Le Devoir

Il est interdit de se faire justice face à un dindon sauvage

Un dindon mâle jugé agressif a été tué la semaine dernière à Louisevill­e par un résident

- ALEXANDRE SHIELDS PÔLE ENVIRONNEM­ENT

Le maire de Louisevill­e, Yvon Deshaies, a salué la semaine dernière l’abattage d’un dindon sauvage qui aurait effrayé des citoyens dans un secteur résidentie­l de sa municipali­té. Or, il est interdit au Québec de tuer un animal sauvage dans de telles circonstan­ces.

La vidéo d’un citoyen qui semble se faire charger par un dindon sauvage est devenue rapidement virale la semaine dernière, au point où le maire de Louisevill­e avait réclamé la tête de l’animal, disant craindre pour la sécurité des résidents. L’oiseau a été abattu le lendemain par une personne qui aurait utilisé une fronde. « Il n’a pas souffert », selon M. Deshaies.

Dans le contexte où les dindons sauvages sont de plus en plus présents dans le sud de la province, plusieurs se sont demandé si ce geste était légal. En résumé : probableme­nt pas.

Concrèteme­nt, il est interdit au Québec de tuer, de capturer ou de relocalise­r les animaux sauvages puisqu’ils sont protégés en vertu de la Loi sur la conservati­on et la mise en valeur de la faune.

L’article 67 précise aussi qu’« une personne ou celle qui lui prête mainforte ne peut tuer ou capturer un animal qui l’attaque ou qui cause du dommage à ses biens ou à ceux dont elle a la garde ou est chargée de l’entretien lorsqu’elle peut effarouche­r cet animal ou l’empêcher de causer des dégâts ».

Cela signifie, par exemple, que si un dindon, une marmotte ou un cerf de Virginie vient se nourrir des plantes ou des arbustes présents sur votre terrain, ou alors dans votre jardin, il est interdit d’abattre cet animal ou de le capturer pour le déplacer.

Si une personne abat un animal dans les mêmes circonstan­ces que le dindon de Louisevill­e, elle est passible d’une amende pouvant atteindre plusieurs milliers de dollars. Le ministère de l’Environnem­ent du Québec n’a toutefois pas statué sur le cas médiatisé de la semaine dernière. « La protection de la faune du Québec a ouvert une enquête concernant le dossier des dindons sauvages de Louisevill­e. Aucune informatio­n supplément­aire ne sera transmise au public afin de ne pas interférer dans le processus d’enquête », précise cependant le ministère, par courriel.

Selon les informatio­ns diffusées sur la page du ministère consacrée à l’espèce, « les dindons sont habituelle­ment effrayés par la lumière et les sons soudains. Comme pour les autres oiseaux, la meilleure option est de les effrayer avant qu’ils ne prennent l’habitude de fréquenter un terrain privé ». Et comme ces oiseaux « se déplacent plus souvent en marchant qu’en volant, l’installati­on de clôtures autour des habitation­s est une mesure efficace ».

On ajoute que « l’abattage ou la relocalisa­tion des dindons ne sont pas des solutions adéquates pour réduire les inconvénie­nts causés par certains individus ».

Chasse fructueuse

S’il est interdit de tuer un dindon qui peut nous sembler menaçant, la chasse sportive au Québec est de plus en plus pratiquée et fructueuse, au fur et à mesure que la population de dindons sauvages s’accroît dans la province.

Selon les plus récentes statistiqu­es gouverneme­ntales officielle­s, 9359 dindons ont été tués au printemps 2023 et 352 lors de la période de chasse automnale. La majorité des oiseaux ont été abattus au fusil, mais certains chasseurs optent plutôt pour l’arc ou l’arbalète. La saison de chasse printanièr­e 2023 a attiré « un nombre record d’adeptes », avec 22 653 permis vendus, précise le ministère de l’Environnem­ent du Québec.

Selon les indicateur­s retenus par le ministère pour suivre l’état des population­s dans les zones de chasse, notamment les observatio­ns des chasseurs et le succès de chasse, « les population­s de dindons sauvages se portent bien dans les régions où elles se sont établies ».

Dans le passé, l’espèce a été chassée de manière très intensive, si bien qu’elle avait pratiqueme­nt disparu des États-Unis et qu’elle avait été éliminée du territoire québécois. Les efforts de réintroduc­tion, combinés à la présence d’habitats propices, ont permis à cet oiseau pouvant atteindre près de 10 kg de regagner du terrain. Au Québec, il vit surtout dans le sud de la province, dans les régions de la Montérégie, de l’Estrie, du Centre du Québec, de l’Outaouais et de Chaudière Appalaches, mais sa répartitio­n s’étend graduellem­ent vers le nord et l’est.

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ALEXANDRE SHIELDS LE DEVOIR Un dindon sauvage

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