Fin d’une époque à Natashquan
Le sort des dernières maisons de Pointe-Parent est sur le point d’être réglé
Cette fois sera-t-elle la bonne ? Après trente ans d’attente, les déboires de la communauté enclavée de Pointe-Parent, près de Natashquan, pourraient prendre fin grâce à une ultime proposition d’entente soumise par le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière.
De passage sur la Côte-Nord, le ministre a rencontré lundi soir treize propriétaires de maisons pour leur offrir formellement de les racheter. Le montant total engagé avoisine les 2 millions de dollars.
Pour qui scrute l’événement à distance, l’affaire peut sembler anecdotique, mais pour la population de Natashquan et la communauté innue qui la voisine, c’est la fin d’une crise qui s’étire depuis des décennies.
« C’est une situation qui est unique », résume M. Lafrenière, qui souligne que le gouvernement n’a pas l’habitude d’acheter des propriétés privées.
Pointe-Parent est un secteur de la municipalité de Natashquan, autrefois éloigné du village, près de la réserve autochtone voisine de Nutashkuan. Or avec les années, la population innue a crû à toute vitesse alors que le gouvernement fédéral lui a permis d’agrandir, et d’agrandir encore.
Tant et si bien que Pointe-Parent est devenue enclavée dans la communauté autochtone.
Durant les années 1990, le gouvernement s’est engagé à relocaliser les résidents. Ce qui ne s’est pas matérialisé.
« Il y a des gens qui occupent ma maison »
« Pendant des années, ils n’ont pas été entendus. Ça a complexifié les relations », convient le ministre. Le quartier pris entre parenthèses, beaucoup de résidents sont partis tandis que les épisodes de vandalisme et d’occupation illégale se multipliaient dans les maisons vides.
Alors que la pénurie de logements empirait en territoire innu, certains se sont mis à occuper les résidences inhabitées.
Aujourd’hui, Natashquan compte 250 habitants et la réserve, plus de 1200 personnes.
Lors du passage du Devoir sur place en 2020, l’une des propriétaires disait avoir subi du vandalisme à trois reprises en un an et demi.
« Ça représente des années de stress et d’attente, parce qu’on vivait dans l’incertitude », résumait lundi après-midi Rosaire Landry, l’un des propriétaires concernés.
M. Landry a acquis sa maison en 1977, mais n’y réside plus depuis son déménagement à Sept-Îles en 2013. « Il y a des gens qui occupent ma maison. […] Ça n’a jamais été vu dans la province de Québec ou ailleurs que des gens s’emparent des maisons comme ça. »
Lorsque Le Devoir l’a joint avant la rencontre avec le ministre, M. Landry espérait que les offres soient suffisantes. « J’espère qu’ils ne vont pas nous offrir l’évaluation municipale, on est déjà sous-évalués. »
En entrevue, le ministre Lafrenière n’a pas voulu dire lundi combien exactement il comptait leur offrir, mais soutient qu’une mise à jour de l’évaluation municipale doit être réalisée au cours des prochaines semaines pour voir s’il y a une hausse.
Il dit prévoir décaisser l’équivalent des 2 millions de dollars investis dans la première phase de rachat.
Seconde phase
En 2021, le gouvernement du Québec avait entrepris un premier processus de rachat des maisons des propriétaires qui habitaient toujours à PointeParent. Neuf des onze propriétaires avaient accepté l’offre. Les propriétaires non-résidents attendaient depuis leur tour.
« Je pense que ça va être un grand soulagement », soutient le ministre, qui souligne toutefois que personne ne sera exproprié et que c’est un processus « volontaire ».
Les maisons acquises par l’État ont toutes été transférées à un organisme à but non lucratif (OBNL) géré par la communauté innue.
Or, le transfert a mis du temps à se concrétiser, selon le ministre. « J’avais été très très clair avec les citoyens. Tant que le transfert ne se faisait pas avec la phase 1, je n’embarquais pas sur la prochaine. Et ça vient d’être fait. »
À l’origine, le quartier devait être réservé à du développement touristique et la création d’un camping. Toutefois, le projet a été revu, signale le ministre, en raison de l’érosion des berges et du problème « criant » du logement à Nutashkuan.
Des maisons de la phase 1 sont donc sous-louées à des gens et pourraient éventuellement être rattachées à la réserve en vertu d’ententes avec le gouvernement fédéral. Le transfert des maisons à la communauté ne règle toutefois en rien le problème du manque de logements à Nutashkuan, prévient le ministre.
« Le fédéral donne du budget pour bâtir de trois à cinq résidences par année. Et dans la plupart des communautés, les listes d’attente, c’est environ une centaine de résidences. »