Carnet voyage
Les actualités du monde touristique, ici et ailleurs
J7 et les gens de la rivière
Finalement, je me serai longuement attardée à Siem Reap, subjuguée par cette bourgade qui se répand de part et d’autre de la rivière du même nom. Nom qui rappelle que les Khmers ont un jour vaincu le Siam (l’actuelle Thaïlande). Message doublement reçu : voilà une ville gagnante au Cambodge !
À la tombée du jour, la jeunesse locale se retrouve au bord de l’eau, enfin au frais sous les tamariniers. En face, les touristes sirotent des cocktails « deux pour un » aux terrasses des hôtels. Puis s’amènent les camions-restaurants. À hauteur du marché de nuit Riverside et de l’Old Market, mini-tables et chaises en plastique, omniprésentes en Asie du Sud-Est, se multiplient sur les rives. Madame est servie !
Savourant un sauté de je-ne-sais-quoi au galanga, je revois le fil de ma journée. Avec mon guide, nous sommes partis en Vespa afin d’assister au lever du soleil sur le plus grand sanctuaire du monde, Angkor Wat. Frissons devant ce puissant symbole de mégalomanie et de dévotion.
Nous avons ensuite roulé jusqu’à Ta Prohm, le fameux temple où Lara Croft: Tomb Raider (2001), avec Angelina Jolie, a en partie été filmé. Il a été érigé aux XIIe et XIIIe siècles pour la mère du roi bâtisseur Jayavarman VII, affectueusement surnommé J7. Autres frissons devant ce fatras de ruines et de racines, les figuiers étrangleurs étant carrément en train de broyer les monuments se dressant dans la jungle ! Enfin, direction Le Bayon et ses tours à quatre faces, qui sourient énigmatiquement, comme La Joconde.
L’intérêt de ces sanctuaires réside dans ce qu’ils nous racontent. À Angkor Wat, de fabuleux bas-reliefs relatent les exploits guerriers de S2 (Suryavarman II) et un mythe fondateur du monde hindou, le barattage de la mer de lait. Au Bayon, la pierre bavarde autrement. Elle me parle des gens de la rivière. Ils pêchent au filet épervier, dansent, s’épouillent, jouent aux échecs, volent la marchande qui dort, font des gâteaux de riz… Mille mercis, J7, pour ce merveilleux morceau d’humanité ! adventurescambodia.com
Prahok, kroeung et cie
Histoire de ne plus avaler des je-ne-sais-quoi, je me suis inscrite au cours de cuisine Spice Spoons que donne le superbe hôtel-boutique Anantara Angkor. En compagnie de son souschef, Hour Chinhove, je fais les courses au Phsar Leu Thom Thmey, un vieux marché de Siem Reap. Ensuite, nous préparerons quelques plats ensemble.
Chef, quelles sont les saveurs emblématiques de la cuisine khmère ? « Les saveurs sucrées, qui proviennent du sucre de palme et de certains légumes comme la patate douce, et les saveurs acidulées du tamarin, de la lime et des… fourmis rouges », dit-il en montrant du doigt un étal. Tiens donc !
Dans ce coin du globe, les insectes sont consommés tant pour leur apport protéinique que pour leur goût. Dans la soupe tom yum dont vous raffolez tant, il y a, à Bangkok, une touche de punaise d’eau géante réduite en pâte ou utilisée en bouquet garni ! Cela dit, les mets khmers sont beaucoup moins épicés que les plats thaïlandais. « Chez nous, le piment et le poivre de Kampot [la province où on le cultive] sont toujours servis à part », souligne M. Chinhove.
Oh, cela sent fort… « C’est le prahok, le “fromage de poisson” », fait de trey riel fermenté, la carpe qui a donné son nom à la devise du pays (le riel). On l’utilise parcimonieusement pour relever les soupes et une savoureuse trempette au porc, le prahok ktiss, préparée avec un autre ingrédient clé, le kroeung.
De retour à l’hôtel, mon mentor me tend un mortier et un pilon, « des ustensiles traditionnels, très pratiques quand on n’a pas accès à l’électricité à la maison… » Je prépare un kroeung jaune en broyant ail, oignon rouge, gingembre, citronnelle et curcuma. Ce sera la base de notre curry de poulet au lait de coco. Pendant ce temps, un pudding de sagou (une fécule tirée d’un palmier) à la banane et au lait de coco, parfumé au pandan (une plante au goût vanillé), est sur le feu. On dirait la variante khmère du riz au lait de grand-mère ! Le fin mot de l’histoire ? L’étrange devenu familier a tellement meilleur goût…