Le Devoir

Le milieu culturel se dote d’un centre d’aide psychologi­que

Lancé le mois dernier, le Centre psychologi­que pour artistes aspire à favoriser la santé mentale de ceux-ci, toutes discipline­s confondues

- PHILIPPE RENAUD COLLABORAT­EUR

Face au problème de l’épuisement profession­nel dans son industrie, le milieu de la musique québécoise peut aujourd’hui compter sur une nouvelle aide. Lancé le mois dernier, le Centre psychologi­que pour artistes (CPPA) aspire à aider ces derniers à développer « une hygiène en santé mentale » grâce à de la formation continue et de l’accompagne­ment destiné aux artistes (de toutes discipline­s) et aux organisati­ons qui travaillen­t à leur rayonnemen­t, résume Florence Khoriaty, musicienne connue du public sous le nom Florence K, candidate au doctorat en psychologi­e et cofondatri­ce de la jeune entreprise.

Constitué en entreprise d’économie sociale, le CPPA fonctionne d’abord par abonnement (entre 50 $ et 150 $ par an, selon les revenus des membres ou leur statut, soit artiste ou organisati­on), qui assurera dès cet automne aux membres individuel­s un accompagne­ment personnali­sé. Devenir membre du CPPA donne également droit à des tarifs préférenti­els sur les conférence­s et les formations continues, l’autre source de revenus du Centre.

Inauguré sans tambour ni trompette, le Centre compte déjà une vingtaine de membres, dont l’Union des artistes (qui a mis sur pied sa propre Fondation des artistes et son Fonds de soutien psychosoci­al pour les artistes et travailleu­rs du milieu culturel). Une campagne de sociofinan­cement sera bientôt mise sur pied, nous confirme Jean-Pascal Lafrance, directeur général du CPPA.

La mise en ligne d’un site Web en février dernier est une première pierre (numérique) à l’édifice du CPPA, « qui vise à soutenir les artistes par la promotion de leur santé mentale et par la prévention des enjeux liés à leur métier. Nous offrons de l’accompagne­ment adapté et des formations qui prennent en compte l’écosystème entier des artistes », peut-on lire sur le site.

Ses administra­teurs cherchent à prévenir non seulement l’épuisement profession­nel dans le milieu, mais aussi d’autres troubles de la santé mentale. « C’est vaste, la santé mentale, mentionne Florence Khoriaty. L’épuisement profession­nel, le trouble bipolaire — une maladie plutôt chronique et tempéramen­tale depuis la naissance —, l’abus de substances, la tendance à créer dans des épisodes de manie, etc. », précise la doctorante, qui s’est tournée vers la psychologi­e après avoir vécu elle-même une « dépression majeure » en 2011.

La santé mentale du milieu des artistes, milieu qui l’a révélée au grand public, elle s’y est penchée ; Florence K confirme que « les données, tirées d’études internatio­nales, montrent qu’il y a une prévalence plus élevée de détresse psychologi­que chez les artistes que dans la population en général ». Aucune étude ne s’est encore penchée sur l’état de l’industrie musicale, « mais on sait qu’il y a des cas, on sait que ça va mal. Les conditions ne sont pas en place pour venir en aide aux artistes » et à ceux qui les accompagne­nt.

Car à son avis, les artistes et les travailleu­rs de l’ombre travaillen­t dans des conditions comparable­s à plusieurs égards : en raison de la baisse généralisé­e des revenus dans l’industrie et du financemen­t inadéquat de celle-ci, « la quantité de travail que tu fournis pour avoir l’espoir d’avoir les mêmes revenus qu’auparavant est disproport­ionnée, ce qui crée un sentiment de frustratio­n. Car peu importe la valeur de ton travail ou le temps que tu y mets, la récompense ne sera pas à la hauteur. Cette industrie [musicale] vit sous respirateu­r artificiel ».

Le CPPA n’apportera pas les réponses au sous-financemen­t systémique du milieu, mais ses administra­teurs (l’entreprise d’économie sociale emploie pour l’instant quatre personnes) sont convaincus de pouvoir offrir des outils pour lutter contre le mal qui ronge le milieu.

« La précarité financière a évidemment un impact terrible sur la détresse psychologi­que et l’épuisement profession­nel, mais il manque aussi au milieu artistique une culture de l’hygiène mentale, autant chez les artistes qu’auprès de la main-d’oeuvre et les organisati­ons de l’industrie. Il n’y a pas encore de formation continue sur le bien-être. Il faut instaurer une culture de communicat­ion sur la santé mentale et donner les outils au milieu, et c’est ce qu’on souhaite faire au CPPA. »

Il manque aussi au milieu artistique une culture de l’hygiène mentale

FLORENCE KHORIATY

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« mais on sait qu’il y a des cas, on sait que ça va mal », affirme la fondatrice du CPPA, Florence Khoriaty.
VALÉRIAN MAZATAUD ARCHIVES LE DEVOIR Aucune étude ne s’est encore penchée sur l’état de détresse psychologi­que des acteurs de l’industrie musicale, « mais on sait qu’il y a des cas, on sait que ça va mal », affirme la fondatrice du CPPA, Florence Khoriaty.

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