L’heure du changement est-elle venue pour le changement d’heure ?
Nous passerons dans la nuit de samedi à dimanche à l’heure d’été, renonçant du même coup à une heure de sommeil matinal en échange d’un ensoleillement plus tardif en soirée. Ce décalage, pratiqué depuis un siècle au Canada, est de plus en plus remis en question par les scientifiques. Ceux-ci mettent en doute les économies d’énergie qu’il est censé apporter et, surtout, ils s’inquiètent de ses conséquences sur l’horloge biologique de la population.
Changer l’heure ou pas, telle est donc la question.
À l’instar de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne, le gouvernement canadien a adopté l’heure avancée d’été lors de la Première Guerre mondiale. On faisait alors le pari que le soleil se couchant « plus tard », les ouvriers et les agriculteurs pourraient travailler plus longtemps à la lumière du jour, économisant du même coup l’énergie nécessaire à l’éclairage. Remisée au terme de la Grande Guerre, la mesure est réinstaurée lors du deuxième conflit mondial. Depuis, elle a cours au Canada, aux États-Unis et dans les pays de l’Union européenne, notamment.
Ce passage à l’heure avancée est de plus en plus remis en question. La Société canadienne du sommeil et la Société canadienne de chronobiologie, entre autres, se sont prononcées en faveur d’un retour à l’heure normale tout au long de l’année.
Des conséquences réelles
C’est qu’au-delà des sempiternelles vexations autour du réglage de l’horloge du micro-ondes, le changement d’heure a aussi des conséquences physiques sur l’organisme, explique Roger Godbout, spécialiste du sommeil et professeur titulaire à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
D’abord, le changement d’heure entraîne bien souvent une perte de sommeil. Qui, dans les jours suivants, peut se traduire par de la somnolence, des troubles de l’humeur et de concentration, ainsi que des pertes de mémoire. « Dimanche matin, l’effet n’est pas trop grave. Mais lundi matin, quand les gens vont retourner au travail, [ça va être plus difficile] », illustre M. Godbout.
Le changement d’heure a aussi pour effet de bousculer notre horloge biologique, qui se règle par la lumière du matin et l’illumination maximale du midi, quand le soleil est au zénith. Ce déséquilibre soudain vient donc déstabiliser notre rythme circadien. « À long terme, c’est toutes nos hormones, nos neurotransmetteurs et la synchronisation de toutes nos horloges biologiques qui sont perturbées », mentionne le professeur.
Les économies d’énergie réalisées en jouant avec les aiguilles de l’horloge sont également remises en question.
Selon l’ADEME, l’agence gouvernementale française de transition écologique, ces économies d’énergie sont ainsi de plus en plus maigres, la faute aux systèmes d’éclairage plus performants et aux ampoules à faible consommation.
Alors, on arrête ou pas ?
Devant ces arguments, l’abandon pur et simple du changement d’heure fait du chemin. Déjà, plusieurs pays ont déjà aboli la pratique, dont la Russie, l’Argentine et la Turquie. Au Canada, la Saskatchewan ne change plus l’heure depuis le milieu du XXe siècle. Et le Yukon lui a emboîté le pas en 2020.
L’abandon total du changement d’heure au pays semble toutefois peu probable à court terme, puisque, commerce oblige, le Canada reste étroitement lié aux États-Unis dans ce dossier. Le professeur Godbout a tout de même une idée pour rendre le passage à l’heure avancée moins pénible. « Ça serait pas mal mieux si on changeait l’heure le vendredi plutôt que le samedi. On gagnerait une journée pour s’adapter » et les lundis seraient moins laborieux, observe le chercheur.