Les entreprises, la carte cachée du retour à l’équilibre budgétaire
Les dés sont jetés, ou presque, puisque le gouvernement du Québec déposera vraisemblablement mardi un budget qui, dans ses propres mots, sera « largement déficitaire. » Il s’agirait du quatrième budget de suite de cet acabit. Voilà une source d’inquiétude pour tous les citoyens, qui mérite notre attention.
Nous reconnaissons certes que plusieurs paramètres contextuels ont rendu la partie plus difficile au gouvernement actuel, dont la pandémie, la stagnation économique, et la réduction des transferts fédéraux et des redevances d’Hydro-Québec. Quant au coût des négociations avec le secteur public, nous ne sommes pas de ceux qui y voient une tare économique, malgré les réalités comptables évidentes qu’elles sous-tendent.
Nonobstant ce qui précède, nous en appelons à un meilleur travail de planification pour l’avenir et à une mise à jour du cap visé pour rétablir la situation. Lors du dépôt du budget en mars 2021, le gouvernement prévoyait un retour à l’équilibre en 2027-2028, cible réitérée dans tous les budgets subséquents ainsi que dans les mises à jour automnales, la dernière datant de novembre 2023.
Depuis, plus rien ne tient, alors même que plusieurs des causes de la détérioration du solde budgétaire étaient prévisibles. Le Québec risque ainsi de s’engager sur une trajectoire analogue à celle de l’État fédéral, dont les dépenses, les déficits et les frais de dette publique n’ont cessé de croître audelà des prévisions.
Équilibre
Par chance, nous avons au Québec une loi qui fait office de gardienne du temple. En vertu des nouvelles dispositions de la Loi sur l’équilibre budgétaire adoptées en décembre, un plan quinquennal de retour à l’équilibre devra être déposé au plus tard à l’occasion du budget 2025, ce qui repousserait le déficit zéro à 20292030, après huit budgets déficitaires de suite.
Nous ne pouvons qu’encourager le gouvernement à présenter dès mardi (et non en 2025), un plan de retour à l’équilibre sur un horizon réaliste de quelques années. Il faut rectifier le tir rapidement, d’autant que nous avons des cibles de désendettement à respecter, garantes de l’équité intergénérationnelle. La dette nette, largement supérieure à la moyenne de celles des provinces, doit passer sous les 35,5 % du PIB d’ici 2032-2033.
Alors que faire pour y arriver sans revenir à une réduction des services à la population et sans nuire à la nécessaire compétitivité de nos entreprises, qui paient déjà largement le prix de l’incertitude actuelle ?
La réponse de notre base d’affaires est limpide : donner à nos entreprises les meilleures conditions possible pour stimuler la croissance. À notre avis, il faut provoquer une relance particulièrement vigoureuse en stimulant activement la productivité du travail, l’investissement et le repreneuriat, puis recentrer les priorités autour de quelques interventions ciblées, à coût nul ou à faible coût.
D’abord, la conjoncture présente au gouvernement l’occasion d’améliorer l’accès aux incitatifs fiscaux et financiers offerts aux entreprises, où les paramètres d’application sont encore trop complexes pour celles-ci. Il s’agirait également d’une occasion à saisir avec ces incitatifs, pour les aider à gagner en productivité.
L’accès au capital de risque doit aussi être renforcé. En 2023, les investissements ont malheureusement chuté de 50 % au Québec. Il y aurait donc lieu de devancer, de 2027 à 2025, le déploiement du solde des 500 millions de dollars prévus pour la capitalisation de fonds à la Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation.
Relève
Par ailleurs, plusieurs milliers d’entrepreneurs vendront ou transféreront leur société à brève échéance. Cette population d’entreprises assure une concurrence stimulant la productivité. Pour la préserver, un programme sélectif et ambitieux de garanties de prêts destiné aux repreneurs permettrait de mobiliser le secteur financier autour de l’enjeu de la relève entrepreneuriale, crucial pour la relance comme pour notre prospérité à long terme.
Enfin, les entrepreneurs sont formels : la lourdeur réglementaire et administrative est un sérieux frein à la productivité. La Fédération des chambres de commerce du Québec a récemment formulé plusieurs propositions visant à rehausser l’ambition et l’effet des prochains projets de loi omnibus en matière d’allégement. Il faut agir avec plus d’empressement sur ce front.
Le ministre Girard n’a pas une partie facile devant lui et il devra pouvoir compter sur toutes les forces vives du Québec pour rétablir l’équilibre budgétaire. Les entreprises du Québec ont un rôle crucial à jouer pour redynamiser notre économie, générer une croissance durable et développer des projets qui, partout au Québec, nous permettront de financer notre progrès social.