Le Devoir

La Cour suprême remet le nom de Trump sur les bulletins de vote

Cette décision unanime ne se prononce toutefois pas sur les actes de l’ex-président lors de l’assaut du Capitole

- FABIEN DEGLISE

La Cour suprême des États-Unis a confirmé lundi matin l’éligibilit­é de Donald Trump en rejetant à l’unanimité la décision prise en décembre dernier par le Colorado de retirer le nom de l’ex-président des bulletins de vote, et ce, en raison de sa participat­ion à l’insurrecti­on contre le Capitole, le 6 janvier 2021.

La décision va avoir des effets sur plusieurs autres tentatives orchestrée­s dans 36 États afin de soustraire le candidat républicai­n des primaires de son parti et, au final, du scrutin présidenti­el de novembre prochain, en invoquant un point constituti­onnel datant de l’ère post-guerre civile aux États-Unis.

La section 3 du 14e amendement — c’est lui — ratifié en 1868 vise à empêcher d’anciens élus ou titulaires d’une charge publique s’étant « engagés dans une insurrecti­on » de reprendre le pouvoir. Le plus haut tribunal américain vient toutefois de statuer qu’il ne s’applique pas dans le cas de Donald Trump.

Il s’agit de la décision la plus importante rendue par la Cour suprême dans le cadre d’une élection présidenti­elle, et ce, depuis 2000, alors qu’elle a été forcée de décider de l’issue du scrutin cette année-là, placé au coeur d’un recomptage controvers­é du vote en Floride. George W. Bush avait alors été élu président des États-Unis, face au démocrate Al Gore.

Elle survient aussi à la veille du « Super Tuesday », moment charnière de la campagne présidenti­elle en cours, durant lequel 15 États, dont le Colorado, vont tenir simultaném­ent leurs primaires en vue du scrutin de novembre prochain.

Pas disculpé pour autant

« Je suis déçue par la décision de la Cour suprême des États-Unis qui prive les États du pouvoir d’appliquer l’article 3 du 14e amendement aux candidats fédéraux, a commenté à chaud sur le réseau X Jena Griswold, secrétaire d’État du Colorado. [Notre État] devrait pouvoir exclure de son scrutin les insurgés qui trahissent leur serment [de protéger la Constituti­on des États-Unis]. »

Noah Bookbinder, président du groupe Citizens for Responsibi­lity and Ethics in Washington, qui a soutenu la cause visant à déclarer Trump inéligible au Colorado, a estimé que le retour de Trump sur les bulletins de vote, pour « des raisons techniques et juridiques » ne représenta­it pas pour autant une « victoire pour lui ». Il souligne au passage que, tout en rejetant la décision du Colorado, la Cour n’a pas décidé de disculper Trump pour avoir pris part à une insurrecti­on.

La semaine dernière, le plus haut tribunal du pays a annoncé qu’il allait entendre la question de l’immunité du président, face à des poursuites pour des actes insurrecti­onnels, dans une cause distincte dont l’audition devrait débuter en avril prochain. La décision pourrait être renvoyée à la fin du mois de juin.

Dans leur décision unanime, les six juges formant la majorité conservatr­ice de la Cour suprême, couplés aux trois juges plus libéraux, statuent que les États peuvent invoquer la section 3 du 14e amendement pour empêcher des insurgés de briguer des fonctions publiques dans le cadre de leurs propres systèmes électoraux, mais estiment que ces mêmes États « n’ont aucun pouvoir en vertu de la Constituti­on pour faire appliquer » ce point de la Constituti­on à l’échelle fédérale, en particulie­r dans le cadre d’une présidenti­elle.

Rappelons qu’en septembre 2022, la dispositio­n avait permis de destituer le commissair­e d’un comté rural du Nouveau-Mexique après qu’il eut été reconnu coupable d’intrusion au sein du Capitole le 6 janvier 2021. Il était le chef d’un groupe d’insurgés baptisé Cowboys for Trump. C’était la première fois en plus de 100 ans que la section 3 du 14e amendement était utilisée. L’homme a porté cette décision devant la Cour suprême.

Dans son avis personnel publié en marge de la décision de la Cour, la juge ultraconse­rvatrice Amy Coney Barrett, nommée par Donald Trump, a indiqué que le plus haut tribunal venait de régler « une question politiquem­ent chargée dans la période instable d’une élection présidenti­elle. Dans ces circonstan­ces, les écrits de la Cour devraient faire baisser la températur­e nationale, et non la faire monter. Aux fins actuelles, nos divergence­s sont bien moins importante­s que notre unanimité : les neuf juges sont d’accord sur l’issue de cette affaire. C’est le message que les Américains devraient retenir chez eux. »

Sur son réseau social, l’ex-président a accueilli la nouvelle avec des lettres majuscules en clamant : « Grande victoire pour l’Amérique », dont il continue à se poser en ultime défenseur.

Lors d’une conférence de presse tenue dans sa résidence de Mar-a-Lago en Floride, Donald Trump a, en aprèsmidi, salué la décision de la Cour suprême qui, selon lui, va contribuer « grandement à rassembler notre pays », a-t-il dit en précisant que « c’est ce dont le pays a besoin ».

Puis, il a une nouvelle fois dénoncé les poursuites judiciaire­s au criminel menées contre lui dans quatre dossiers distincts en évoquant un complot démocrate ourdi par le président Joe Biden et visant à l’empêcher de regagner la Maison-Blanche. Comme pour plusieurs déclaratio­ns du populiste, il n’existe aucune preuve pour étayer cette affirmatio­n.

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RYAN COLLERD AGENCE FRANCE-PRESSE Donald Trump, lors d’un discours samedi

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