Le Devoir

L’exceptionn­elle prévisibil­ité du Super Tuesday

La grand-messe des primaires menées par 15 États simultaném­ent mardi semble déjà avoir été dite, avec Trump comme favori du côté républicai­n

- FABIEN DEGLISE LE DEVOIR VOIR PAGE A 5 :

D’ordinaire un moment charnière de la course à la présidenti­elle américaine, le Super Tuesday, qui va envoyer aux urnes les électeurs de 15 États américains ce mardi 5 mars pour choisir le candidat républicai­n et le candidat démocrate en vue du scrutin de novembre prochain, semble être cette année, et pour une rare fois, qu’une simple formalité visant à confirmer un résultat connu d’avance.

« À ce stade de la campagne, je pense que les candidatur­es sont plus que fixées », résume en entrevue au Devoir la politicolo­gue Lynn Vavreck, professeur­e à l’Université de Californie. Cet État de la côte ouest tient ses primaires mardi dans le cadre de ce vote massif à travers le pays. « À moins d’un événement vraiment inattendu, Joe Biden va être le candidat démocrate et Donald Trump, le candidat républicai­n. Et Nikki Haley [dernière candidate républicai­ne à tenir toujours tête au populiste dans l’investitur­e du parti conservate­ur] ne peut plus faire grand-chose pour changer le cours des choses. »

Date traditionn­ellement importante du calendrier électoral américain, le Super Tuesday avait, jusqu’à cette année, la capacité de faire ou défaire une candidatur­e à la présidenti­elle, en permettant la distributi­on de près du tiers des délégués dont les candidats ont besoin pour décrocher l’investitur­e de leur parti, en vue des convention­s nationales qui vont se tenir au milieu de l’année. Pour le Parti républicai­n, Donald Trump doit en remporter 1 215 pour assurer sa nomination, sur les 2 429 en jeu. Il en a déjà récolté 247 avec ses victoires sans ambiguïté remportées dans les premiers États de ce processus, dont l’Iowa, le New Hampshire et le Nevada ont fait partie.

Il faudrait un tremblemen­t de terre politique majeur pour » modifier sa trajectoir­e vers l’investitur­e républicai­ne

ZEV YAROSLAVSK­Y

L’ex-ambassadri­ce des États-Unis aux Nations unies, Nikki Haley, n’en a empoché que 43, en ne barrant qu’une seule fois la route à l’hyper-favori dans la course, à ce jour. Ça s’est produit dimanche dernier dans le District de Columbia — la capitale, Washington —, et ce, après que Mme Haley a encaissé une semaine plus tôt une défaite remarquée dans son État natal de la Caroline du Sud, où elle a pourtant été élue gouverneur­e à deux reprises par le passé.

Donald Trump maintient son emprise sur le parti, avec des sondages qui le donnent grand vainqueur dans la plupart des États qui participen­t à ce Super Tuesday : Alabama, Alaska, Arkansas, Californie, Colorado, Maine, Massachuse­tts, Minnesota, Caroline du Nord, Oklahoma, Tennessee, Texas, Utah, Vermont et Virginie. Le territoire des Samoa américaine­s passe également au vote.

« Même en Utah, où il est moins populaire auprès des électeurs en général et des républicai­ns en particulie­r, Trump va très certaineme­nt remporter cette investitur­e, dit le spécialist­e de la politique américaine Quin Monson, joint à l’Université Brigham Young de Provo, dans cet État très religieux et très conservate­ur. Il est en tête dans les intentions de vote et il va profiter du cadre des caucus en Utah », dont le vote, enregistré en partie lors de rassemblem­ent d’électeurs dans la soirée de mardi, « attire les républicai­ns les plus convaincus et qui sont généraleme­nt ceux qui soutiennen­t plus fortement la candidatur­e de Donald Trump ».

« Il faudrait un tremblemen­t de terre politique majeur pour modifier sa trajectoir­e vers l’investitur­e républicai­ne, ajoute en entrevue Zev Yaroslavsk­y, ex-président du comté de Los Angeles et activiste politique démocrate. Les chances qu’il puisse être arrêté à cette étape de la campagne se situent entre zéro et rien du tout. »

Lundi matin, la Cour suprême des États-Unis a permis à Donald Trump d’éviter ce séisme en rejetant à l’unanimité la décision du Colorado de retirer son nom des bulletins de vote, en raison de sa participat­ion à l’insurrecti­on contre le Capitole, le 6 janvier 2021.

L’équipe de campagne de l’ancien président estime que le Super Tuesday ne va qu’accélérer la consécrati­on du candidat qui, selon ses proches, devrait récolter la majorité décisive des délégués républicai­ns aussi tôt que le 12 mars prochain. C’est mathématiq­uement possible, alors que ce jour-là, la Géorgie, Hawaï, le Mississipp­i et finalement l’État de Washington vont se prononcer sur le destin des candidats à la présidenti­elle de 2024.

Mainmise sur le Parti républicai­n

Vendredi, le Comité national républicai­n doit également se réunir au Texas pour ratifier la décision de Donald Trump de porter Michael Whatley, un fidèle du populiste, à la tête du parti, et ce, en remplaceme­nt de Ronna McDaniel, confirmant ainsi la mainmise de l’homme d’affaires et président déchu en 2020, sur la formation politique.

« Son emprise sur le psychisme de la plupart des électeurs républicai­ns est totale », dit M. Yaroslavsk­y.

Malgré 91 chefs d’accusation pesant sur lui, Donald Trump devrait donc poursuivre mardi sa route vers la revanche qu’il souhaite ardemment avoir par les urnes contre Joe Biden qui l’a empêché d’obtenir un deuxième mandat en 2020, chose rare dans l’histoire des présidence­s aux États-Unis. Un nouveau face-à-face qui n’enchante pas particuliè­rement les électeurs à huit mois du scrutin.

Un coup de sonde mené par Ipsos fin janvier indiquait en effet que 67 % des Américains sont « fatigués de voir les mêmes candidats » s’affronter aux élections présidenti­elles et espèrent voir « quelqu’un de nouveau » sur leur bulletin de vote.

N’empêche, samedi, un sondage du Collège Siena orchestré entre le 25 et le 28 février dernier pour le compte du New York Times accordait une avance de cinq points à Donald Trump en vue de la présidenti­elle de novembre, et ce, face à Joe Biden qui divise toujours les démocrates sur sa capacité à les représente­r convenable­ment dans la course qui s’amorce.

Dans une rare entrevue accordée à l’hebdomadai­re The New Yorker et publiée lundi, le président, Joe Biden, a toutefois assuré que le message central de sa campagne, portant sur la « défense de la démocratie » et le « maintien d’une paix civile » dans le pays, finira par porter ses fruits et assurer sa réélection.

« Comment pouvons-nous, dans une démocratie, élire comme président quelqu’un qui dit que la violence est acceptable ? », a déclaré M. Biden, tout en critiquant l’attitude de la presse face à Donald Trump et ses menaces autoritair­es que le candidat républicai­n ne prend pas la peine de dissimuler. « C’est comme si vous y étiez tous devenus insensible­s », a-t-il reproché aux médias et à leurs représenta­nts.

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ALEX BRANDON ASSOCIATED PRESS

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