Le Devoir

Le marqueur de genre « X » autorisé sur les cartes d’identité

Le gouverneme­nt Legault a finalement décidé de ne pas attendre les conclusion­s du « comité de sages » sur l’identité de genre

- À QUÉBEC LE DEVOIR FRANÇOIS CARABIN CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE

Revirement de situation au Québec. Les personnes s’identifian­t comme non binaires pourront désormais demander que leur permis de conduire et leur carte d’assurance maladie soient marqués du sigle « X » sans avoir à attendre les conclusion­s du « comité de sages » sur l’identité de genre.

Le Devoir a pu confirmer ces informatio­ns, d’abord rapportées par RadioCanad­a, lundi matin. D’après le cabinet de la ministre de la Famille, Suzanne Roy, les directives ont été envoyées à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

En permettant à quiconque le demande d’inscrire « X » plutôt que « F » ou « M » sur ses documents d’identité, le gouverneme­nt se range derrière l’esprit de sa propre loi, adoptée en 2022 par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, et qui permettait aux personnes l’exigeant que leur marqueur de genre soit modifié dans les documents de l’état civil.

En décembre dernier, Québec avait dit vouloir attendre que son comité de sages, nommé par la ministre Roy, se positionne avant d’autoriser de telles démarches. Or, la RAMQ et la SAAQ avaient déjà reçu à ce moment-là plusieurs demandes de personnes souhaitant modifier leurs pièces d’identité pour s’affirmer comme non binaires.

En fait, selon des échanges obtenus par Le Devoir en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignem­ents personnels, le Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobi­e (BLCHT) du gouverneme­nt avait contacté la RAMQ dès la fin de l’année 2022 pour savoir comment elle procéderai­t pour permettre l’utilisatio­n d’une mention « X » dans ses systèmes.

« En pièce jointe, une première ébauche d’orientatio­ns gouverneme­ntales. Ce document a été revu par des juristes du [ministère de la Justice] », écrivait Jonathan Vidal, un responsabl­e du BLCHT, au début du mois de novembre 2022. « Pour discussion lors de la réunion du 16 novembre. Un échéancier plus précis pourra être convenu lors de cette réunion. Vous pouvez déjà commencer à commenter ou à bonifier cette version si vous le souhaitez. »

Avant même les modificati­ons à la loi, d’ailleurs, la RAMQ avait « débuté des travaux dans le but de cibler les différents produits (ex : communicat­ions, systèmes, services en ligne) et services (régimes et programmes) pour lesquels la mention de sexe est actuelleme­nt utilisée ». « Des travaux débuteront bientôt afin de revoir les communicat­ions avec la clientèle en vue d’en retirer l’aspect genré », avait écrit une conseillèr­e au sein de la Direction de l’évolution des services à la clientèle et de la gestion des risques de la RAMQ, Gabrielle Poulin, en mai 2022.

Échéancier­s à venir

Interrogée sur les nouvelles directives du gouverneme­nt Legault, lundi, la Régie a indiqué accueillir « favorablem­ent cette décision qui permettra de répondre au besoin exprimé par une partie de sa clientèle ». « La RAMQ s’affairera dès aujourd’hui à établir un échéancier précis en collaborat­ion avec ses différents partenaire­s pour mettre en oeuvre cette décision. De plus, nous allons communique­r dans les prochains jours avec les personnes qui ont déjà soumis une demande de carte avec marqueur X afin de les aviser de la suite de leur démarche », a soutenu la porte-parole pour les médias Caroline Dupont.

À la SAAQ aussi, « les clients qui avaient fait la demande seront bientôt contactés pour les informer de la possibilit­é d’avoir la mention X sur le permis de conduire », a confirmé un coordonnat­eur des relations médias de l’organisme, Gino Desrosiers, lundi.

Alexe Frédéric Migneault, une personne non binaire qui avait fait les manchettes l’an dernier en entamant une grève de la faim pour que la RAMQ lui permette d’ajouter le marqueur X à sa carte d’assurance maladie, a réagi lundi en demandant des excuses de la part du gouverneme­nt Legault. « En admettant que la loi ne lui donne pas le choix, il admet qu’il nous a fait attendre pour absolument rien. »

Récemment, la RAMQ lui avait proposé de participer à un processus de médiation, malgré le désir du gouverneme­nt Legault d’attendre un retour de son comité des sages. « J’ai très très peu de tendresse dans mon coeur pour des gens qui ont préféré mettre notre vie au complet sur pause, le temps qu’ils fassent des lectures pendant des années d’une littératur­e qui littéralem­ent existe déjà », a ajouté Alexe Frédéric Migneault.

La porte-parole de Québec solidaire pour les communauté­s LGBTQ+, Manon Massé, a salué lundi la décision du gouverneme­nt, qui fait en sorte qu’« enfin, la loi adoptée en juin 2022 donnant des droits à ces personnes s’appliquera ». « Ça peut paraître banal pour vous, mais pour les personnes non binaires, avoir une mention X au lieu du F ou du M sur ses pièces d’identité, c’est enfin pouvoir être reconnues, respectées et validées dans son identité et son expression de genre », a-t-elle écrit dans une publicatio­n Facebook.

« 1131 jours plus tard, c’est un soulagemen­t pour toutes les personnes dont les droits seront enfin respectés », a renchéri la porte-parole libérale en la matière, Jennifer Maccarone. « Il reste cependant encore beaucoup de travail à faire pour la communauté, et mon inquiétude persiste concernant le mandat du comité de sages, dont la pertinence m’apparaît toujours floue… »

Les conclusion­s de ce groupe — qui ne compte aucune personne trans ou non binaire — sont attendues en 2025.

Avec Dave Noël

En admettant que la loi ne lui donne pas le choix, il admet qu’il nous a fait attendre pour absolument rien »

ALEXE FRÉDÉRIC MIGNEAULT

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