures collectives) et celle qui est liée au cumul des déficits passés. La taille de la première composante représente actuellement un montant de près de 100 milliards de dollars (G$), soit près de 45 % du montant total de la dette nette, dont la valeur est de près de 215 G$.
Compte tenu de cette proportion élevée, on se serait attendu que, lorsqu’on parle du suivi de la cible pour la dette nette, on parle dans une bonne proportion de l’évolution désirée de la dette qui est liée aux actifs immobiliers. En fait, dans le texte de M. Godbout, on discute principalement des surplus budgétaires (au sens des comptes publics) que le gouvernement doit réaliser pour réduire le cumul de déficits passés, et que ces surplus devraient atteindre environ 3 G$ par année (soit la taille des versements au Fonds des générations) dans un avenir pas trop distant. En fait, dans le texte de M. Godbout, les mots « infrastructures » et « actifs » ne sont pas utilisés.
Infrastructures
Or, un des problèmes importants que le gouvernement du Québec a présentement est que ses infrastructures sont en très mauvais état et que l’utilisation de son approche pour réduire de façon graduelle le poids de la dette tout en permettant une hausse du ratio des actifs immobiliers au PIB a failli ces 10 dernières années. On aurait dû observer une amélioration marquée de l’état de ses infrastructures, et ce ne fut pas le cas. En fait, une des raisons de l’atteinte des cibles pour le ratio de la dette brute au PIB ou pour le ratio de la dette nette au PIB a été le choix du gouvernement d’investir moins dans ses infrastructures que ne l’impliquait sa cible originale pour le ratio des actifs financiers au PIB.
Opter pour la même approche risque de nous mener au même résultat désastreux et de laisser aux générations futures des infrastructures en très mauvais état. Un tel résultat va totalement à l’encontre du principe d’équité envers les générations futures, un principe qui est à la base même d’un des objectifs du grand projet de réduire l’endettement du gouvernement.
L’idée de faire régulièrement des surplus budgétaires (au sens des comptes publics) pour réduire le ratio du cumul des déficits au PIB, l’idée d’avoir une cible pour nous guider et l’idée d’avoir à la fois un cadre légal pour inciter le gouvernement à suivre cette cible et une certaine flexibilité pour suivre cette cible, tout ça, c’est très bien.
Cependant, pour bien définir les cibles de réduction de l’endettement et pour faire les bons choix entre peser sur le frein et peser sur l’accélérateur, ou pour résoudre la quadrature du cercle, comme le dit M. Godbout (« résorber la situation déficitaire, dont une portion est structurelle découlant de certaines initiatives gouvernementales, et le faire sans hausser le poids de la fiscalité ni toucher au panier de services publics »), il me semble très important de faire ces choix dans un contexte de long terme.
Voici un exemple inspiré par ce qui s’est passé entre 2014 et 2016. Si le gouvernement désire réduire ses budgets en éducation compte tenu des contraintes budgétaires qu’il s’impose et si ce choix pousse des professeurs à prendre leur retraite beaucoup plus tôt, cette mesure budgétaire serait beaucoup moins attrayante dans un contexte où on planifie faire face à une pénurie de professeurs pour les 10 ou 15 prochaines années.
Il me semble donc très important que le prochain plan budgétaire quinquennal soit formellement inséré dans un plan budgétaire à long terme. Malheureusement, je doute que le budget 2024 qui sera publié dans une dizaine de jours le soit. Mais ce serait bien que le budget 2025 le soit.