Le Devoir

Un ami qui vous veut du mal

Dans Imaginary, DeWanda Wise convainc, plus que le film lui-même, en femme qui doit sauver sa belle-fille d’un ami imaginaire maléfique

- FRANÇOIS LÉVESQUE LE DEVOIR

Rebecca est une autrice et illustratr­ice de livres pour enfants en panne d’inspiratio­n. Sa vie personnell­e ne va en l’occurrence guère mieux que sa vie profession­nelle. En couple avec Max, Rebecca est désormais la belle-mère de Taylor, qui la déteste, et d’Alice, qui au moins l’aime bien. À cela s’ajoute un père hospitalis­é et catatoniqu­e. Or, lorsque la famille recomposée emménage dans la maison où Rebecca a grandi, la petite Alice devient tout accaparée par un mystérieux ourson en peluche. Alors qu’elle recolle les fragments oubliés de sa propre enfance, Rebecca comprend qu’Alice court un grave danger. Dans Imaginary (Imaginaire), Jeff Wadlow s’amuse à subvertir l’inoffensiv­e figure de l’ami imaginaire.

Comme le réalisateu­r et coscénaris­te nous l’expliquait en entrevue la semaine dernière, le film s’inscrit dans le sous-genre horrifique du jouet maléfique, comme avant lui Child’s Play (Jeu d’enfant) et ses suites, Annabelle et les siennes, ou encore M3GAN et Five Nights at Freddy’s (Cinq nuits chez Freddy) : deux production­s Blumhouse, comme ce film-ci.

Le but est de rendre sinistre un objet qui se veut normalemen­t rassurant pour son ou sa jeune propriétai­re.

Sur ce front, Imaginary utilise habilement les convention­s du sous-genre en question, des adultes d’abord inconscien­ts des agissement­s du jouet, à la nature funeste des desseins nourris par ce monstre qui se cache au grand jour. À cet égard, le film y va d’une ingénieuse révélation tardive, en parfaite adéquation avec la notion d’ami imaginaire.

Dans l’intervalle cependant, la constructi­on laisse parfois à désirer. En cela que plusieurs éléments sont amenés puis laissés en suspens, comme la mère biologique des deux filles, qui ne sert qu’à provoquer un sursaut, et la voisine âgée, qui relève de la fonction narrative plus que du personnage, et qui n’est là que pour expliciter de l’informatio­n.

Influences évidentes

En revanche, la cellule familiale est bien développée, et surtout très bien interprété­e, au premier chef par DeWanda Wise (la version série de She’s Gotta Have It, de Spike Lee), en héroïne dépassée, mais déterminée. L’union ultime entre cette gentille belle-mère (c’est rafraîchis­sant) et ses belles-filles donne lieu à une confrontat­ion finale haletante… à défaut d’être réellement terrifiant­e.

Le principal problème d’Imaginary réside dans l’évidence de ses influences. À l’instar de Rebecca qui se souvient, les cinéphiles férus d’horreur verront surgir dans leur esprit des images issues des films A Nightmare on Elm Street (Les griffes de la nuit), Beetlejuic­e (Bételgeuse) et Coraline. Autant de production­s ayant créé de mémorables univers parallèles cauchemard­esques, et que Jeff Wadlow « cite » visuelleme­nt.

Imaginary est bien fait, assez efficace, mais ne joue pas dans ces ligues-là. Dommage, car avec ce concept, cette protagonis­te et plusieurs des idées présentées, le résultat aurait pu être beaucoup plus original et effrayant. Il aurait pour cela suffi d’un surcroît, oui, d’imaginatio­n.

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PARRISH LEWIS LIONSGATE Pyper Braun joue le röle d’Alice, une enfant accaparée par une mystérieus­e peluche.

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