Il est interdit de se faire justice face à un dindon sauvage
Un dindon mâle jugé agressif a été tué la semaine dernière à Louiseville par un résident
Le maire de Louiseville, Yvon Deshaies, a salué la semaine dernière l’abattage d’un dindon sauvage qui aurait effrayé des citoyens dans un secteur résidentiel de sa municipalité. Or, il est interdit au Québec de tuer un animal sauvage dans de telles circonstances.
La vidéo d’un citoyen qui semble se faire charger par un dindon sauvage est devenue rapidement virale la semaine dernière, au point où le maire de Louiseville avait réclamé la tête de l’animal, disant craindre pour la sécurité des résidents. L’oiseau a été abattu le lendemain par une personne qui aurait utilisé une fronde. « Il n’a pas souffert », selon M. Deshaies.
Dans le contexte où les dindons sauvages sont de plus en plus présents dans le sud de la province, plusieurs se sont demandé si ce geste était légal. En résumé : probablement pas.
Concrètement, il est interdit au Québec de tuer, de capturer ou de relocaliser les animaux sauvages puisqu’ils sont protégés en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune.
L’article 67 précise aussi qu’« une personne ou celle qui lui prête mainforte ne peut tuer ou capturer un animal qui l’attaque ou qui cause du dommage à ses biens ou à ceux dont elle a la garde ou est chargée de l’entretien lorsqu’elle peut effaroucher cet animal ou l’empêcher de causer des dégâts ».
Cela signifie, par exemple, que si un dindon, une marmotte ou un cerf de Virginie vient se nourrir des plantes ou des arbustes présents sur votre terrain, ou alors dans votre jardin, il est interdit d’abattre cet animal ou de le capturer pour le déplacer.
Si une personne abat un animal dans les mêmes circonstances que le dindon de Louiseville, elle est passible d’une amende pouvant atteindre plusieurs milliers de dollars. Le ministère de l’Environnement du Québec n’a toutefois pas statué sur le cas médiatisé de la semaine dernière. « La protection de la faune du Québec a ouvert une enquête concernant le dossier des dindons sauvages de Louiseville. Aucune information supplémentaire ne sera transmise au public afin de ne pas interférer dans le processus d’enquête », précise cependant le ministère, par courriel.
Selon les informations diffusées sur la page du ministère consacrée à l’espèce, « les dindons sont habituellement effrayés par la lumière et les sons soudains. Comme pour les autres oiseaux, la meilleure option est de les effrayer avant qu’ils ne prennent l’habitude de fréquenter un terrain privé ». Et comme ces oiseaux « se déplacent plus souvent en marchant qu’en volant, l’installation de clôtures autour des habitations est une mesure efficace ».
On ajoute que « l’abattage ou la relocalisation des dindons ne sont pas des solutions adéquates pour réduire les inconvénients causés par certains individus ».
Chasse fructueuse
S’il est interdit de tuer un dindon qui peut nous sembler menaçant, la chasse sportive au Québec est de plus en plus pratiquée et fructueuse, au fur et à mesure que la population de dindons sauvages s’accroît dans la province.
Selon les plus récentes statistiques gouvernementales officielles, 9359 dindons ont été tués au printemps 2023 et 352 lors de la période de chasse automnale. La majorité des oiseaux ont été abattus au fusil, mais certains chasseurs optent plutôt pour l’arc ou l’arbalète. La saison de chasse printanière 2023 a attiré « un nombre record d’adeptes », avec 22 653 permis vendus, précise le ministère de l’Environnement du Québec.
Selon les indicateurs retenus par le ministère pour suivre l’état des populations dans les zones de chasse, notamment les observations des chasseurs et le succès de chasse, « les populations de dindons sauvages se portent bien dans les régions où elles se sont établies ».
Dans le passé, l’espèce a été chassée de manière très intensive, si bien qu’elle avait pratiquement disparu des États-Unis et qu’elle avait été éliminée du territoire québécois. Les efforts de réintroduction, combinés à la présence d’habitats propices, ont permis à cet oiseau pouvant atteindre près de 10 kg de regagner du terrain. Au Québec, il vit surtout dans le sud de la province, dans les régions de la Montérégie, de l’Estrie, du Centre du Québec, de l’Outaouais et de Chaudière Appalaches, mais sa répartition s’étend graduellement vers le nord et l’est.