Le Devoir

Macron « assume » le fait de bousculer les alliés de Kiev

Le président français a dit « assumer » ses propos controvers­és sur la possibilit­é d’envoyer des troupes occidental­es sur le champ de bataille

- FRANCESCO FONTEMAGGI, JAN FLEMR À PRAGUE

Emmanuel Macron a jugé mardi à Prague « nécessaire » de bousculer les alliés de l’Ukraine, qu’il a exhortés à « ne pas être lâches » face à une Russie « inarrêtabl­e », assurant « assumer » ses propos controvers­és sur la possibilit­é d’envoyer des troupes occidental­es dans ce pays en guerre.

« Si chaque jour nous expliquons quelles sont nos limites » face au président russe, Vladimir Poutine, qui lui « n’en a aucune », « je peux déjà vous dire que l’esprit de défaite est là qui rôde », a prévenu le chef de l’État français en République tchèque.

« J’assume pleinement » le « sursaut stratégiqu­e auquel j’ai appelé », a-t-il martelé lors d’une conférence de * presse, estimant que l’Europe « avait besoin » de « la clarté » de ses propos.

Quitte à bousculer ses alliés ? « Je pense que c’est nécessaire », car « si on est passifs », « le risque qu’on court, c’est de subir », a-t-il ensuite dit à quelques journalist­es en fin de visite, appelant à « reprendre de l’initiative ».

Le président tchèque, Petr Pavel, lui a apporté son soutien, se disant « favorable à la recherche de nouvelles options, y compris un débat sur une présence potentiell­e en Ukraine », sans toutefois franchir la « ligne rouge » du déploiemen­t de « troupes combattant­es ».

Un satisfecit qui tranche avec le trouble semé par Emmanuel Macron lorsque le 26 février, à l’issue d’une conférence internatio­nale à Paris, il a évoqué une « ambiguïté stratégiqu­e » pour que Moscou sache que tout sera fait pour l’empêcher de « gagner cette guerre ».

Il avait alors expliqué que l’envoi en

Ukraine de militaires occidentau­x ne pouvait pas « être exclu » à l’avenir, même s’il avait reconnu qu’il n’existait pas de « consensus » à l’heure actuelle.

Des États-Unis à l’Allemagne, la grande majorité des autres alliés s’étaient succédé pour se démarquer de ces propos et assurer qu’il n’était pas question d’envoyer des soldats sur le sol ukrainien, offrant une image de division du camp occidental.

Initiative tchèque

Vladimir Poutine a mis en garde contre une « menace réelle » de guerre nucléaire en cas d’escalade.

« Nous ne voulons pas d’escalade », a répondu à distance depuis Prague le président français.

Mais il a aussi mis en garde face au risque de cécité devant « les drames qui viennent ». « Il nous faudra être à la hauteur de l’Histoire et du courage qu’elle implique », a-t-il prévenu, estimant que l’Europe entrait dans un moment « où il conviendra de ne pas être lâches ».

L’avertissem­ent n’a pas été apprécié par l’Allemagne, après déjà une série de tensions récentes sur le dossier ukrainien. « Nous n’avons pas besoin […] de discussion­s sur le fait d’avoir plus ou moins de courage », a déclaré le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius. « Cela n’aide pas vraiment à résoudre les problèmes » de l’Ukraine.

Emmanuel Macron a assuré que Berlin n’était pas visé particuliè­rement. « Ça vise tout le monde », a-t-il dit.

Le dirigeant français, qui doit se rendre en Ukraine d’ici la mi-mars, semble de plus en plus vouloir imposer son leadership dans le soutien à Kiev et le bras de fer avec la Russie.

Il y a une semaine, à Paris, il avait esquissé plusieurs pistes pour renforcer l’appui militaire fourni à l’armée ukrainienn­e, qui essuie des revers sur le front.

Les ministres français des Affaires étrangères et de la Défense réuniront leurs homologues des autres pays alliés jeudi par vidéoconfé­rence pour détailler ces solutions.

Parmi elles figure une initiative tchèque visant à acheter des munitions hors Union européenne, en raison de la pénurie actuelle qui complique la vie des soldats ukrainiens sur le champ de bataille, pour ensuite les leur livrer.

Dès la mi-février, Petr Pavel avait évoqué quelque 800 000 munitions qui pourraient être envoyées en Ukraine « en quelques semaines » si les financemen­ts nécessaire­s (1,5 milliard de dollars, selon le Financial Times) étaient rassemblés.

Longtemps réservé, Emmanuel Macron a annoncé la semaine dernière que la France participer­ait à cette initiative. Mais il n’a pas encore chiffré sa contributi­on mardi, douchant les espoirs des autorités tchèques.

Le président a aussi signé avec le premier ministre tchèque, Petr Fiala, un plan d’action 2024-2028 pour le partenaria­t stratégiqu­e bilatéral.

Sur le plan économique, il a par ailleurs poussé la candidatur­e du groupe français EDF pour le futur programme nucléaire tchèque, vantant une « offre 100 % européenne » qui pourrait créer les bases d’« un Airbus du nucléaire ».

 ?? EFREM LUKATSKY AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Un officier ukrainien de la 56e Brigade d’infanterie motorisée de Marioupol a tiré mardi avec un lance-roquettes multiple installé sur une camionnett­e vers des positions russes sur la ligne de front près de Bakhmout, dans la région de Donetsk, en Ukraine.
EFREM LUKATSKY AGENCE FRANCE-PRESSE Un officier ukrainien de la 56e Brigade d’infanterie motorisée de Marioupol a tiré mardi avec un lance-roquettes multiple installé sur une camionnett­e vers des positions russes sur la ligne de front près de Bakhmout, dans la région de Donetsk, en Ukraine.

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