Le Devoir

Québec veut que soit criminalis­é le contrôle coercitif

Deux ministres en font la demande au ministre fédéral de la Justice

- STÉPHANIE MARIN LE DEVOIR

Le gouverneme­nt du Québec presse Ottawa de criminalis­er le contrôle coercitif afin de mieux protéger les femmes victimes de violence conjugale. C’est votre « devoir », ajoute-t-il même dans une lettre envoyée jeudi au ministre fédéral de la Justice, dont Le Devoir a obtenu copie.

La missive, transmise à Arif Virani à la veille de la Journée internatio­nale des droits des femmes, est signée par son homologue québécois, Simon Jolin-Barrette, et la ministre responsabl­e de la Condition féminine, Martine Biron.

Ils y expliquent que le Québec a entrepris un « changement de culture majeur » en faveur des femmes, notamment avec la création des tribunaux spécialisé­s en matière de violence sexuelle et de violence conjugale — une première dans le monde, disent-ils — et avec la formation de ceux qui intervienn­ent dans le système judiciaire sur ce que ces femmes subissent au quotidien ainsi que les différente­s manifestat­ions de la violence, qui est loin d’être limitée aux coups.

Le « contrôle coercitif » désigne ainsi tout ce qui est utilisé pour violenter, humilier et manipuler une personne. C’est une prise de contrôle « insidieuse et progressiv­e » qui n’a pas nécessaire­ment besoin de violence physique pour s’exercer et qui a pour but de maintenir une domination sur la victime, résume sur son site Web le Regroupeme­nt des maisons d’hébergemen­t pour femmes victimes de violence conjugale. Parfois, l’auteur de cette forme de « terrorisme intime » l’exerce en contrôlant les finances, en menaçant la victime de lui enlever les enfants, en surveillan­t ses allées et venues, ou encore en exigeant qu’elle signale où elle se trouve à heures fixes en envoyant des textos et parfois même des photos pour le prouver.

Les deux ministres estiment primordial que toutes ces facettes de la violence se reflètent également « dans les lois qui nous gouvernent ».

« Or, force est de constater que le Code criminel ne tient pas compte de certaines manifestat­ions de la violence conjugale, puisqu’aucune infraction n’englobe le contrôle coercitif dans son intégralit­é », M. Jolin-Barrette et Mme Biron.

Pour l’instant, les policiers et les procureurs de la Couronne doivent rattacher la violence conjugale — qui n’est pas une infraction criminelle indépendan­te — à des gestes illégaux qui sont prohibés dans le Code criminel, comme les menaces de mort, le harcèlemen­t ou encore les voies de fait, si des coups ont été portés.

Ces crimes sont loin d’englober tous les comporteme­nts violents et n’offrent pas une vue d’ensemble de ce qui est vécu par une victime, parfois durant des années, soutiennen­t de nombreuses organisati­ons qui oeuvrent auprès des victimes.

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