Partir à l’aventure avec ses sens
Le Mont Analogue, présenté à l’Espace Go, est une création multidisciplinaire sensorielle et spirituelle
Jusqu’au 10 mars, la création inspirée du dernier roman de René Daumal Le Mont Analogue prend vie à l’Espace Go. En arrière de cette proposition, on retrouve Wynn Holmes à la chorégraphie, à la mise en scène et à la coécriture, qui s’est entourée de l’autrice Clara Prévost et d’Hubert TanguayLabrosse à la composition musicale. Libre interprétation de la proposition inachevée de M. Daumal, Le Mont Analogue nous transporte dans un voyage tant émotionnel que spirituel.
Dans un décor épuré, avec quelques estrades par-ci et par-là, supplanté par une structure aérienne métallique, s’installent, avant le début du spectacle, quelques interprètes à l’allure punk. Par la suite, c’est au tour du seul comédien de la pièce, Jean-François Casabonne, de faire son apparition et, sans mot, de nous interpeller, par ses expressions du visage et ses mouvements. Les autres artistes commencent alors de grandes marches dans l’espace. On sent rapidement que la danse et les corps vont prendre une place importante dans le spectacle.
Une mystérieuse montagne que personne n’a pu voir à ce jour, mais qui regorge des plus hauts secrets de la spiritualité. C’est le voyage qu’explique le comédien, qui incarne alors un guide d’alpinisme. Entrent ensuite en scène la musique en direct et les magnifiques voix de Ballet-OpéraPantomime (BOP). Convaincu de l’existence d’un tel mont, c’est grâce à la parution d’un article à ce sujet que l’alpiniste passionné retombe de nouveau dans sa lubie de trouver un lieu inexistant.
Grâce à sa confiance, il convainc des scientifiques, linguistes et artistes en tout genre de partir en expédition vers ce sommet sur un bateau nommé L’Impossible. C’est ainsi la force du nombre qui est montrée et le fait de croire ensemble à un avenir meilleur, accessible. Finalement, de croire à la force de l’esprit sur la réalité. On sent dès le départ l’aspect philosophique de l’aventure et la réflexion sur l’infini. J’y ai aussi décelé un certain questionnement sur le sens de la vie et de ce que chacun et chacune est prêt à sacrifier pour l’inconnu, pour une promesse du meilleur.
Une proposition vraiment multidisciplinaire
Pendant 75 minutes, nous suivons avec conviction les six danseurs, six musiciens et le touchant guide d’alpinisme dans leur voyage loufoque. Malgré quelques réticences au départ, on sent que les personnages embarquent finalement corps et âme dans cette aventure. L’aventure d’une vie. Bien qu’ils parlent peu, on s’attache rapidement aux interprètes et aux relations qui se créent entre eux, qui naissent sous nos yeux. On connecte avec eux par le corps et les mouvements. En effet, les états d’âme qu’ils vivent, en même temps que leur rude traversée, les liens qui naissent, la colère ou encore le soulagement, toutes ces émotions sont traduites par le mouvement et la danse.
La musique et les harmonies vocales faites devant nos yeux, par les personnages eux-mêmes, ajoutent aussi à la connexion avec le public. La pureté des voix et leur entremêlement avec les moments de l’histoire et les corps mouvants créent des moments de beauté, parfois électriques, parfois touchants. Enfin, le décor et les lumières subliment le tout, en légèreté, mais en justesse. Tout est créé sous nos yeux, sans artifices, et avec beaucoup d’authenticité.
Pour une fois, un spectacle multidisciplinaire porte très bien son nom puisque chaque art est au même niveau et prend la même place, sans avoir à forcer. En effet, il y a clairement une trame narrative, magnifiquement portée par M. Casabonne, une histoire claire à suivre qui amène à la réflexion ; des sons, voix, musiques qui entourent et appuient chaque moment ; et enfin du mouvement et de la danse pour incarner les émotions, passer à travers les différentes sensations de ce voyage impossible. Une exploration sensorielle et spirituelle qui fait du bien à voir et à sentir.
Le Mont Analogue
Inspiré du roman de René Daumal. Un spectacle de Wynn Holmes, Clara Prévost, Hubert Tanguay-Labrosse. À l’Espace Go, jusqu’au 10 mars.