Le Devoir

L’UE propose de muscler son industrie de défense

Afin de moins dépendre des États-Unis, l’Union européenne propose que « 50 % des équipement­s » militaires des pays membres soient produits en Europe d’ici 2030

- OLIVIER BAUBE À BRUXELLES AGENCE FRANCE-PRESSE

La Commission européenne a proposé mardi de renforcer drastiquem­ent l’industrie de défense de l’UE face à la menace russe afin, aussi, de rendre les Européens moins dépendants des ÉtatsUnis dans la production d’armements.

Après deux ans de guerre en Ukraine et des décennies de réductions budgétaire­s dans la défense, les Européens doivent désormais « passer à la vitesse supérieure », a affirmé mardi devant la presse le commissair­e européen Thierry Breton, responsabl­e des industries de défense à Bruxelles.

La Commission souhaite ainsi que d’ici 2030, « 50 % des équipement­s » militaires commandés par les États membres soient fournis par l’industrie européenne, a dit la vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager.

Aujourd’hui, 68 % des achats d’armement réalisés dans l’UE au profit de l’Ukraine se font auprès de fabricants américains, a précisé de son côté M. Breton.

« Nous devons prendre davantage de responsabi­lités pour notre propre sécurité, tout en restant, bien entendu, totalement engagés dans l’OTAN », a soutenu Mme Vestager.

Deux ans après l’invasion russe de l’Ukraine, les Européens éprouvent les plus grandes difficulté­s à livrer les armes que Kiev ne cesse de réclamer pour affronter les forces russes.

Ils avaient promis de fournir un million d’obus d’ici à la fin mars, mais n’en seront pas capables. Un peu plus de la moitié devrait être livrée à l’échéance fixée.

Deux millions l’an prochain

L’Union européenne pourra en fabriquer deux millions l’an prochain, a toutefois assuré mardi M. Breton. Cette augmentati­on de capacité doit maintenant être reproduite pour d’autres types d’armement, selon lui. « L’objectif, c’est de produire mieux, de produire plus vite et de produire européen », a résumé l’ancien ministre français.

La nouvelle stratégie de défense européenne, présentée mardi, sera dotée d’un budget initial de 1,5 milliard d’euros.

« Ce n’est pas beaucoup d’argent, a reconnu Mme Vestager. Mais cette somme servira d’incitation, de bonus pour les États membres chaque fois qu’ils voudront mettre leurs ressources en commun pour acquérir ou développer la production d’armes en Europe. Le véritable financemen­t viendra des États membres », a-t-elle ajouté.

Les pays de l’UE ont dépensé 58 milliards d’euros l’an dernier pour acquérir des armes, a indiqué de son côté le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. Le budget de l’UE ne va pas « remplacer » les budgets nationaux pour atteindre cette somme, a-t-il souligné.

« Mécanisme européen »

Le but est de rattraper le retard et de rendre l’industrie européenne aussi concurrent­ielle que sa rivale américaine. Bruxelles propose donc aux 27 un « mécanisme européen » de ventes d’armes proche du modèle américain.

Les États-Unis disposent d’une réserve stratégiqu­e d’armements leur permettant de répondre à une demande urgente. Ils fabriquent un peu plus que ce que le contrat d’armement prévoit afin de constituer ce stock mobilisabl­e très rapidement si nécessaire et sans appel d’offres.

L’idée est qu’à terme, les Européens fassent la même chose en se regroupant à cinq ou six pour constituer une réserve dans un équipement spécifique, afin de rendre les industriel­s européens aussi réactifs que leurs rivaux américains.

Ensuite, il faut donner de la visibilité aux industriel­s européens en favorisant des commandes fermes sur le long terme, a expliqué un responsabl­e européen.

L’idée serait de reproduire ce qui a été fait pendant la pandémie de COVID-19 avec les vaccins ; c’est-àdire un contrat-cadre, par lequel la Commission avance l’argent, permettant aux pays européens de relancer leur industrie afin de répondre à ce contrat, selon ce même responsabl­e.

Le succès de cette initiative « dépendra maintenant énormément de la réaction des États membres », a souligné mardi Jan Pie, secrétaire général de l’Associatio­n des industries de sécurité et de défense en Europe. « La rapidité et les ressources financière­s seront cruciales pour sa mise en oeuvre », a-t-il poursuivi.

Thierry Breton avait évoqué le chiffre de 100 milliards d’euros pour atteindre les objectifs fixés, tout en reconnaiss­ant mardi qu’il faudra encore « travailler » pour convaincre les Européens à dépenser une telle somme.

En attendant, la Commission suggère d’utiliser les revenus générés par les avoirs russes gelés en Europe pour augmenter ce budget initial de 1,5 milliard d’euros. Quelque 200 milliards d’euros d’avoirs russes de la Banque centrale de Russie ont été gelés en Europe.

Nous devons prendre davantage de responsabi­lités pour notre propre sécurité, tout en restant, bien entendu, totalement engagés » dans l’OTAN MARGRETHE VESTAGER

Newspapers in French

Newspapers from Canada