Québec veut que soit criminalisé le contrôle coercitif
Deux ministres en font la demande au ministre fédéral de la Justice
Le gouvernement du Québec presse Ottawa de criminaliser le contrôle coercitif afin de mieux protéger les femmes victimes de violence conjugale. C’est votre « devoir », ajoute-t-il même dans une lettre envoyée jeudi au ministre fédéral de la Justice, dont Le Devoir a obtenu copie.
La missive, transmise à Arif Virani à la veille de la Journée internationale des droits des femmes, est signée par son homologue québécois, Simon Jolin-Barrette, et la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron.
Ils y expliquent que le Québec a entrepris un « changement de culture majeur » en faveur des femmes, notamment avec la création des tribunaux spécialisés en matière de violence sexuelle et de violence conjugale — une première dans le monde, disent-ils — et avec la formation de ceux qui interviennent dans le système judiciaire sur ce que ces femmes subissent au quotidien ainsi que les différentes manifestations de la violence, qui est loin d’être limitée aux coups.
Le « contrôle coercitif » désigne ainsi tout ce qui est utilisé pour violenter, humilier et manipuler une personne. C’est une prise de contrôle « insidieuse et progressive » qui n’a pas nécessairement besoin de violence physique pour s’exercer et qui a pour but de maintenir une domination sur la victime, résume sur son site Web le Regroupement des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Parfois, l’auteur de cette forme de « terrorisme intime » l’exerce en contrôlant les finances, en menaçant la victime de lui enlever les enfants, en surveillant ses allées et venues, ou encore en exigeant qu’elle signale où elle se trouve à heures fixes en envoyant des textos et parfois même des photos pour le prouver.
Les deux ministres estiment primordial que toutes ces facettes de la violence se reflètent également « dans les lois qui nous gouvernent ».
« Or, force est de constater que le Code criminel ne tient pas compte de certaines manifestations de la violence conjugale, puisqu’aucune infraction n’englobe le contrôle coercitif dans son intégralité », M. Jolin-Barrette et Mme Biron.
Pour l’instant, les policiers et les procureurs de la Couronne doivent rattacher la violence conjugale — qui n’est pas une infraction criminelle indépendante — à des gestes illégaux qui sont prohibés dans le Code criminel, comme les menaces de mort, le harcèlement ou encore les voies de fait, si des coups ont été portés.
Ces crimes sont loin d’englober tous les comportements violents et n’offrent pas une vue d’ensemble de ce qui est vécu par une victime, parfois durant des années, soutiennent de nombreuses organisations qui oeuvrent auprès des victimes.