Un ami qui vous veut du mal
Dans Imaginary, DeWanda Wise convainc, plus que le film lui-même, en femme qui doit sauver sa belle-fille d’un ami imaginaire maléfique
Rebecca est une autrice et illustratrice de livres pour enfants en panne d’inspiration. Sa vie personnelle ne va en l’occurrence guère mieux que sa vie professionnelle. En couple avec Max, Rebecca est désormais la belle-mère de Taylor, qui la déteste, et d’Alice, qui au moins l’aime bien. À cela s’ajoute un père hospitalisé et catatonique. Or, lorsque la famille recomposée emménage dans la maison où Rebecca a grandi, la petite Alice devient tout accaparée par un mystérieux ourson en peluche. Alors qu’elle recolle les fragments oubliés de sa propre enfance, Rebecca comprend qu’Alice court un grave danger. Dans Imaginary (Imaginaire), Jeff Wadlow s’amuse à subvertir l’inoffensive figure de l’ami imaginaire.
Comme le réalisateur et coscénariste nous l’expliquait en entrevue la semaine dernière, le film s’inscrit dans le sous-genre horrifique du jouet maléfique, comme avant lui Child’s Play (Jeu d’enfant) et ses suites, Annabelle et les siennes, ou encore M3GAN et Five Nights at Freddy’s (Cinq nuits chez Freddy) : deux productions Blumhouse, comme ce film-ci.
Le but est de rendre sinistre un objet qui se veut normalement rassurant pour son ou sa jeune propriétaire.
Sur ce front, Imaginary utilise habilement les conventions du sous-genre en question, des adultes d’abord inconscients des agissements du jouet, à la nature funeste des desseins nourris par ce monstre qui se cache au grand jour. À cet égard, le film y va d’une ingénieuse révélation tardive, en parfaite adéquation avec la notion d’ami imaginaire.
Dans l’intervalle cependant, la construction laisse parfois à désirer. En cela que plusieurs éléments sont amenés puis laissés en suspens, comme la mère biologique des deux filles, qui ne sert qu’à provoquer un sursaut, et la voisine âgée, qui relève de la fonction narrative plus que du personnage, et qui n’est là que pour expliciter de l’information.
Influences évidentes
En revanche, la cellule familiale est bien développée, et surtout très bien interprétée, au premier chef par DeWanda Wise (la version série de She’s Gotta Have It, de Spike Lee), en héroïne dépassée, mais déterminée. L’union ultime entre cette gentille belle-mère (c’est rafraîchissant) et ses belles-filles donne lieu à une confrontation finale haletante… à défaut d’être réellement terrifiante.
Le principal problème d’Imaginary réside dans l’évidence de ses influences. À l’instar de Rebecca qui se souvient, les cinéphiles férus d’horreur verront surgir dans leur esprit des images issues des films A Nightmare on Elm Street (Les griffes de la nuit), Beetlejuice (Bételgeuse) et Coraline. Autant de productions ayant créé de mémorables univers parallèles cauchemardesques, et que Jeff Wadlow « cite » visuellement.
Imaginary est bien fait, assez efficace, mais ne joue pas dans ces ligues-là. Dommage, car avec ce concept, cette protagoniste et plusieurs des idées présentées, le résultat aurait pu être beaucoup plus original et effrayant. Il aurait pour cela suffi d’un surcroît, oui, d’imagination.