Les experts sonnent l’alarme devant la menace russe dans l’Arctique canadien
Avec l’adhésion de la Suède, toutes les nations du Conseil de l’Arctique, sauf la Russie, sont membres de l’OTAN
« Lorsqu’on regarde une carte, l’Arctique, et spécialement la région de l’Alaska, c’est la façon la plus rapide pour nos adversaires de nous atteindre », a prévenu Blaise Frawley, commandant adjoint du NORAD, lors de la Conférence annuelle d’Ottawa sur la sécurité et la défense, vendredi.
Au cours de cet événement de deux jours, plusieurs experts ont tiré la sonnette d’alarme sur la sécurité de l’Arctique dans un contexte géopolitique de plus en plus tendu avec Moscou. Sur le plan militaire, la zone arctique relève d’une grande importance stratégique, la Russie partageant la région avec les États-Unis, le Canada et les Européens du Nord.
Le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné d’importantes conséquences pour la sécurité et la défense dans l’Arctique, ont souligné des experts. En décembre, la Russie y a accéléré son développement, notamment pour contrebalancer les effets des sanctions occidentales.
Vladimir Poutine avait déjà, avant ce conflit, fait une « priorité stratégique » de l’exploitation des ressources de l’Arctique et de la voie maritime du Nord.
Participant à un panel sur la sécurité de la région, le commandant Frawley a confié que le développement par la Russie dans la région et ses capacités de bombardement à longue portée utilisées en Ukraine le « gardent éveillé la nuit ».
Tensions géopolitiques et changement climatique
Et avec la récente adhésion de la Suède à l’OTAN, toutes les nations du Conseil de l’Arctique, sauf la Russie, sont membres de l’Alliance. « On ne peut imaginer un instant que cela n’influence pas la réflexion de la Russie sur l’Arctique », a-t-il noté.
Le commandant Frawley indique que la Russie possède 40 brise-glace à propulsion nucléaire, navires conçus pour frayer les voies maritimes dans les eaux gelées. Moscou doit continuer à en mettre au point une dizaine au cours de la prochaine décennie.
Ensemble, le Canada et les ÉtatsUnis en possèdent cinq.
« Nous envisageons d’en construire cinq de plus collectivement. Donc, nous aurions 10 brise-glace, contre 50 de leur côté. C’est une autre de nos grandes préoccupations », a reconnu M. Frawley.
Ces tensions géopolitiques, en plus des changements climatiques, qui créent de nouvelles voies navigables dans la région, doivent être prises au sérieux par Ottawa, soutient le commandant.
L’été dernier, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, avait reconnu que l’Arctique « devient stratégiquement de plus en plus important » à mesure que la glace fond. « Chacun de ces pays du Nord a un intérêt très clair à assurer la sécurité et la souveraineté de son territoire », avait-il expliqué lors du sommet des pays nordiques.
Des lacunes déjà connues
Ce n’est pas la première fois que les experts en défense sonnent l’alarme. Un rapport du vérificateur général du Canada en 2022 révélait que le gouvernement fédéral n’avait pas réussi à combler des lacunes de longue date qui nuisent à sa surveillance des eaux arctiques canadiennes.
L’an dernier, un comité du Sénat soulignait lui aussi « l’urgence » pour le gouvernement fédéral du Canada d’investir dans ses capacités en matière de sécurité et de défense dans la région.
Au terme de la première journée de la conférence d’Ottawa, jeudi, l’ancienne ambassadrice du Canada à l’OTAN Kerry Buck a estimé que des « fissures » dans l’unité des membres de l’OTAN étaient inévitables malgré un contexte mondial de plus en plus tendu. D’autres experts ont noté que les tentatives d’ingérence russe avaient déjà des répercussions bien réelles sur les citoyens canadiens.