L’architecture de style Boomtown en Beauce, un patrimoine bâti en mouvement
Ces bâtiments sont issus d’une tradition de l’architecture vernaculaire héritée des États-Unis
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la Beauce était témoin d’un nouveau type d’architecture qui se multipliait sur les rues principales des villages : le Boomtown. Caractérisée par des façades-écrans inspirées des « Western False Front » des villes minières de l’ouest des États-Unis, l’architecture Boomtown est un exemple de l’américanisation du bâti dans la région beauceronne à l’époque où les échanges migratoires avec le Maine et l’industrie forestière étaient en plein essor [...]
À la fin du XIXe siècle, les va-etvient entre l’Est américain et la Beauce permettaient des échanges culturels importants et avaient un impact économique favorable à l’établissement de villages. Ce contexte spécifique peut expliquer la présence importante d’exemples Boomtown dans la région.
Les bâtiments Boomtown sont issus d’une tradition de l’architecture vernaculaire héritée des États-Unis. Construite par une main-d’oeuvre la plupart du temps anonyme, leur ossature en bois de sciage symbolise un nouveau savoir-faire populaire en architecture. À l’aide de planches standardisées et de clous, il était désormais possible pour quiconque habile de ses mains de construire rapidement un bâtiment à claire-voie et d’y ajouter le style référentiel désiré.
Pendant la conquête de l’Ouest américain, des villages miniers se sont vite établis grâce aux nouvelles possibilités de construction issues de l’industrialisation des matériaux. Les premiers bâtiments commerciaux de ces villages miniers ont adopté un façadisme commercial de l’est du pays. Baie vitrée, ornements et enseignes ont été adaptés au contexte aride et isolé de l’Ouest. Les « Western False Front », caractérisés par des bâtiments rudimentaires devant lesquels ont été ajoutées de grandes façades planes de bois, se sont multipliés pour laisser place à des saloons et à des magasins généraux.
L’architecture Boomtown est une influence directe des « Western False Front ». Ses caractéristiques formelles et décoratives dont le haut parapet qui dépasse le toit du bâtiment, les jeux ornementaux sur la corniche, les galeries avec une balustrade en bois tourné et les oeils-de-boeuf s’inspirent de ce modèle américain.
Au Québec, ces caractéristiques westerns ont été ajoutées au répertoire du bâti vernaculaire. Ajoutons que le terme lui-même est une référence au contexte de la conquête de l’Ouest. En effet, la terminologie Boomtown, que l’on traduit en français par « ville champignon », symbolise dans l’imaginaire collectif ces villages miniers qui poussent en une nuit comme des champignons près des gisements aurifères […].
Les premiers exemples d’architecture Boomtown apparaissent vers 1880 et continuent de se multiplier dans les décennies suivantes. À ce moment, la Beauce était dans une période propice aux échanges culturels et économiques avec les Américains et vivait un essor territorial important dû au déploiement ferroviaire [...].
Simultanément, la progression de l’industrie de transformation du bois en Beauce procurait des matériaux de construction comme le bois de sciage […]. L’architecture Boomtown était donc un choix cohérent dans la région beauceronne. Sa charpente légère de bois et l’utilisation de matériaux industriels permettaient une construction rapide et peu coûteuse. Sa volumétrie rectangulaire répondait aux rétrécissements des lots qui formaient au XIXe siècle les nouvelles rues principales des villages en voie de densification.
L’espace commercial du rez-dechaussée et le dégagement à l’étage permettaient à la fois d’y accueillir un commerce et d’y loger une ou plusieurs familles. En somme, l’architecture Boomtown correspondait au besoin de densification et de construction symbolisant l’établissement des villages ainsi que la prospérité des commerçants nouvellement établis.