Le Devoir

Propulsion Québec plaide pour l’adoption d’une politique globale

- JEAN-BENOÎT NADEAU COLLABORAT­ION SPÉCIALE

À l’approche du dépôt du budget québécois, le mémoire de Propulsion Québec souligne la bonne direction que prend le gouverneme­nt provincial, mais rappelle l’importance de continuer à soutenir le développem­ent ainsi que la croissance du secteur des transports électrique­s et intelligen­ts.

Depuis sa création en 2017, cet organisme sectoriel — ou « grappe » dans le jargon — s’est imposé comme le porte-voix de l’industrie des transports électrique­s et intelligen­ts (TEI). Ses 250 entreprise­s membres, qui emploient désormais plus de 9000 Québécois, ont triplé en cinq ans leur chiffre d’affaires, consolidé à 3,3 milliards de dollars.

« Nous avons connu des avancées majeures dans les dossiers de la recharge et de la filière batterie », dit Michelle Llambías Meunier, p.-d.g. de Propulsion Québec. « Les programmes en place sont tous excellents, mais il y a beaucoup d’adaptation­s à faire. »

Le mémoire de Propulsion Québec déplore plusieurs trous dans l’accès au capital de risque pour les entreprise­s, des retards dans la recharge des véhicules lourds et le manque de prévisibil­ité des programmes. Mais le principal — et le plus étonnant —, c’est l’absence d’une stratégie d’ensemble.

Pour une consolidat­ion des sous-stratégies

« Tant Québec qu’Ottawa ont opté pour une approche par le bas, expliquet-elle. Ce qu’on a, c’est une stratégie par programmes et diverses stratégies ministérie­lles, comme le Plan vert, mais rien pour l’ensemble. »

Si les stratégies de la filière batterie et la valorisati­on des minéraux stratégiqu­es sont bien installées, Michelle Llambías Meunier souligne qu’elles ne constituen­t qu’un aspect d’une stratégie d’ensemble des TEI. « Il n’existe pas, à l’heure actuelle, une véritable stratégie gouverneme­ntale des TEI coordonnée­s qui consoliden­t toutes les sous-stratégies en un tout cohérent. »

Michelle Llambías Meunier convient qu’il serait possible de continuer d’avancer en bricolant ce qui manque à mesure, comme cela se fait actuelleme­nt. « Mais ça aiderait certaineme­nt si le gouverneme­nt faisait un effort de coordinati­on par le haut. Sans stratégie coordonnée, on pourra peut-être atteindre nos objectifs, mais on va en échapper des bouts. »

En 2022, après de longs mois d’une importante consultati­on, Propulsion Québec s’est donné sa propre stratégie, la feuille de route industriel­le Ambition TEI 2030. « Nous ne sommes pas un lobby. Propulsion Québec a été voulue par le gouverneme­nt pour savoir ce qui se passe dans le secteur et voir les angles morts. Mais notre feuille de route ne remplace pas une politique gouverneme­ntale. »

Comblement et rattrapage

Quant aux autres priorités présentées au ministre des Finances du Québec, les problèmes les plus immédiats concernent l’accès au capital et le manque de prévisibil­ité des programmes en place.

En matière de financemen­t, les entreprise­s du secteur des TEI ont accès à beaucoup de fonds pour le développem­ent de leurs opérations et de leurs efforts de vente, mais il n’existe pas de fonds pour le prédémarra­ge et le démarrage spécialisé en TEI. Il existe des crédits d’impôt et le Fonds de technologi­e de développem­ent durable Canada, mais rien qui colle exactement aux besoins de notre secteur.

« Nous comptons beaucoup d’entreprise­s manufactur­ières qui requièrent plus de fonds de démarrage que le secteur des logiciels. Nous avons étudié ce qui manque, et les chiffres sont très précis : 68 millions en prédémarra­ge et plus de 420 millions en démarrage. »

Une bonne moitié des recommanda­tions de Propulsion Québec concerne l’améliorati­on des programmes multiannue­ls déjà en place. Le mémoire donne le détail des boulons à resserrer, mais tous les programmes se rejoignent sur un problème commun : le manque de prévisibil­ité.

Par exemple, deux d’entre eux, Écocamionn­age et le Programme d’électrific­ation du transport scolaire, arrivent à échéance le 31 mars cette année sans qu’on sache encore s’ils seront reconduits. Un flottement nuisible, juge Propulsion Québec. « Si on veut accélérer les investisse­ments, le gouverneme­nt devrait annoncer un an d’avance ses intentions », dit Michelle Llambías Meunier.

Dans le tissu de programmes en place, Propulsion Québec fait état d’un trou très important qui plombe son électrific­ation : le retard dans le déploiemen­t des bornes de recharge des véhicules lourds et moyens. Selon le Portrait d’électrific­ation des parcs de véhicules conçu par l’organisme, le Québec compte plus de 115 000 véhicules légers tout électrique­s, 863 véhicules moyens et 79 véhicules lourds, contre 180 000 camions lourds en circulatio­n. Or, les véhicules lourds comptent pour 13 % des émissions de GES, soit une large part du secteur des transports (43 % des émissions québécoise­s). « Ce que ça montre, c’est qu’on est en train de prendre un gros retard sur nos objectifs. »

À mi-mots, le mémoire déplore le manque d’attention donné au transport collectif. « On le dit et on y croit. L’électrific­ation des véhicules ne suffira pas pour assurer la décarbonat­ion des transports. La réduction des déplacemen­ts et le transfert modal, qui sont les deux autres volets de notre action, seront la clé. »

La stratégie gouverneme­ntale, juget-elle, doit absolument inclure le secteur municipal, qui gère le transport collectif. « Peut-être faudra-t-il revoir le modèle d’affaires, mais nos villes auront certaineme­nt besoin de moyens. »

« Propulsion Québec a été voulue par le gouverneme­nt pour savoir ce qui se passe dans le secteur et voir les angles morts. Mais notre feuille de route ne remplace pas une politique gouverneme­ntale. »

 ?? PROPULSION QUÉBEC ?? Nova Bus, l’un des plus importants fournisseu­rs de solutions de transport durable en Amérique du Nord
PROPULSION QUÉBEC Nova Bus, l’un des plus importants fournisseu­rs de solutions de transport durable en Amérique du Nord

Newspapers in French

Newspapers from Canada