Le Devoir

La Floride veut rompre avec les fêtards du spring break

La relation entre l’État et les vacanciers de la relâche américaine est compliquée, voire parfois violente, depuis longtemps

- HANNAH SAMPSON THE WASHINGTON POST

Les villes balnéaires de Floride et les vacances de la relâche (le spring break américain) ont une longue histoire, parfois même sordide. Et encore aujourd’hui, leur relation reste compliquée.

Les visiteurs injectent des milliards de dollars dans l’économie de la Floride. On estime que, l’année dernière, 135 millions de personnes ont visité l’État. Mais alors que des élèves du secondaire, des étudiants universita­ires et des adultes affluent sur les plages ces jours-ci, les destinatio­ns se préparent à les accueillir avec des drones, des contrôles de sacs, des fermetures de plages et des effectifs policiers supplément­aires. Beaucoup de policiers supplément­aires.

« Huit fois plus », a précisé Eric Feldman, chef de la police de New Smyrna Beach.

Miami Beach s’attaque de plein fouet à ce spring break, avec une campagne qui veut « mettre fin à cette relation ». La campagne fait appel à une vidéo ainsi qu’à une série d’amendes, de frais et de règles, qu’on promet d’appliquer strictemen­t. Ces dernières années, la ville s’est efforcée d’endiguer la violence pendant ces vacances qui ont mené à des centaines d’arrestatio­ns et à deux fusillades mortelles en 2023.

« Ça ne fonctionne plus », peut-on entendre dans la publicité publiée sur YouTube. « Et ce n’est pas nous, c’est vous. Nous voulons des choses différente­s. »

La vidéo présente des images des violences de l’année dernière et explique ce à quoi les visiteurs peuvent s’attendre au cours des prochaines semaines : couvre-feu, contrôles, restrictio­n de l’accès à la plage, surveillan­ce de la conduite en état d’ébriété et frais de stationnem­ent de 100 dollars américains.

Le maire de Miami Beach, Steven Meiner, a indiqué que la ville souhaitait toujours accueillir des visiteurs et que la grande majorité des touristes viennent simplement pour passer un bon moment sans problème.

« Les défis auxquels nous faisons face sont liés au nombre de personnes qui viennent sur une courte période et dans une zone très restreinte sur Ocean Drive », a-t-il expliqué. « Malheureus­ement, un petit pourcentag­e de personnes a créé de graves problèmes pour notre ville. »

Mardi dernier, le gouverneur de la Floride, Ron DeSantis, a déclaré dans un communiqué de presse que les forces de l’ordre de l’État seraient présentes à Miami Beach, ainsi qu’à Daytona Beach et à Panama City Beach.

« La Floride est un État très accueillan­t, qui invite les gens à venir s’amuser. Ce que nous n’acceptons pas, c’est l’activité criminelle. Ce que nous n’acceptons pas, c’est la pagaille et les gens qui veulent semer le chaos dans nos communauté­s », a aussi déclaré M. DeSantis lors d’une conférence de presse mardi. « Ne vous y trompez pas : si vous venez ici pour profiter de la Floride et […] passer du bon temps, très bien. Si vous venez pour d’autres raisons, si vous commettez des crimes, si vous causez des dégâts, vous en paierez le prix. »

Au nord de Miami, Fort Lauderdale adopte une approche plus accueillan­te, tout en se préparant à renforcer ses services de police. Les autorités distribuen­t des vaporisate­urs nasaux de naloxone pour prévenir les surdoses ainsi que des tests permettant de savoir si une boisson a été contaminée.

« Nous avons dans notre ville une machine bien huilée pour faire de cette expérience une bonne expérience », a souligné le maire de Fort Lauderdale, Dean Trantalis. « Pas seulement pour les jeunes en relâche, mais aussi pour les familles. »

Depuis des décennies, ces vacances de la relâche constituen­t une épine dans le pied des villes de Floride. Les autorités de Fort Lauderdale avaient déjà décidé, au milieu des années 1980, qu’elles étaient prêtes à mettre un terme à cette relation. La fête s’était alors déplacée vers le nord, à Daytona Beach, où MTV a suivi les festivités pendant des années. La série Girls Gone Wild a capté les festivités de Panama City Beach au début des années 2000, au grand dam de la destinatio­n.

L’office du tourisme de Daytona Beach fait maintenant la promotion de la ville en tant que « vacance conviviale pour les familles ». Fort Lauderdale a si bien chassé les fêtards qu’elle est devenue « une sorte de ville fantôme », selon M. Trantalis. « Miami est en train de vivre la même expérience que Fort Lauderdale il y a 40 ans », a-t-il analysé. « Il s’agit essentiell­ement d’appuyer sur le bouton de réinitiali­sation, et je pense que c’est ce que Miami Beach essaie de faire aujourd’hui. »

Avec les calendrier­s scolaires, ces vacances sont généraleme­nt prévisible­s. Mais la popularité des médias sociaux en tant qu’outil d’organisati­on d’événements a pu prendre certaines villes de court. Ce fut le cas à New Smyrna Beach, il y a deux ans, quand des adolescent­s venus de villes plus éloignées ont envahi la ville balnéaire de manière inattendue grâce à Snapchat et à TikTok, a raconté le chef de police. « La situation est devenue un peu incontrôla­ble », a déclaré M. Feldman. « Ils étaient sur le toit du 7-Eleven et lançaient des meubles. »

Un couvre-feu temporaire pour les personnes de moins de 18 ans est devenu permanent, et M. Feldman a déclaré que le plan de la ville consistait à « inonder cette zone » de policiers afin de dissuader les mauvais comporteme­nts.

« Ce n’est pas que nous voulions qu’ils quittent la ville », a-t-il précisé. « Nous essayons d’actualiser en permanence le plan de sécurité publique pour assurer leur sécurité. »

Dans le comté de Walton, l’objectif est également de contrôler les adolescent­s en vacances avec leur famille. L’année dernière, de grandes foules se sont retrouvées sur la plage, a expliqué Corey Dobridnia, porte-parole du bureau du shérif du comté de Walton. Le nombre d’adjoints en service dans les zones touchées sera triplé et des patrouille­s à vélo et en VTT seront mises en place afin d’empêcher les grands groupes de se rassembler.

« Nous allons simplement essayer de faire en sorte que l’affluence n’ait pas d’impact sur la qualité de vie », a-t-elle fait valoir.

Panama City Beach, qui autorise la consommati­on d’alcool sur le rivage la majeure partie de l’année, a restreint la consommati­on en 2015, a indiqué le chef de la police J. R. Talamantez.

« Nous ne voulons plus de cette atmosphère », a-t-il déclaré. « Mais nous sommes réalistes. Nous pouvons lancer le message que nous voulons, mais nous savons que les gens viendront toujours au printemps. »

Les bars de cette ville du nord-ouest de la Floride fermeront plus tôt ce mois-ci, et certaines parties de la plage où les foules se rassemblai­ent par le passé fermeront la nuit de la mi-mars à la fin du mois d’avril. Dans une lettre adressée à la communauté le mois dernier, il a présenté une initiative en huit points pour la période des vacances de cette année.

« Nous sommes une ville où règnent la loi et l’ordre tout au long de l’année. Les mois de mars et d’avril ne font pas exception à la règle », a-t-il déclaré. « Selon ce que nous avons constaté, c’est vraiment la seule stratégie qui fonctionne. »

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CHANDAN KHANNA ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Des officiers à Fort Lauderdale, en Floride, escortaien­t des fêtards hors des limites de la plage en mars 2022.

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