Des « fissures » au sein de l’OTAN sont inévitables
Le Canada devrait investir davantage en défense, selon des experts
Conflit Israël-Gaza, guerre en Ukraine, menace d’invasion chinoise à Taïwan : malgré un contexte mondial de plus en plus tendu, il est inévitable que des « fissures » dans l’unité des membres de l’OTAN commencent à apparaître, croit Kerry Buck, ancienne ambassadrice du Canada auprès de cette organisation.
Cette dernière prenait la parole lors d’un panel de la Conférence d’Ottawa sur la sécurité et la défense se tenant jeudi. La diplomate d’expérience nomme notamment les désaccords entre les alliés, les élections présidentielles aux États-Unis et les écarts de dépenses entre les pays comme les plus grandes menaces auxquelles fait face l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
En 2024, 18 pays membres sur 32 atteindront le taux de 2 % du produit intérieur brut (PIB) en dépenses militaires demandé par l’Alliance atlantique. L’OTAN n’a pas encore divulgué la liste des pays qui atteindront cet objectif, mais l’Allemagne a déjà indiqué qu’elle serait du lot. Et la France y sera l’année prochaine.
À l’inverse, certains alliés ont encore « un long chemin à parcourir », a indiqué le mois dernier le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Le Canada n’a ainsi dépensé que 1,38 % de son PIB en défense en 2023, bien moins que de nombreux autres pays.
En 2014, les dirigeants des pays de l’OTAN ont convenu que chaque membre devrait consacrer 2 % de son PIB en défense afin, entre autres, d’assurer une disponibilité opérationnelle à l’échelle de l’alliance. Aux yeux de l’OTAN, le respect de cet objectif est d’ailleurs un indicateur important de « la volonté politique » des pays à contribuer à l’effort collectif.
Aussi présent lors de la Conférence d’Ottawa, le ministre de la Défense nationale du Canada, Bill Blair, n’a pas voulu s’avancer sur la méthode qu’adoptera le Canada pour atteindre ces cibles. « Notre gouvernement s’est déjà engagé à atteindre 2 %, mais cela va nécessiter une augmentation importante des dépenses. Et franchement, je pense que nous sommes un peu limités dans notre capacité à prendre ces engagements financiers compte tenu de la situation fiscale actuelle » a expliqué le ministre Blair, qui a toutefois avoué que le Canada devait en faire plus.
Tous les experts présents à la discussion ont aussi jugé qu’il était primordial pour le Canada d’investir davantage en défense à l’heure actuelle.
« En plus de nous assurer que notre base de défense est solide, nous devons réfléchir dès maintenant à nos forces individuelles pouvant contribuer à l’effort global. Identifions nos forces, et là où nous pouvons combler nos lacunes », a indiqué Heidi Hulan, sous-ministre adjointe de la Sécurité internationale chez Affaires mondiales Canada.
Des divisions « réelles »
Sans nommer Donald Trump, l’ancienne ambassadrice Kerry Buck a aussi souligné que le degré d’engagement des États-Unis envers l’OTAN « pourrait ne pas être aussi prévisible » qu’il l’a été depuis ses débuts.
Le mois dernier, le candidat républicain à la présidence américaine a affirmé qu’il ne garantirait plus la protection des pays membres de l’OTAN face à la Russie si ceux-ci ne payaient pas leur part — et qu’il « encouragerait » même Moscou à s’en prendre à eux. Cette déclaration avait créé une onde de choc en Europe. M. Trump a souvent reproché aux alliés de l’OTAN de ne pas respecter leurs engagements en matière de dépenses militaires. Les États-Unis restent d’ailleurs de loin le premier contributeur aux dépenses militaires cumulées de l’alliance.
« La préservation de l’alliance transatlantique est souvent considérée comme une question de qui remportera les prochaines élections aux États-Unis, mais ce n’est pas seulement cela », a nuancé la sous-ministre adjointe Hulan. « Il s’agit aussi de divisions réelles qui ont malheureusement émergé sur les enjeux majeurs du moment et de notre détermination à les résoudre de manière coopérative ou non. »
Au cours de la dernière année, des tensions croissantes ont notamment émergé au sein de l’OTAN quant au niveau de soutien à accorder à l’Ukraine.