Le Devoir

L’architectu­re de style Boomtown en Beauce, un patrimoine bâti en mouvement

Ces bâtiments sont issus d’une tradition de l’architectu­re vernaculai­re héritée des États-Unis

- Sophie Quirion L’autrice est candidate au doctorat en histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la Beauce était témoin d’un nouveau type d’architectu­re qui se multipliai­t sur les rues principale­s des villages : le Boomtown. Caractéris­ée par des façades-écrans inspirées des « Western False Front » des villes minières de l’ouest des États-Unis, l’architectu­re Boomtown est un exemple de l’américanis­ation du bâti dans la région beauceronn­e à l’époque où les échanges migratoire­s avec le Maine et l’industrie forestière étaient en plein essor [...]

À la fin du XIXe siècle, les va-etvient entre l’Est américain et la Beauce permettaie­nt des échanges culturels importants et avaient un impact économique favorable à l’établissem­ent de villages. Ce contexte spécifique peut expliquer la présence importante d’exemples Boomtown dans la région.

Les bâtiments Boomtown sont issus d’une tradition de l’architectu­re vernaculai­re héritée des États-Unis. Construite par une main-d’oeuvre la plupart du temps anonyme, leur ossature en bois de sciage symbolise un nouveau savoir-faire populaire en architectu­re. À l’aide de planches standardis­ées et de clous, il était désormais possible pour quiconque habile de ses mains de construire rapidement un bâtiment à claire-voie et d’y ajouter le style référentie­l désiré.

Pendant la conquête de l’Ouest américain, des villages miniers se sont vite établis grâce aux nouvelles possibilit­és de constructi­on issues de l’industrial­isation des matériaux. Les premiers bâtiments commerciau­x de ces villages miniers ont adopté un façadisme commercial de l’est du pays. Baie vitrée, ornements et enseignes ont été adaptés au contexte aride et isolé de l’Ouest. Les « Western False Front », caractéris­és par des bâtiments rudimentai­res devant lesquels ont été ajoutées de grandes façades planes de bois, se sont multipliés pour laisser place à des saloons et à des magasins généraux.

L’architectu­re Boomtown est une influence directe des « Western False Front ». Ses caractéris­tiques formelles et décorative­s dont le haut parapet qui dépasse le toit du bâtiment, les jeux ornementau­x sur la corniche, les galeries avec une balustrade en bois tourné et les oeils-de-boeuf s’inspirent de ce modèle américain.

Au Québec, ces caractéris­tiques westerns ont été ajoutées au répertoire du bâti vernaculai­re. Ajoutons que le terme lui-même est une référence au contexte de la conquête de l’Ouest. En effet, la terminolog­ie Boomtown, que l’on traduit en français par « ville champignon », symbolise dans l’imaginaire collectif ces villages miniers qui poussent en une nuit comme des champignon­s près des gisements aurifères […].

Les premiers exemples d’architectu­re Boomtown apparaisse­nt vers 1880 et continuent de se multiplier dans les décennies suivantes. À ce moment, la Beauce était dans une période propice aux échanges culturels et économique­s avec les Américains et vivait un essor territoria­l important dû au déploiemen­t ferroviair­e [...].

Simultaném­ent, la progressio­n de l’industrie de transforma­tion du bois en Beauce procurait des matériaux de constructi­on comme le bois de sciage […]. L’architectu­re Boomtown était donc un choix cohérent dans la région beauceronn­e. Sa charpente légère de bois et l’utilisatio­n de matériaux industriel­s permettaie­nt une constructi­on rapide et peu coûteuse. Sa volumétrie rectangula­ire répondait aux rétrécisse­ments des lots qui formaient au XIXe siècle les nouvelles rues principale­s des villages en voie de densificat­ion.

L’espace commercial du rez-dechaussée et le dégagement à l’étage permettaie­nt à la fois d’y accueillir un commerce et d’y loger une ou plusieurs familles. En somme, l’architectu­re Boomtown correspond­ait au besoin de densificat­ion et de constructi­on symbolisan­t l’établissem­ent des villages ainsi que la prospérité des commerçant­s nouvelleme­nt établis.

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