L’universalité des soins de santé en péril
Les progrès de la médecine sont remarquables, mais extrêmement coûteux
Les iniquités sociales augmentent. Les bien nantis sont de plus en plus riches et les pauvres, de plus en plus pauvres et nombreux. On estime qu’un ménage sur quatre environ peine à payer l’épicerie, le logement, les médicaments et le chauffage tous les mois.
Les itinérants souffrant de dépendances diverses, de troubles mentaux, de précarité financière ou d’évictions sauvages ne peuvent pas toujours trouver les ressources pour se refaire une vie un peu décente.
Les RPA ferment entre autres parce que les résidents en perte d’autonomie n’ont pas les moyens de payer les soins de base essentiels à leur bienêtre, comme des soins d’hygiène et l’aide aux repas.
On estime qu’il manque de 10 000 à 20 000 travailleurs de la santé au Québec. L’offre de services est déficiente.
Les listes d’attente en chirurgie, en imagerie médicale et pour d’autres services professionnels s’allongent dans le réseau public.
Les plus riches ont le loisir de se tourner vers le privé pour éviter les listes d’attente, souvent à grands frais cependant, tout en drainant les ressources humaines, déjà en pénurie, hors du réseau public. La grande majorité des Québécois ne peuvent pas se payer le luxe du privé.
Par ailleurs, les progrès de la médecine sont remarquables, mais extrêmement coûteux. Une thérapie génique pour la dystrophie musculaire de Duchenne ou l’hémophilie B coûte un million de dollars. Un traitement de la leucémie lymphoblastique aiguë par CAR-T cell coûte 500 000 dollars.
Luxurna, pour la dystrophie oculaire héréditaire, coûte un million de dollars. Heureusement, ces maladies affectent un très petit nombre de patients et risquent moins de grever les budgets en santé. Ozempic à 400 dollars par mois semble une aubaine, mais pourrait théoriquement être pris à vie par un milliard d’obèses, qui, pour la plupart, n’ont pas les revenus suffisants pour payer 5000 dollars par année.
On espère très bientôt diagnostiquer la maladie d’Alzheimer à un stade précoce avec une simple prise de sang mesurant l’amyloïde et commencer un traitement avec, par exemple, du Donanemab au coût de 30 000 dollars annuellement pour plusieurs années. On met au point de plus en plus de thérapies coûteuses pour des maladies chroniques qui affectent de grands pans de la population.
Les assureurs, privés ou étatiques, ne pourront pas couvrir ces frais exorbitants dans leur entièreté bien longtemps. D’autant plus que la crise climatique avec son lot de canicules meurtrières, de sécheresses et d’inondations, la transition énergétique et la crise migratoire ne manqueront pas de mettre à dure épreuve les finances publiques à court terme, sans compter les dépenses militaires accrues nécessaires en ces temps de guerres multiples, de cyberattaques et de course aux armements.
Je crains fort que les comités scientifiques et éthiques aient des choix de plus en plus déchirants et difficiles à faire à l’avenir pour approuver ou non certains traitements en fonction de leurs coûts, de leur efficacité à court et long terme, de l’espérance de vie des patients, du nombre de bénéficiaires potentiels et de la capacité de payer des gouvernements, etc.
Il restera toujours l’aide médicale à mourir ou des soins de confort palliatifs pour ceux qui ne peuvent payer de leur poche et qui ne répondront pas aux critères imposés par les comités de sages et les gouvernements endettés et sollicités de toutes parts. La médecine à deux vitesses va prendre de l’ampleur tout comme les iniquités sociales.