Le milieu culturel se dote d’un centre d’aide psychologique
Lancé le mois dernier, le Centre psychologique pour artistes aspire à favoriser la santé mentale de ceux-ci, toutes disciplines confondues
Face au problème de l’épuisement professionnel dans son industrie, le milieu de la musique québécoise peut aujourd’hui compter sur une nouvelle aide. Lancé le mois dernier, le Centre psychologique pour artistes (CPPA) aspire à aider ces derniers à développer « une hygiène en santé mentale » grâce à de la formation continue et de l’accompagnement destiné aux artistes (de toutes disciplines) et aux organisations qui travaillent à leur rayonnement, résume Florence Khoriaty, musicienne connue du public sous le nom Florence K, candidate au doctorat en psychologie et cofondatrice de la jeune entreprise.
Constitué en entreprise d’économie sociale, le CPPA fonctionne d’abord par abonnement (entre 50 $ et 150 $ par an, selon les revenus des membres ou leur statut, soit artiste ou organisation), qui assurera dès cet automne aux membres individuels un accompagnement personnalisé. Devenir membre du CPPA donne également droit à des tarifs préférentiels sur les conférences et les formations continues, l’autre source de revenus du Centre.
Inauguré sans tambour ni trompette, le Centre compte déjà une vingtaine de membres, dont l’Union des artistes (qui a mis sur pied sa propre Fondation des artistes et son Fonds de soutien psychosocial pour les artistes et travailleurs du milieu culturel). Une campagne de sociofinancement sera bientôt mise sur pied, nous confirme Jean-Pascal Lafrance, directeur général du CPPA.
La mise en ligne d’un site Web en février dernier est une première pierre (numérique) à l’édifice du CPPA, « qui vise à soutenir les artistes par la promotion de leur santé mentale et par la prévention des enjeux liés à leur métier. Nous offrons de l’accompagnement adapté et des formations qui prennent en compte l’écosystème entier des artistes », peut-on lire sur le site.
Ses administrateurs cherchent à prévenir non seulement l’épuisement professionnel dans le milieu, mais aussi d’autres troubles de la santé mentale. « C’est vaste, la santé mentale, mentionne Florence Khoriaty. L’épuisement professionnel, le trouble bipolaire — une maladie plutôt chronique et tempéramentale depuis la naissance —, l’abus de substances, la tendance à créer dans des épisodes de manie, etc. », précise la doctorante, qui s’est tournée vers la psychologie après avoir vécu elle-même une « dépression majeure » en 2011.
La santé mentale du milieu des artistes, milieu qui l’a révélée au grand public, elle s’y est penchée ; Florence K confirme que « les données, tirées d’études internationales, montrent qu’il y a une prévalence plus élevée de détresse psychologique chez les artistes que dans la population en général ». Aucune étude ne s’est encore penchée sur l’état de l’industrie musicale, « mais on sait qu’il y a des cas, on sait que ça va mal. Les conditions ne sont pas en place pour venir en aide aux artistes » et à ceux qui les accompagnent.
Car à son avis, les artistes et les travailleurs de l’ombre travaillent dans des conditions comparables à plusieurs égards : en raison de la baisse généralisée des revenus dans l’industrie et du financement inadéquat de celle-ci, « la quantité de travail que tu fournis pour avoir l’espoir d’avoir les mêmes revenus qu’auparavant est disproportionnée, ce qui crée un sentiment de frustration. Car peu importe la valeur de ton travail ou le temps que tu y mets, la récompense ne sera pas à la hauteur. Cette industrie [musicale] vit sous respirateur artificiel ».
Le CPPA n’apportera pas les réponses au sous-financement systémique du milieu, mais ses administrateurs (l’entreprise d’économie sociale emploie pour l’instant quatre personnes) sont convaincus de pouvoir offrir des outils pour lutter contre le mal qui ronge le milieu.
« La précarité financière a évidemment un impact terrible sur la détresse psychologique et l’épuisement professionnel, mais il manque aussi au milieu artistique une culture de l’hygiène mentale, autant chez les artistes qu’auprès de la main-d’oeuvre et les organisations de l’industrie. Il n’y a pas encore de formation continue sur le bien-être. Il faut instaurer une culture de communication sur la santé mentale et donner les outils au milieu, et c’est ce qu’on souhaite faire au CPPA. »
Il manque aussi au milieu artistique une culture de l’hygiène mentale
FLORENCE KHORIATY