Le Devoir

Maxi accusé de mépriser le droit d’auteur

La chaîne d’épiceries s’est servie de la chanson Des croissants de soleil de Ginette Reno sans avoir à payer les ayants droit

- ÉTIENNE PARÉ LE DEVOIR

Pour faire la promotion sur les réseaux sociaux de sa marque maison, Maxi s’est clairement inspiré de la chanson à succès de Ginette Reno Des croissants de soleil, mais a tâché de ne pas la nommer. L’épicier s’est vanté d’avoir trouvé ainsi un moyen de ne pas payer de droits d’auteur. Un coup de marketing qui se voulait drôle, mais qui a été vivement dénoncé par le milieu de la musique.

« Nos croissants pur beurre le Choix du Président sont tellement bons qu’ils vous donneront envie de chanter la fameuse chanson sur les croissants qu’on n’a pas le droit de mentionner à cause des droits d’auteur », pouvait-on lire la semaine dernière sur la page Facebook de la chaîne de supermarch­és.

La publicatio­n, qui a été retirée depuis, était accompagné­e d’un montage photo montrant des croissants dans un soleil. « Est-ce que quelqu’un peut la chanter en commentair­es svp ? » demandait-on sur un ton moqueur.

Autant dire que cette publicité laissait peu de place à l’interpréta­tion. C’est bel et bien à Des croissants de soleil, un ver d’oreille hyperconnu chanté par Ginette Reno, que l’on faisait référence.

L’Associatio­n des profession­nels de l’édition musicale (APEM) a directemen­t interpellé Maxi à ce sujet sur Facebook vendredi : « Vous qui vendez des croissants, vous devriez savoir que ça prend de l’argent pour en acheter. 10/10 pour avoir trouvé une autre façon de faire de la publicité en utilisant une chanson sans payer les droits, mais 0/10 pour le soutien au secteur de la musique, qui a faim ces temps-ci. »

L’APEM n’a pas manqué de souligner que Loblaw, la maison-mère de Maxi, affiche des profits financiers impression­nants, de quoi lui permettre d’acquérir les droits d’une chanson québécoise pour une publicité.

Ginette Reno n’a quant à elle pas réagi. Le compositeu­r Jean Robitaille a indiqué lundi au Devoir que Maxi avait commis une « grave bourde » en se vantant de contourner le droit d’auteur. « Ce qui me choque là-dedans, c’est qu’on rit du droit d’auteur. Comme si c’était ridicule d’avoir à rémunérer les ayants droit lorsqu’on utilise leur oeuvre. C’est un gros manque de respect », s’est-il indigné.

Loblaw s’est finalement excusé à M. Robitaille. Dans un courriel envoyé au Devoir, l’entreprise a assuré ne jamais avoir voulu offenser qui que ce soit. « Nous sommes en train de revoir nos processus à l’interne afin de nous assurer qu’une telle maladresse ne se reproduise plus », a-t-on ajouté.

Prise de risque

Depuis les débuts de sa collaborat­ion avec l’agence LG2, Maxi se démarque en adoptant un ton irrévérenc­ieux sur ses réseaux sociaux et dans ses publicités. Une prise de risque qui est généraleme­nt bien accueillie, mais qui a aussi déjà mis la compagnie sur la sellette. En mai 2020, elle avait retiré l’une de ses publicités mettant en vedette Martin Matte après que celle-ci eut été qualifiée de « grossophob­e » par certains groupes.

À noter que ni LG2 ni Maxi n’avaient approché Jean Robitaille au préalable pour que sa chanson soit utilisée dans une publicatio­n. « Si ça avait été le cas, on aurait sûrement dit oui. Ça n’aurait pas été la première fois que Des croissants de soleil est utilisée dans une publicité ou dans un film. Ce n’est vraiment pas compliqué d’obtenir les droits pour cette chanson et ce n’est pas très cher », explique le compositeu­r aujourd’hui âgé de 80 ans.

Jean Robitaille a composé des titres pour plusieurs artistes, mais Des croissants de soleil, sortie en 1974, demeure son plus grand succès. Il se souvient avoir déjà touché plus de 100 000 $ en droits d’auteur certaines années. Tout cela appartient aujourd’hui au passé, alors qu’il dit n’avoir reçu que 4000 $ l’an dernier pour ses compositio­ns.

« Le droit d’auteur est de plus en plus contourné. Ça rapporte beaucoup moins qu’avant. Les règles sont moins strictes. Les plateforme­s numériques ne rapportent presque rien. Le cas de Maxi n’est pas isolé. Il montre le peu de considérat­ion que l’on a pour les ayants droit », se désole-t-il.

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