La maison comme refuge
Même si la notion de bien-être a toujours été présente en architecture et en design, elle est parfois supplantée par l’importance que l’on accorde aux tendances. En mettant l’occupant au centre d’un projet d’architecture ou de design et en respectant l’AD
L’atelier L. McComber définit l’architecture vivante comme étant l’acte de construire des espaces sensibles et innovants et, surtout, l’art de le faire en harmonie. « Notre mission est de donner forme à vos espaces de vie. Nous imaginons des lieux où il fait bon vivre, qui vieillissent bien, explique Laurent McComber, architecte et fondateur de l’entreprise. Le bienêtre est une question fondamentale et on y travaille très fort. Les projets résidentiels nous permettent parfois d’être plus créatifs, mais l’âme de la famille, du couple ou de l’individu doit transparaître dans les choix de design. »
Certes, il y a des choses qui, naturellement, nous plaisent ou nous font du bien. Alors, pourquoi se forcer à intégrer une couleur, un matériau ou un style défini uniquement parce que c’est la mode ? « Il y a la fast fashion et il y a le fast design, remarque la designer Émilie Jobin. Si on ne se fit qu’aux tendances, il y aura toujours quelque chose de plus beau qui nous sera proposé. Mais d’un point de vue financier et environnemental, cela ne fait pas de sens. Je préfère de loin une approche intemporelle », dit-elle. Celle qui a fondé son entreprise en 2008, Atelier Émilie Jobin, a fait de l’approche holistique un élément essentiel dans la planification et la préparation des projets, tant pour des résidences principales que secondaires.
Bien chez soi, vraiment ?
Le confinement a montré qu’une propriété, lorsqu’on est contraint d’y rester, peut être un endroit refuge, un sanctuaire que l’on apprécie pour sa lumière, sa végétation, son décor, son histoire. Et le télétravail a forcé les gens à repenser leur espace. « Nos maisons ne devraient pas être que de grands garde-robes. Ce sont des milieux de vie que l’on veut à notre image », croit Émilie Jobin.
Dans une étude publiée en 2015 dans la revue Perspectives on Psychological Science, la chercheuse en psychologie sociale et de la personnalité à l’Université de Californie à Berkeley Lindsay T. Graham a exploré comment nos demeures peuvent être modifiées pour avoir un effet sur nos états cognitifs et émotionnels, influencer nos activités ou même « combattre les sentiments d’isolement et de solitude ». Les analyses de la spécialiste des interactions entre l’humain et son environnement ont beaucoup fait parler pendant la pandémie. Aujourd’hui, elle décrit l’espace de vie comme un outil qui nous permet de nous exprimer, de gérer nos émotions et… de travailler.
Des émissions à succès planétaire comme celle de Marie Kondo démontrent elles aussi l’intérêt croissant que l’on accorde au bienêtre et à l’équilibre dans nos maisons. Un lieu qui fait du bien n’en est pas un que l’on aura envie de fuir à la première occasion, au premier jour des vacances d’été ou dès qu’un long week-end est lancé. « On paie de plus en plus cher pour un espace de vie qu’on n’utilise pas à son plein potentiel », croit la designer.
Un mot à la mode
Qu’on l’appelle feng shui, hygge, wabi sabi, slow living ou good design, le bien-être dans l’aménagement de nos maisons n’est pas un concept nouveau, quoique les mots qui le définissent changent d’une culture ou d’une époque à l’autre. « Effectivement, on cherche depuis toujours à être bien chez soi. Par exemple, en maximisant la lumière naturelle ou en créant des liens visuels forts avec l’environnement extérieur », explique M. McComber.
Fonction, plaisir et équilibre
Quelle est la différence entre fonctionnalité et bien-être ? Est-ce que l’un implique nécessairement l’autre ? Les deux spécialistes sont du même avis : la fonctionnalité vise avant tout à répondre à des besoins spécifiques par des solutions pratiques. « Bien que la fonctionnalité puisse participer à une plus grande satisfaction, elle ne garantit pas forcément le bienêtre complet. À mon avis, les facteurs liés au confort contribuent davantage à se sentir bien chez soi : qualité de la lumière naturelle, circulation de l’air, harmonie esthétique ou encore insonorisation », décrit l’architecte.
Pour sa part, Mme Jobin abonde dans le même sens. « On peut être très mathématique, technique, on pense aux zones de circulation, calcule les espaces de dégagement, s’assure que l’ouverture d’un tiroir n’entre pas en conflit avec celle d’une porte. Mais tout ça n’est pas nécessairement esthétique ou une garantie de bien-être pour les occupants. On est dans une société où le beau fait du bien », rappelle-t-elle.
« C’est possible de rendre les gens heureux avec l’architecture et le design, défend M. McComber. On cherche de plus en plus le confort et la paix intérieure. Ça se traduit par un espace bien conçu et agréable qui nous donne le goût d’être là. »