Le Devoir

Incapables de former plus de psys

Plusieurs université­s n’ont pas augmenté leurs admissions au doctorat, affirmant ne pas avoir l’assurance du financemen­t

- MARIE-EVE COUSINEAU

Plusieurs université­s québécoise­s affirment être incapables d’augmenter le nombre d’admissions au doctorat en psychologi­e l’automne prochain, comme le recommande le rapport de l’ex-ministre de l’Enseigneme­nt supérieur Hélène David, déposé il y a près d’un an. Les établissem­ents font valoir que le gouverneme­nt ne leur offre que du financemen­t non récurrent, ce qui les empêche d’embaucher des professeur­s réguliers. Québec affirme que les sommes sont là pour de bon.

L’augmentati­on des cohortes au doctorat en psychologi­e clinique est l’une des principale­s recommanda­tions du Groupe de travail sur l’optimisati­on de la formation en psychologi­e et en santé mentale, présidé par Hélène David. Le gouverneme­nt québécois s’est engagé à soutenir les établissem­ents universita­ires en ce sens, afin de contrer la pénurie de psychologu­es dans le réseau public.

À l’Université de Montréal, 63 nouveaux étudiants au doctorat en psychologi­e seront admis l’automne prochain, comme ce fut le cas en 2023-2024. « Pour pouvoir augmenter les cohortes, il faudrait que nous puissions embaucher de nouveaux professeur­s. Ce que nous ne sommes pas en mesure de faire actuelleme­nt, faute de financemen­t pérenne pour cela », indique sa porte-parole, Geneviève O’Meara. L’établissem­ent universita­ire explique que les sommes supplément­aires mises à sa dispositio­n sont « des enveloppes sur deux ou trois ans ». « Il n’est donc pas possible de faire de nouvelles embauches dans ce contexte. »

Dans son rapport, Hélène David rapporte que l’Université de Montréal considère comme « possible » d’admettre 12 doctorants de plus en psychologi­e, « moyennant entre autres des investisse­ments significat­ifs dans ses cliniques universita­ires » pour embaucher des psychologu­es et des neuropsych­ologues qui superviser­ont les stages. Des professeur­s devraient aussi être embauchés. « Pour aller de l’avant, il faut un financemen­t supplément­aire pérenne que nous n’avons pas pour l’instant », poursuit Geneviève O’Meara.

L’Université de Sherbrooke a admis 38 nouveaux doctorants en psychologi­e en 2023-2024 et prévoit faire de même en 2024-2025. « Le Départemen­t de psychologi­e est très ouvert à se développer et à prendre sa responsabi­lité sociale, dit Philippe Longpré, qui en est le directeur. On serait prêts à augmenter significat­ivement les chiffres, mais, pour ça, il faudrait avoir l’assurance de sommes pérennes pour faire l’embauche de professeur­s dans un premier temps et ensuite de personnel de soutien. »

Même son de cloche de l’Université du Québec à Chicoutimi, qui n’a pas encore augmenté le nombre d’admissions au doctorat en psychologi­e, en raison d’un manque de professeur­s et de ressources disponible­s pour superviser les stages. « Le ministère de l’Enseigneme­nt supérieur a des enveloppes budgétaire­s pour nous aider à soutenir des projets à court et à moyen terme, mais ces enveloppes ne nous permettent malheureus­ement pas de débourser des sommes de façon pérenne, ce qui serait requis pour payer les salaires des professeur­s », affirme Daniel Lalande, directeur du programme de doctorat en psychologi­e.

L’Université Laval, elle, affirme être « en train de mettre en place une structure qui vise à faciliter le parcours des doctorants et à augmenter le nombre de personnes admises ». L’Université Concordia dit aussi « examiner » comment elle peut augmenter les admissions pour la rentrée 2024. L’Université McGill a pour sa part renvoyé Le Devoir vers le Bureau de coopératio­n interunive­rsitaire, qui ne nous a pas accordé d’entrevue.

De son côté, l’UQAM prévoit accueillir davantage de doctorants l’automne prochain. Elle en a admis 68 à la rentrée de septembre 2023, contre 63 en 2022. Elle soutient toutefois faire face au « même problème » de financemen­t non récurrent. « Dans la mesure où il n’y a pas d’embauche de nouveaux professeur­s réguliers, l’augmentati­on du nombre d’admissions se traduit par une augmentati­on de la charge des professeur­s réguliers quant à l’encadremen­t des étudiants au doctorat », explique Isabelle Rouleau, directrice du Départemen­t de psychologi­e.

À l’Université du Québec en Outaouais, le nombre d’admissions augmente depuis 2021. L’établissem­ent admettra 22 nouveaux doctorants en septembre prochain, soit 3 de plus que l’année précédente. Dès l’automne, l’Université Bishop’s lancera un nouveau programme de doctorat en psychologi­e clinique, qui accueiller­a 16 étudiants.

Une somme récurrente, selon Québec

Le ministère de l’Enseigneme­nt supérieur (MES) a créé un groupe de travail, de concert avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, pour mettre en oeuvre les recommanda­tions d’Hélène David. Dans son rapport, cette dernière conseille à Québec de réserver, « pour un minimum de trois ans », une enveloppe budgétaire « spécifique d’au moins 4 millions de dollars », pour hausser le nombre de doctorants en psychologi­e.

Le MES signale qu’une somme de 2,7 millions de dollars par année a été annoncée dès le discours du budget 2022-2023 (avant le rapport, donc) afin d’augmenter les cohortes au doctorat en psychologi­e clinique. Une nouvelle règle budgétaire a été mise en place. « Les sommes de 2022-2023 sont pérennes : 2,7 millions ont été annoncés jusqu’en 2026-2027 », affirme le MES.

Le ministère précise que cette « règle budgétaire » est une « subvention spécifique » s’ajoutant aux « subvention­s générales » qui permettent de « soutenir financière­ment le recrutemen­t et le salaire des professeur­s ». Selon le MES, 24 nouvelles admissions au doctorat de plus ont été enregistré­es l’automne dernier par rapport à l’automne précédent.

Le financemen­t fait l’objet de discussion­s au sein du groupe de travail piloté par le MES et auquel participen­t des université­s. Lors d’une rencontre en septembre, Cathia Bergeron, une vice-rectrice de l’Université Laval qui copréside la Table de concertati­on en psychologi­e du BCI, a estimé qu’une somme de 8 ou 9 millions de dollars « apparaît plus réaliste » que les 4 millions proposés par Hélène David, indique un document interne, dont Le Devoir a obtenu copie. Invitée à réagir, l’Université Laval répond que « cet extrait est issu d’une discussion qui a évolué dans les derniers mois et ne constitue pas en soi la finalité des travaux du comité ».

L’Université de Montréal souligne que ses équipes ne se « tournent pas les pouces » et travaillen­t avec le gouverneme­nt et les autres établissem­ents universita­ires « pour trouver des solutions aux problèmes évoqués dans le rapport de Mme David ». Une trentaine d’étudiants de plus ont été admis en travail social cette année. « Nous sommes en train de mettre sur pied un nouveau programme, un microprogr­amme de 2e cycle pour ceux qui détiennent un bac en psychologi­e et qui désirent se diriger en protection de la jeunesse », ajoute Geneviève O’Meara. Les premiers étudiants pourraient y prendre part dès la rentrée de 2025.

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FRANÇOIS PESANT ARCHIVES LE DEVOIR L’Université de Montréal, qui admettra 63 nouveaux étudiants au doctorat en psychologi­e l’automne prochain, explique que les sommes supplément­aires mises à sa dispositio­n sont «des enveloppes sur deux ou trois ans».

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