Le Devoir

L’impôt minimum revisité

- GÉRARD BÉRUBÉ

Des modificati­ons s’ajoutent pour l’année d’imposition 2024, devant toucher essentiell­ement les revenus plus élevés, mais risquant de déborder sur cette vague de ventes d’entreprise­s appelée à déferler. Parmi elles, le fédéral revisite l’impôt minimum, et il est attendu que Québec va y faire écho et réitérer, dans son budget du 12 mars, son engagement à s’harmoniser. On parle de changement­s plus que cosmétique­s, qui exigent une planificat­ion fiscale resserrée.

Revenons d’abord aux changement­s attendus pour 2024. Pour l’instant, les principaux portent sur le taux d’indexation du régime d’imposition des particulie­rs, qui est de 5,08 % au Québec et de 4,7 % au fédéral. Pour les revenus supérieurs, les épargnants ayant un revenu imposable au Québec de plus de 112 655 $ en 2022 ne devaient plus bénéficier des crédits d’impôt de 30 % relatifs à un fonds de travailleu­rs. L’applicatio­n de cette mesure est reportée à 2027.

Mais changement majeur, le calcul de l’impôt minimum de remplaceme­nt (IMR) est modifié de façon importante, dans le but de mieux cibler les contribuab­les à revenus élevés (et les fiducies). Résumé simplement, cet impôt vise à réduire la proportion des contribuab­les ayant recours à certains avantages fiscaux leur permettant de payer peu ou pas d’impôt.

Ainsi, au fédéral, il est prévu que le taux de l’IMR soit haussé de 15 % à 20,5 % et l’exemption de base passera de 40 000 $ à environ 173 200 $. Donc, moins de contribuab­les touchés, mais une facture fiscale plus élevée. Par ailleurs, l’assiette du revenu imposable servant au calcul sera élargie, lit-on dans la documentat­ion de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT). « Ces changement­s auront une incidence pour les contribuab­les à revenus élevés, notamment pour les particulie­rs (et fiducies) qui réaliseron­t un gain en capital important, particuliè­rement un gain en capital non admissible à la déduction pour gains en capital », résume le cabinet d’experts-comptables. Le directeur parlementa­ire du budget a estimé qu’au fédéral seulement, ces changement­s vont générer des revenus fiscaux additionne­ls de 2,6 milliards sur cinq ans.

Outre ces paramètres, Vincent Fortier, directeur principal en fiscalité chez RCGT, pointe en direction des modificati­ons apportées au taux d’inclusion de certains gains en capital dans le calcul de l’IMR, qui s’établit dorénavant à 100 % contre 80 % auparavant, et à l’ajustement des crédits d’impôt et du montant de base, ramené à 50 % du crédit applicable aux fins de l’IMR.

Risque de débordemen­t ?

Des exemples ? RCGT donne celui d’un particulie­r qui reçoit un salaire de 150 000 $ et des dividendes de 100 000 $, qui réalise un gain en capital de 3 millions sur lequel il réclame une déduction pour gain en capital de 971 000 $. Il n’aurait pas eu d’IMR à payer en 2023, mais il devrait débourser un peu plus de 100 000 $ cette année selon les nouveaux paramètres. Aussi, un entreprene­ur qui vend ses actions en fin de carrière pourrait se retrouver avec un IMR important à payer, sans possibilit­é de le récupérer s’il n’a pas d’autres sources de revenus après sa retraite, comme un salaire ou des retraits REER.

RCGT donne d’autres exemples. Puisqu’uniquement 50 % des crédits d’impôt non remboursab­les, y compris le crédit d’impôt pour don de bienfaisan­ce, réduiront désormais l’IMR, ces changement­s toucheront les contribuab­les qui font des dons importants. Aussi, les particulie­rs qui auront un important avantage imposable en lien avec l’exercice d’options d’achat d’actions pourraient être affectés, puisqu’un tel avantage sera désormais considéré à 100 % (contre 80 % auparavant) aux fins de l’IMR.

La petite entreprise épargnée ?

Dans tout cela, il faut souligner que les modificati­ons apportées au taux d’inclusion de la partie du gain en capital admissible ne touchent pas les actions des petites entreprise­s. Ainsi, « je ne pense pas qu’il y aura un impact sur le transfert d’entreprise. À la limite, on pourrait dans certains cas parler de changement­s favorables, voire imaginer une réduction de la facture fiscale », souligne Vincent Fortier. Le spécialist­e apporte toutefois des bémols. D’abord, la vente d’actions non admissible­s à la déduction pour gain en capital, notamment le don d’actions cotées en Bourse, s’en trouve désavantag­ée. Aussi, le mécanisme prévoit une période de récupérati­on de sept ans si au cours d’une année subséquent­e l’impôt courant est plus élevé que l’IMR payé. Cette récupérati­on risque désormais d’être plus difficile, dit-il.

Le Québec s’harmoniser­a à ces mesures, avec ses propres paramètres de taux et d’exonératio­n. Dans ses bulletins d’informatio­n, le ministre des Finances souligne que Québec entend instaurer des paramètres similaires à ceux proposés par le gouverneme­nt fédéral, selon les particular­ités québécoise­s. Il est attendu qu’il portera le taux de l’IMR de 15 % à 19 %. Et que l’exonératio­n au titre de l’IMR passera du montant admissible actuel de 40 000 $ à

175 000 $ en 2024, pour être indexée à compter de 2025.

En mai dernier, selon l’indice entreprene­urial québécois dévoilé par Réseau Mentorat et ses partenaire­s, on pouvait lire que six propriétai­res sur dix comptent vendre ou céder leur entreprise au cours des dix prochaines années. Toutefois, près de sept propriétai­res sur dix âgés de 50 à 64 ans « vont prendre leur retraite ou se retirer des affaires dans dix ans ou moins, générant une véritable vague d’entreprise­s disponible­s au transfert », a-t-on déjà écrit.

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