Le Devoir

Paul Houde, « encyclopéd­ie vivante »

L’animateur est décédé samedi matin à 69 ans à la suite de complicati­ons découlant d’une opération au cerveau

- ÉTIENNE PARÉ LE DEVOIR

Paul Houde est décédé samedi matin à l’âge de 69 ans à la suite de complicati­ons découlant d’une opération au cerveau. Animateur, commentate­ur sportif, comédien, chroniqueu­r… Le Québec perd une figure médiatique aussi singulière que familière. Tous se souviendro­nt de sa voix feutrée, de son humour délirant, mais surtout de son intelligen­ce, carrément hors norme.

« On vient de perdre une encyclopéd­ie vivante », s’est attristé son ami, le producteur Richard Goudreau, atterré par le caractère subit de cette disparitio­n.

« Paul, c’était un être particulie­r et particuliè­rement attachant », a résumé pour sa part Charles Lafortune, qui a travaillé avec lui de 2005 à 2011 sur le jeu-questionna­ire télévisé Le cercle, à TVA.

Même après la fin de l’émission, Charles Lafortune était demeuré proche de Paul Houde. Il l’avait visité à l’hôpital il y a deux semaines, après son opération. « Il allait bien dans les circonstan­ces. L’opération s’était bien déroulée. On était certain qu’on allait retrouver notre Paul d’avant », s’est attristé l’animateur en entrevue au Devoir.

Tristement, la mémoire phénoménal­e de Paul Houde, ce pour quoi il était tant admiré, avait récemment commencé à flancher, d’où son absence des ondes depuis quelques semaines.

Jusqu’à tout récemment, il était collaborat­eur à l’émission La journée (est encore jeune) sur ICI Première. En octobre dernier, il avait quitté abruptemen­t l’animation de l’émission matinale de BPM Sports en plein coeur de la saison pour des raisons de santé.

Sur les réseaux sociaux, sa famille a expliqué qu’il venait de subir une opération pour l’ablation d’une masse au cerveau, « Malheureus­ement, son coeur s’est arrêté subitement à la suite de complicati­ons », a écrit sa soeur, Johanne, sur Facebook. Son frère, l’animateur Pierre Houde, a demandé que l’on respecte l’intimité de la famille dans cette dure épreuve.

La référence

C’est en 1975 que Paul Houde a amorcé sa carrière dans les médias comme commentate­ur sportif à la radio. À la télévision, il fut aussi descripteu­r pour de nombreuses compétitio­ns sportives d’envergure, comme les finales d’athlétisme aux Jeux olympiques.

Rapidement, il se démarque par sa capacité incroyable à retenir les dates et les statistiqu­es. « C’était LA référence en athlétisme. Quand je voulais écrire sur des sports que je ne connaissai­s pas, je l’appelais et il me donnait toujours l’heure juste », se souvient le journalist­e Réjean Tremblay, qui souligne que Paul Houde était beaucoup plus réservé dans la vie privée que ce que laisse croire son personnage public.

À la fin des années 1990, Paul Houde est une grosse vedette de la radio FM à Montréal. Richard Goudreau l’approche pour faire une voix hors champ sur le nouveau film qu’il compte produire, Les Boys. Mais après avoir lu le scénario, Paul Houde a tellement aimé Les Boys qu’il demande qu’on lui crée un rôle sur mesure, même s’il n’avait aucune formation d’acteur et qu’il savait à peine patiner. Ainsi est né le personnage de Fernand, dit Fern, le gardien de but de l’équipe qui, comme son interprète, est friand de statistiqu­es.

« Il nous faisait tellement rire durant le tournage. Il faisait toutes sortes d’imitations. Tout le monde aimait Paul Houde », s’est rappelé Marc Messier, qui lui donnait la réplique dans Les Boys.

Du divertisse­ment à l’informatio­n

Impossible de parler de Paul Houde sans évoquer sa collaborat­ion de longue date avec Marc Labrèche. D’abord dans La fin du monde est à 7 heures, puis dans Le grand blond avec un show sournois, et enfin dans 3600 secondes d’extase. « J’ai des souvenirs tellement drôles de ses échanges avec Marc Labrèche et de son personnage de “Fern” dans Les Boys », a d’ailleurs mentionné le premier ministre François Legault sur Twitter.

Paul Houde était l’une des seules personnali­tés publiques au Québec qui pouvait passer du divertisse­ment à l’informatio­n, sans que le public remette en question sa crédibilit­é. De * 2007 à 2019, il a été à la barre de l’émission du retour au 98,5 Montréal. À la même station, il a ensuite piloté la matinale du week-end, avant que Cogeco ne résilie son contrat en 2022. Une décision qu’il disait respecter, mais qu’il peinait à s’expliquer.

« Le plus triste, c’est que Paul espérait atteindre le chiffre magique et impression­nant de 50 ans de carrière à la radio en 2025… », s’est désolé sur Facebook son ancien collègue du 98,5, l’animateur retraité Jacques Fabi, après avoir appris son décès.

Paul Houde, qui avait récemment confié avoir reçu un diagnostic d’autisme, était obsédé par les chiffres. Il entretenai­t aussi différente­s passions aussi diverses qu’étonnantes. Il vouait notamment un culte à la chanteuse française Mylène Farmer. Il était passionné de sport, mais aussi d’astronomie et d’aviation. « Il pouvait passer des heures à côté de l’aéroport, à Dorval, juste pour regarder les avions décoller », a évoqué Réjean Tremblay en rendant hommage à un être d’exception.

« Tout le monde parle de lui comme de l’homme qui connaissai­t par coeur toutes les statistiqu­es. Mais Paul Houde, c’était plus que ça. Non seulement il connaissai­t les chiffres, mais en plus, il était capable de tout expliquer le contexte qui allait autour. Il n’y a pas beaucoup de gens qui ont ce talent. C’était vraiment quelqu’un hors normes », a salué le journalist­e sportif.

C’était LA référence en athlétisme. Quand je voulais écrire sur des sports que je ne connaissai­s pas, je l’appelais et il me donnait toujours » l’heure juste. RÉJEAN TREMBLAY

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