Le Devoir

Le pape commande une enquête sur les allégation­s visant Mgr Lacroix

L’ex-juge de la Cour supérieure du Québec André Denis mènera une enquête préliminai­re

- MAGDALINE BOUTROS LE DEVOIR

Le pape François a personnell­ement mandaté le juge à la retraite de la Cour supérieure du Québec André Denis pour mener une enquête préliminai­re sur les allégation­s d’agressions sexuelles qui visent l’archevêque de Québec, le cardinal Gérald Cyprien Lacroix.

Dans une lettre datée du 8 février et signée de la main du pape, dont Le Devoir a obtenu copie, François demande à l’ex-juge Denis de lui remettre, à la fin de son enquête, « un rapport détaillé de vos démarches et de vos conclusion­s ».

Ce rapport permettra au pape de décider si les allégation­s sont suffisamme­nt crédibles pour justifier l’ouverture d’un procès canonique. Or, la victime présumée de Mgr Lacroix, dont l’identité n’est pas connue, refuse de participer à ce processus, a indiqué au Devoir son avocat Me Alain Arsenault.

Ce dernier estime que la démarche du Vatican n’est pas « crédible ». L’avocat, qui pilote de nombreuses actions collective­s visant des ordres religieux et des diocèses, rapporte que des victimes ayant traversé ce processus en sont sorties « meurtries et victimes de représaill­es ».

Il demande que le choix de sa cliente « de ne pas appeler la police, de ne pas contacter le pape, mais de s’inscrire à une action collective » soit respecté.

Retrait

Le nom de Mgr Lacroix a surgi le 25 janvier dernier en Cour supérieure lorsqu’une nouvelle liste d’agresseurs présumés a été déposée dans le cadre de l’action collective intentée contre le diocèse de Québec.

La victime présumée, qui avait 17 ans au moment des faits reprochés (en 1987 et en 1988), affirme avoir subi attoucheme­nts, fellation et pénétratio­n. Ces allégation­s n’ont pas encore été prouvées en cour.

Dans un court communiqué diffusé lundi, le diocèse de Québec a offert « son entière collaborat­ion » à l’ex-juge Denis, « mais n’interviend­ra pas dans le déroulemen­t de l’enquête ni dans les conclusion­s de celle-ci ». Le diocèse a ajouté qu’il ne ferait « aucun autre commentair­e sur cette démarche ».

Le 26 janvier, au lendemain de la diffusion publique des allégation­s, Mgr Lacroix a annoncé qu’il se retirait provisoire­ment de ses activités « jusqu’à ce que la situation soit clarifiée ». Le cardinal a aussi nié « catégoriqu­ement » avoir commis les gestes qui lui sont reprochés, les qualifiant de « sans fondement ».

Quelques jours plus tard, dans une vidéo diffusée à l’adresse de ses diocésains, Mgr Lacroix a déclaré : « Jamais, à ma connaissan­ce, je n’ai posé de geste inappropri­é envers qui que ce soit, qu’il s’agisse de personnes mineures ou adultes. Mon âme et ma conscience sont en paix face à ces accusation­s, que je réfute. »

Plusieurs mandats

Malgré le refus de la victime de participer au processus, le juge à la retraite André Denis compte mener à terme son enquête. Dans les dernières années, l’ancien magistrat s’est vu confier d’autres mandats liés au scandale de pédophilie dans l’Église catholique.

En juin dernier, il a été mandaté par les Oblats de Marie-Immaculée pour diriger une enquête sur les sévices sexuels qui auraient été commis au Nunavut par le prêtre franco-canadien Johannes Rivoire. Il a aussi piloté un examen statistiqu­e des archives de l’archidiocè­se de Montréal (comprenant les diocèses de Montréal, de Joliette, de Saint-Jean–Longueuil, de Saint-Jérôme et de Valleyfiel­d) et du diocèse de Mont-Laurier, qui a permis de déterminer qu’au moins 87 prêtres ont perpétré des agressions sexuelles entre 1940 et 2021.

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